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Paso Doble n°77 : Journal de campagne américaine (VII) : Obama, le candidat Benethon

Publié le 05 juin 2008 par Toreador

A las cinco de la tarde…

Jungle Fever

A écouter les médias, Obama aurait déjà été élu président des Etats-Unis. Encore une presbytie typiquement européenne. Nul mystère à cela : Obama fait vendre, Obama présente bien, Obama est un symbole très fort.

Pourtant, les médias semblent oublier que la victoire d’Obama aux primaires démocrates a été obtenue à l’arraché, et qu’en termes objectifs, la défaite d’Hillary Clinton n’a pas lieu d’être. Elle est cent fois plus dure, cent fois plus expérimentée, cent fois plus qualifiée qu’Obama. Elle avait surtout montré sa capacité à parler aux « grands Etats » qui, quoiqu’on en dise, feront la future élection. Le « choix » d’Obama est donc audacieux, mais je crains exposé à un processus de ségolénisation, même si celui-ci est plus fin que celle-là.

Restent donc en lice deux candidats, Mc Cain et Obama. Chacun des deux puise en partie dans la même veine électorale : un style, une histoire, plutôt qu’un programme. Ce sera donc une campagne symbolique, un choc de deux visages de l’Amérique.

L’icône et l’iconoclaste

Les gens l’appellent l’idole des jeunes : il en est même qui l’envie. Obama est le candidat du métissage et de l’international : noir, mais pas totalement; élevé en Asie; muri en Amérique. Obama a du sang indien cherokee, du sang kenyan, du sang européen (anglais, néerlandais, allemand, français et irlandais): un condensé de mondialisation. Un candidat Benethon tellement improbable dans l’Amérique post 11 septembre qui s’est repliée sur ses valeurs, ses sources puritaines et son berceau blanc.

Obama renoue symboliquement le fil avec les grands rêveurs de l’Amérique : Martin Luther King; Kennedy évidemment, par sa jeunesse et son charisme; mais même au-delà Abraham Lincoln (les deux sont des avocats dégingandés de l’Illinois et se sont rendus célèbres en abordant franchement la question raciale aux Etats-Unis). Obama est un intellectuel, un homme posé, un homme de réflexion.

En face, John Mc Cain symbolise une autre histoire de l’Amérique : l’Amérique blanche, celle des années 50 et du Viet-Nam, celle qui a porté Bush au pouvoir et qui s’est considérablement droitisée depuis Reagan. Mc Cain fleure bon la guerre froide. Il renvoie, via son histoire personnelle (notamment ses tortures au Viet-Nam) à un imaginaire fait d’action et de courage. Quelle différence de caractère avec le toujours-fidèle-Obama-à-sa-Michelle : Mc Cain faillit être renvoyé dans sa jeunesse de l’armée pour avoir ramené à un cocktail de l’Etat major une strip-teaseuse…

L’épée est plus forte que la plume

Paso Doble n°77 : Journal de campagne américaine (VII) : Obama, le candidat Benethon
De qui l’Amérique a besoin ? La plume ou l’épée ?

Pour les Européens, toujours plus à gauche des Etats-Unis, l’obamania fait rage. Desproges disait qu’un ami c’est quelqu’un qui a la capacité de nous décevoir : l’Amérique est notre plus vieil ami. Gore il y a 8 ans, Kerry il y a 4 ans, Obama demain.

On oublie que ce dernier est avant tout un symbole et n’a pas de programme précis, qu’il est totalement inexpérimenté, que Kennedy a été le pire président du XXème siècle avec Carter. On oublie surtout la force des haines raciales : il y aura les blancs qui le trouveront trop noir, les noirs qui le trouveront trop gris, et les latinos qui préfèreront voter Mc Cain pour montrer leur intégration et jouer un mauvais coup à « l’autre minorité ». On oublie enfin que la campagne a été rude avec Hillary et que les points de suture seront mal cousus.

Non, j’en prends le pari ici : même si sa désignation est en soi une révolution, Obama ne sera pas élu cette fois-ci. S’il décidait sur on ne sait quel coup de tête de prendre Hillary Clinton sur son ticket, peut-être aurait-il ses chances. Et encore : Hillary ne pourra accepter que si elle croit qu’Obama perdra. En effet, Obama étant président, il le sera pour huit ans, réduisant à néant les prétentions des Clinton. En revanche, candidat sévèrement battu, Hillary garderait ses chances pour dans 4 ans, Mc Cain étant trop vieux pour faire 2 mandats.

Quelle Amérique ?

Le combat qui s’annonce, celui de l’icône et de l’iconoclaste, va être en réalité révélateur de ce qu’est devenu l’Amérique : la classe WASP (White Anglo-Saxon Protestant), progressivement défavorisée démographiquement, va-t-elle perdre sa « maîtrise » du pays ? les sept années de crispation post-11 septembre et les erreurs enregistrées ont-elles convaincu les américains de changer de ton avec le reste du monde ?

Ne l’oublions pas : ce sont les propres heurts interraciaux internes à l’Amérique qui explique l’émergence des doctrines dites « de civilisation ». Voilà pourquoi, si les Etats-Unis votaient Obama, ce serait un signe d’apaisement interne, prémisse d’un apaisement en termes de politique étrangère. Voilà pourquoi Mc Cain est le nom du futur président.

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