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426ème semaine politique: pourquoi ils veulent expulser la Grèce

Publié le 04 juillet 2015 par Juan
426ème semaine politique: pourquoi ils veulent expulser la Grèce
Un temps, on a cru que la menace de disparition des Guignols de l'info allait occulter l'actualité politique du pays toute entière. Seul Nicolas Sarkozy n'est pas venu à la rescousse d'une émission qui finalement n'aura coûté que la place du principal dirigeant de la chaîne. Une fraction du microcosme semblait découvrir que le propriétaire d'un média a quelque droit sur son entreprise.
Des dizaines de milliers de tweets et autres manifestations digitales ou journalistiques ont sauvé le show satirique de la chaîne cryptée, une mobilisation aussi importante qu'elle est faible sur bien des causes du monde réel par ailleurs. Car le monde tourne mal, très mal.
Hollande est en Afrique. Un tour qui n'intéresse personne, et qui impose à Hollande d'abandonner encore un peu plus à la real-politik aux détriments des droits de l'homme.
La Grèce est en passe d'être expulsée de la zone euro. Faute d'accord avec ses créanciers, le pays est en défaut de paiement pour sa première semaine, quelques heures après l'échéance fatidique du 30 juin, à laquelle le pays devait rembourser 1,6 milliard d'euros au FMI. Et pourtant le pays est encore debout, malgré la peur que l'ensemble des dirigeants européens tentent de propager dans le pays. 
"Pourquoi est-ce qu'ils nous ont forcés à fermer les banques ? Pour insuffler la peur aux gens. Et quand il s'agit de répandre la peur, on appelle ce phénomène le terrorisme, Yanis Varoufakis, ministre des finances.
Le gouvernement grec a effectivement fermé les banques, et imposé un plafond quotidien de 60 euros aux distributeurs de billets jusqu'au référendum organisé ce 5 juillet sur les propositions austéritaires de l'euro-groupe, du FMI et de la BCE. Depuis avril, quelque 40 milliards d'euros auraient été retirés des guichets par les Grecs.
Toute la semaine précédent le référendum, le gouvernement grec a continué de discuter et de proposer aux créanciers.
En vain.
A Paris, Nicolas Sarkozy plaide pour l'expulsion rapide de la Grèce. "Il faut protéger la zone euro du désastre grec" crie-t-il dans les colonnes du Monde. C'est plutôt l'inverse, c'est la Grèce qui pourrait sauver l'Europe de son propre désastre. Car ce continent européen, hier modèle de démocratie et terre d'accueil aux opprimés politiques ou économiques du globe, s'est mué en une forteresse assiégée, rance et fiévreuse. Un effort solidaire pour étaler les 320 milliards euros d'une dette contractée par d'anciens gouvernements clientélistes et conservateurs puis aggravée par une dizaine de plans austéritaires imposés sans succès au pays depuis 2010 sauverait l'Europe de la honte. La Grèce doit 320 milliards, dont une quarantaine à l'égard de la France, et quelques 400 millions d'agios annuels.
Lors d'un meeting devant des militants du sous-courant ultra-sarkozyste "La Droite Forte", il renchérit: "Prenez garde, M. Tsipras, car les créanciers de la Grèce, ce sont les contribuables français et européens." Vraiment ? Sarkozy oublie le tour de passe-passe opéré sous sa mandature par les dirigeants européens. Quand le désastre grec fut découvert en 2009, ce sont eux, dont Nicolas Sarkozy, les membres de l'Union substituèrent des crédits publics aux emprunts bancaires privés.
Vendredi en Grèce, Alexis Tsipras s'affiche justement dans un meeting pour le NON au référendum qu'il a lui-même organisé ce dimanche. Pour la première fois depuis longtemps, les Grecs sont appelés à voter pour ou compte le dernier plan d'austérité proposé par leurs créanciers. Cela ne plait pas à nombre d'éditocrates et de politiciens en France qui se succèdent sur les ondes pour expliquer combien les dirigeants grecs de Syriza ont eu tort d'organiser pareille consultation publique.
Tous les moyens sont bons. Après 5 longs jours de silence, le Conseil de l'Europe s'est fendu publiquement d'une critique à l'encontre du référendum grec: le délai entre l'annonce et le vote serait trop court. Il aurait fallu au moins "deux semaines", au lieu de ... 10 jours (sic!).
"Le fait nouveau, c'est que la Grèce s'est dotée d'un Premier ministre qui ne partage aucune de nos valeurs, qui n'assume aucune des responsabilités qui devraient être celles d'un Premier ministre d'un grand pays d'Europe, qui dit aux créanciers qu'il en a peu à faire de ce qu'ils pensent". Nicolas Sarkozy
Quelle curieuse conception de la démocratie que de refuser à un peuple le soin de voter sur son destin européen !
Les mêmes qui ne disaient rien à l'égard du texte constitutionnel européen de quelques centaines de pages qu'il fut donner à juger lors du référendum de 2005 sont les premiers et les plus virulents aujourd'hui à l'encontre de la question référendaire grecque.
« Le plan d’accord soumis par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fond monétaire international lors de la réunion de l’Eurogroupe du 25/06/12, qui comprend deux parties et constitue leur proposition commune, doit-il être accepté ? Le premier document est intitulé Réformes pour l’achèvement du programme actuel et au-delà et le second Analyse préliminaire de la soutenabilité de la dette. Non accepté/NON ; accepté/OUI » (Question soumise à référendum le dimanche 5 juillet en Grèce).
Sans échauffourée ni dérapage, les Grecs débattent. Les sondages prédisent un score serré. A Athènes vendredi soir, deux foules de 20 000 personnes s'affrontaient ainsi par discours interposé à Athènes. L'une pour le OUI, l'autre pour le NON. L'Europe se réhabilite dans les urnes quand le débat n'est pas truqué.
"On donne une chance à l’Europe de retourner à la démocratie, on envoie un message d’espoir aux peuples de l’Europe." Alexis Tsipras, 3 juillet 2015

En regard, la politique française paraît minable et triste. On poursuit les commentaires techniques sur la course présidentielle vers 2017, on s'esbaudit sur le feuilleton "Uber versus taxis". On s'inquiète du énième refus de François Hollande d'accorder l'asile politique à un Julian Assange réfugié dans une ambassade sud-américaine. On s'inquiète d'une canicule record - 40 degrés atteints sur la capitale et quelques villes, comme si le réchauffement climatique tant redouté était enfin là.

Samedi 4 juillet, les ultra-sarkozystes se donnaient en show lors de leur "fête de la violette". Guillaume Peltier, co-animateur de la Droite forte, clame sur l'estrade que le retour politique de Sarkozy, un "homme pas comme les autres", sonne comme les "retrouvailles du roi et de son peuple". Le pauvre garçon, ancien du Front national, s'égare dans ses références royalistes. Peltier veut porter haut "les valeurs du sarkozysme". On ne sait pas si ces dernières intègrent ces conceptions toutes particulières de la justice et du rapport à l'argent qu'entretenait l'ancien monarque.
Le discours de Sarkozy est sans surprise, un mélange d'autosatisfaction et de bons mots contre ses adversaires, y compris dans son propre camp, et une improbable et introuvable "pensée unique" qui abaisserait les bons Français.  Car la pensée unique du moment est conservatrice, rance et excluante. Elle consiste à défendre le repli, l'exclusion, voire l'expulsion.
Migrants, pauvres, précaires, chômeurs, Grecs, choisissez votre bouc-émissaire. La liste est longue, presque infinie, et ajustable aux délires de chacun.
Sarkozy bêle son mépris de la République, sans critique, ou si peu.
"La pensée unique aime bêler autour du mot diversité. Mais quelle diversité s'il n'y a pas d'identité ?" #FV2015 pic.twitter.com/fZdq1zXv05 — Nicolas Sarkozy (@NicolasSarkozy) July 4, 2015

François Fillon, son ex-meilleur premier collaborateur n'était pas en reste. Deux jours avant, il expliquait qu'il aimerait bien envoyer Sarko... dans l'espace.
C'est toute la politique française qui mériterait d'être satellisée.
Nos regards, en ce début de juillet, sont tournés vers la Grèce.


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