La photo

J’ai pensé la photo en prenant mon petit-déjeuner.

J’ai pensé la photo avec les mots d’un journaliste radio avant de la voir, comme ça, brutalement, sur YAHOO, coincée entre un article sur le mariage d’une jeune fille trisomique, une publicité pour VAG et des photos sexy de Louise Bourgoin.

Puis j’ai pensé la photo en lisant LA PESTE de Camus dans le train qui me conduisait à Paris.

Ils avaient déjà vu mourir des enfants puisque la terreur, depuis des mois, ne choisissait pas, mais ils n’avaient jamais encore suivi leurs souffrances minute après minute, comme ils le faisaient depuis le matin. Et, bien entendu, la douleur infligée à ces innocents n’avait jamais cessé de leur paraître ce qu’elle était en vérité, c’est-à-dire un scandale. Mais jusque-là du moins, ils se scandalisaient arbitrairement, en quelque sorte, parce qu’ils n’avaient jamais regardé en face, si longuement, l’agonie d’un innocent (page 195).

J’ai assisté à l’agonie de cet innocent qu’était mon fils et même si le temps écoulé depuis le 15 juin 2010 ne passera jamais, il m’endurcit jour après jour face à la souffrance du monde. Instinct de vie, besoin de légèreté. Et égoïsme aussi.

La mort de ce petit enfant syrien sur une plage n’a rien réveillé en moi (clic). Longtemps depuis 5 ans je me croyais endormi, j’étais en fait déjà tout éveillé. Prêt. Sans trop le savoir.

Même si je ne crois plus aux lendemains qui chantent, ou en tout cas, s’ils chantent un grand soir, ce sera sans moi et sur des airs inconnus, il n’est nul besoin d’espérer pour entreprendre. J’ai donc proposé un peu de mon temps si précieux passé à faire du sport à une association qui aide les réfugiés, peut-être  m’accepteront-ils auprès d’eux.

La mort, la vie et ce qu’on en fait. Ce souffle, une respiration. Ce cœur qui bat inutile quand la vie s’en est allée. Ce coeur in vivo qui bat magnifique en attendant une autre vie que la sienne. Tout aussi importante que la mienne (clic). La charité du coeur par-délà toutes les croyances ou opinions.

Ou pas.

C’est comme vous voulez.