Magazine Cinéma

[critique] Braveheart : 20 ans déjà

Par Vance @Great_Wenceslas
[critique] Braveheart : 20 ans déjà

Braveheart, ce sont cinq Oscars venus récompenser le chef-d'oeuvre, au sens propre du terme, de Mel Gibson. Sorti sur nos écrans voici deux décennies, disponible en blu-ray depuis cinq ans, ce film est durablement inscrit dans la culture populaire et, même si certains éléments historiques n'ont pas été confirmés, d'autres romancés et d'autres encore erronnés, il n'en reste pas moins un exemple marquant d'épopée médiévale au cinéma, une référence dont les effets se font encore sentir.

On a tendance à faire de Braveheart le Danse avec les loups (sorti quatre ans plus tôt) de Mel Gibson. En effet, la conception du film est semblable : un acteur reconnu, n'ayant plus grand chose à prouver devant la caméra, décide de passer derrière et de porter à l'écran un projet pharaonique, destiné à impressionner l'audience et à stupéfier les critiques. Sur le papier, les similitudes sont nombreuses avec pour résultat des films épiques d'une durée hors normes, une ambition artistique et technique flagrante et la recherche d'une conjonction harmonieuse entre réalité historique et destin héroïque. On oublie que Gibson désirait au départ céder la chaise du réalisateur à Terry Gilliam, qui avait décliné. On oublie aussi que, contrairement à Kevin Costner, Braveheart n'est pas la première réalisation de l'interprète de qui s'était essayé à cette discipline avec l'Homme sans visage.

[critique] Braveheart : 20 ans déjà

Il est clair que la rigueur qui transparaît dans l'écriture du pourtant fictif John Dunbar n'est pas l'atout principal de Braveheart : Mel Gibson, avec sa verve habituelle, s'en est d'ailleurs souvent expliqué dans des interviews alors qu'on lui reprochait le manque de justesse historique de son oeuvre. Il faut tout de même avouer, à la décharge du scénariste homonyme Randall Wallace, que la plupart des faits relatifs à la vie de l'un des deux héros de la nation écossaise (avec Robert Bruce, dont l'influence a été un peu minimisée pour les besoins du script) sont difficilement vérifiables puisque les archives de l'époque sont inexistantes. Ainsi, si l'histoire veut que l'action de William soit née de sa volonté de venger son épouse (secrète), rien ne permet de déterminer s'il s'agit d'une rumeur apocryphe - en revanche, le privilège nobiliaire de prima noctae existait bel et bien. Quant à quelques éléments marquants l'iconographie du film (les peintures de guerre, qui n'ont été utilisées qu'au temps de la fin de l'empire romain, ou les tartans des clans, qui n'ont été généralisés qu'à l'ère victorienne), ils sont clairement là pour renforcer l'impact des images.

Braveheart apparaît ainsi comme le prototype de l'épopée reconstruite afin de satisfaire une démarche artistique en renforçant les éléments dramaturgiques tout en privilégiant le vraisemblable à la réalité. L'historien en herbe est tout à fait en droit de critiquer cette initiative, d'autant qu'il ne manquait pas de personnages et de faits pour échafauder un scénario plus proche de la trame historique. Il se trouve qu'il n'y avait de la place que pour un seul héros dans le film de Gibson, quand bien même Robert Bruce ait depuis toujours dans le coeur des Ecossais la même importance que Wallace (s'il y a bien un monument William Wallace sur le champ de bataille de Stirling, tout près de Glasgow, ce sont bien les deux statues, parfois côte à côte, qu'on retrouvera à l'entrée des châteaux). Braveheart (ironiquement, il s'agit du surnom donné à Robert Bruce) apparaît comme un spectacle de facture classique, progressant de manière linéaire, destiné à impressionner durablement le spectateur, à l'embarquer dès le début dans une cause mise en exergue sans (trop de) subtilité ou fioritures ; si Gibson a insisté pour placer la séquence où le jeune William découvre la forfaiture d' Edouard Ier au début - suivi du décès de son père - c'est bien pour nous emmener avec lui dans la quête éperdue d'un idéal. Assister à la pendaison de tous les nobles écossais quand on n'est qu'un enfant a de quoi traumatiser, perdre sa famille sur un champ de bataille vous marque à vie. Chacune des étapes de l'irrésistible ascension (et de l'irrémédiable chute) de Wallace est avancée avec une certaine brutalité, mais cependant habilement enchaînée avec un sens du tragique très poussé, magnifié par une des plus belles partitions du regretté James Horner. Certes, Gibson se complaît dans la violence, toutefois il parvient à toucher, à émouvoir par quelques séquences souvent muettes élaborées avec savoir-faire et passion, où le cadrage fait écho à un certain sens du symbolisme. C'est dans le paradoxe entre la superbe (et bien trop courte) romance de William et Murron et la barbarie des scènes de combat (expurgées pourtant des plans les plus sanglants par le réalisateur lui-même qui ne voulait pas d'une classification trop répressive) que le film puise sa force, le tout dans un cadre plutôt bien mis en valeur (les villages ont bien été filmés dans les Highlands, dans la très belle région de Glen Coe, même si la plupart des extérieurs - forêts, champs et châteaux - ont pris place en Irlande). Les charges des Highlanders (qui constituaient la majeure partie des troupes de Wallace) sont impressionnantes et le choc frontal de deux armées rendu d'une façon saisissante, les figurants semblant véritablement pris d'une frénésie guerrière (on verra très peu de ces images d'arrière-plan avec des anonymes faisant semblant qui font le bonheur des émissions sur les faux-raccords). On remarquera à peine les problèmes de vraisemblance liés à l'âge des acteurs (Gibson est censé interpréter un Wallace âge d'une vingtaine d'années, Campbell/James Cosmo est censé être le père d' Hamish/Brendan Gleeson alors que les deux comédiens n'ont que sept ans d'écart) pour retenir la partition d'un Patrick McGoohan éblouissant en souverain britannique aussi retors qu'implacable.

[critique] Braveheart : 20 ans déjà

Ce qui plaît chez Wallace, c'est sa modernité dans un univers trouble entre des paysans écossais épris de liberté (mais objectivement frustes) et une monarchie anglaise arrogante : s'il ne manque pas de courage, William est un leader plus réfléchi que ses compatriotes, et plus cultivé (son oncle Arguyle lui a enseigné le latin et le français - il faut absolument visionner le film en VO pour profiter de Mel Gibson s'essayant à la langue de Molière - et l'a emmené jusqu'à Rome en pélerinage). Quoiqu'emporté par sa folie vengeresse, il saura catalyser intelligemment la force brute des guerriers qui l'accompagne pour viser un objectif bien plus haut que la simple survie. Il est l'homme d'un idéal, d'un absolu (son amour pour Murron est d'un romantisme total) : par son refus, parfois obstiné, du moindre compromis, il tire vers le haut les aspirations des leaders de son pays, mettant certes un Robert Bruce sous l'éteignoir, mais l'inspirant constamment, l'aiguillonnant et lui faisant regretter les choix stratégiques imposés par son père.

Il fallait oser relancer le genre de l'épopée historique qui avait valu tant de déboires aux studios à la fin des années 60 avec un film approchant les trois heures ! Aujourd'hui encore,

[critique] Braveheart : 20 ans déjà
Braveheart impose son pouvoir de fascination qui nous explose à la face comme les gerbes de sang des membres coupés dans les batailles.

[critique] Braveheart : 20 ans déjà

Braveheart

Mel Gibson

Randall Wallace

Evocation de la vie tumultueuse de William Wallace, héros et symbole de l'indépendance écossaise, qui à la fin du XIIIe siècle affronta les troupes du roi d'Angleterre Edward Ier qui venaient d'envahir son pays.


Retour à La Une de Logo Paperblog