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Ce Chilien qui a fait trembler la toile avec les Minions

Publié le 16 août 2015 par Anthony Quindroit @chilietcarnets
La photo du musée britannique par laquelle tout a commencé (photo DR)

La photo du musée britannique par laquelle tout a commencé (photo DR)

Le nom de Luciano Gonzalez ne vous parle certainement pas. Mais, si vous êtes un habitués des réseaux sociaux, vous avez probablement vu passer une photo qui l’a fait connaître.
Ce cliché est un montage. Dessus, on y voit des personnes avec un casque. Le texte qui l’accompagne est sordide et clair : ce que nous voyons là est un cliché réalisé par les nazis qui menaient des expériences. Luciano Gonzalez enfonce le clou : « «Le saviez-vous ? “Minions” (de l’allemand « minion » qui signifie sbire) était le nom donné aux enfants juifs adoptés par les scientifiques nazis pour leurs expériences. Ils passaient une grande partie de leur vie à souffrir, et comme ils ne parlaient pas allemand, leurs mots étaient des sons qui faisaient beaucoup rire les Allemands.» »
Mais, alors, fichtre, le film Les Minions qui fait rire des millions de personnes de par le monde serait inspiré par le sadisme des nazis et personne n’y trouverait rien à dire ??

Les vrais Minions !

Les vrais Minions !

Très vite, le montage et l’affirmation ont fait le tour du monde, le texte a été traduit provoquant des réactions en chaînes, sortant du cadre du web pour devenir une anecdote à la machine à café : « Quoi, t’as emmené ton petit dernier voir « Les Minions » alors que c’est inspiré d’une expérience nazi ? Si, si, vérifie, c’est le web qui me l’a dit ! ».
Sauf que, non. Non, il ne s’agit pas d’une photo des archives du IIIe Reich. Non, les scénaristes de Moi, moche et méchant (1 et 2) et des Minions n’ont pas étouffé l’affaire.
Tout est parti du Chili, donc, du bureau de Luciano Gonzalez, jeune homme de 28 ans vivant à Santiago du Chili et patron d’une entreprise de publicité et étudiant en photographie. « Je suis peut-être à l’origine de la photo virale. Mais cette information avait déjà circulé au moment de la sortie de « Moi, moche et méchant », note-t-il. Cette information est FAUSSE »

Luciano Gonzalez

Luciano Gonzalez (photo DR)

Et l’auteur de continuer : « Je pourrai dire qu’il s’agissait d’une expérience sociale, mais ce n’est pas tout à fait né comme ça. J’ai pris cette histoire, ajouté une bêtise et publié ça sur mon compte Facebook qui compte à peine 600 amis. En dix minutes, cela a été partagé 2000 fois. J’ai vite précisé que non, ce n’était pas des enfants mais des plongeurs… »
Le cliché est en effet des plongeurs en scaphandriers au début du XXe siècle et la photo est issue du fonds du Royal Navy Submarine Museum en Angleterre.
Mais la clarification prend moins bien que la fausse-vérité. « Inconsciemment, les gens ont continué à associer le photo au message et ont continué de le partager. A la fin de la journée, il y avait plus de 7000 partages. Et c’était parti dans toute l’Amérique du Sud. »
Pour Luciano Gonzalez, le constat est rude. Des milliers d’internautes, même des médias, ont partagé la photo. Mais personne n’est venu lui demander si l’information était réelle. « Il y en a bien qui ont essayé de démentir. Mais les gens leur répondaient « Mais vous ne voyez pas la photo ? » », s’étonne encore le Chilien.
Lorsque la vérité a commencé à circuler, un tombereau d’insultes a inondé sa messagerie. « Mais c’est la faute de chacun. Cela prouve que nous sommes endoctrinés par les médias de masse, par la publicité et tout le reste ».
Pour lui, cette mésaventure est bien plus grave et profonde : « Vous pensez que ce qui a été fait aux Juifs pendant la Seconde Guerre Mondiale est atroce ? Regardez les archives de l’Unité 731. Lisez les informations sur le conflit entre les Juifs et les Palestiniens, les atrocités du groupe terroriste Etat Islamique… Tous diabolisent leurs ennemis, exagèrent, font des montages… » Et trop de contre-vérités sont partagées sans vérification, « parce que ce n’est pas grave… Mais, non, Facebook ne donnera pas un dollar à un enfant attendant une opération si vous partagez cette photo ni ne donnera d’argent à l’Afrique pour un « j’aime » sur la photo d’un enfant atteint de dénutrition. Pour que cela n’arrive plus, il faut enseigner à vos enfants à travailler, à partager, à produire, à apprendre pour qu’ils deviennent des hommes et des femmes de bonne volonté et là, il n’y aura plus d’enfants qui mourront de faim. Lire, se cultiver, c’est gratuit ! »
A aucun, moment, il n’a voulu faire de mal, insiste-t-il : « Je ne me suis pas levé un matin en me disant « Tiens, je vais une blague cruelle sur les Juifs », comme quelqu’un me l’a écrit. C’est un accident qui a révélé un grave problème dans notre société. Cela ne changera plus maintenant. Mais j’espère que sur les 41398 partages [au moment de la réponse ce 16 août 2015, NDLR] au moins mille personnes liront cette publication : l’information est une arme puissante et qui la contrôle contrôle les masses. »
Moralité : réfléchissons avant de cliquer ou de partager quelque chose comme une vérité absolue. Tant le grand public que la presse doivent faire attention avec les informations qui circulent sur le web dont la vitesse de propagation est phénoménale. La leçon n’est certainement pas encore apprise : il y a quelques jours, le web s’affolait d’une sombre histoire de noyade à Dubaï : un père aurait refusé que des sauveteurs secourent sa fille pour des motifs religieux ouvrant la voie à des milliers de messages haineux… L’information est un énorme « fake » aux origines troubles. Mais tout le monde l’a repris, bille en tête, à commencer par le site d’informations britanniques The Guardian, vite suivi par des médias du monde entier. Tous ont, depuis, fait amende honorable. Mais le mensonge prend l’ascenseur quand la vérité prend l’escalier…


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