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Vague migratoire venant du sud : pourquoi ? Comment ? Que faire ?

Publié le 07 septembre 2015 par Vindex @BloggActualite

Bonjour à tous,
Depuis plusieurs années, et en particulier depuis le printemps 2015, la problématique des immigrés clandestins ressurgit de plus en plus dans le débat public et suscite des prises de position de nombreux dirigeants et hommes politiques au niveau national, européen et même mondial. Il faut dire que les incidents dramatiques se multiplient pour des migrants souhaitant forcer le « verrou européen » : le naufrage du 19 avril dernier, faisant 800 morts, rappelle que l’île de Lampedusa et la Méditerranée sont toujours aussi convoitées mais dangereuses. Le drame du camion de migrants retrouvés entre Budapest et Vienne le 28 août dernier (71 morts) n’a fait que confirmer la multiplication des routes et flux migratoires, de plus en plus difficile à contrôler.
Face à ces faits gravissimes, l’opinion est bouillonnante : entre les chefs d’Etat comme Angela Merkel qui demandent plus de coopération, entre le Pape qui appelle à se mobiliser pour aider son prochain et même accueillir des migrants, et entre les partis demandant un contrôle plus sévère de l’immigration, difficile de s’y retrouver dans un débat où passion et raison se mêlent, tant la situation ne peut que nous préoccuper d’un point de vue humain. Ainsi, en Suède, pays traditionnellement ouvert d’un point de vue migratoire (80 000 réfugiés accueillis en 2014), le Parti des Démocrates de Suède, décrit comme xénophobe, a atteint 49 sièges au parlement et est devenu le 3ème parti du pays. Inutile de rappeler que le sujet est également intensément débattu en France, et il serait bon de ne pas le réserver à un parti plus qu’à d’autres…
Voyons donc pour quelles raisons cette année (et les suivantes) pourraient voir ce nombre d’accidents se reproduire et quelles sont les solutions envisagées (et envisageables) pour résoudre le problème. 

Les causes du regain des flux migratoires vers l’Europe



Si l’Europe a toujours suscité désir et rêve chez les populations du sud de la planète (en particulier en Afrique et en Asie), elle l’est d’autant plus depuis ces dernières années, au cours desquelles on peut observer une augmentation constante du nombre de personnes tentant de s’infiltrer clandestinement (ou non) dans notre continent. Et ce malgré les difficultés économiques et la stagnation de certains pays.
Il convient d’essayer de comprendre les causes de ces flux croissants : on peut en fait observer un faisceau de causes agissant simultanément :
-Une cause profonde, presque structurelle, est bien sûr l’observation simple d’un développement économique et social difficile dans de nombreux pays d’Afrique et d’Asie, par ailleurs classés dans les Pays les Moins Avancés (les 35 pays où l’IDH est le plus faible au monde). Cette cause nourrit une immigration constante, qui peut être désignée comme une immigration économique.
-A celle-ci s’ajoute une autre constante : celle de régimes plus ou moins autoritaires terrorisant leur population et bafouant les droits de l’Homme, comme c’est le cas en Erythrée.
-A ces causes profondes s’ajoutent des circonstances aggravantes : la situation de Guerre en Syrie et en Irak, ajoutée à l’expansion du pseudo-Etat Daech (ou Etat Islamique en Irak et au Levant) ; la chute du régime de Khadafi en Libye et le chaos politique qui le remplaça depuis 2011 ; la situation au Mali. Ces causes rendent des régions particulièrement instables voire chaotiques. Ainsi la Libye est aujourd’hui véritablement divisée en deux entités se disputant la légitimité du pouvoir : d’un côté la Milice Islamiste « Aube de la Libye » à Tripoli, de l’autre le Gouvernement à Tobrouk. Cette situation de guerre civile, accompagnée d’un vide politique, permet aux réseaux de passeurs et aux flux de se développer, si bien qu’en 2014, selon l’ONU, 85 pour cent des migrants ayant tenté la traversée de la Méditerranée étaient passés par la Libye.
Ce sont donc ces raisons qui poussent de plus en plus de personnes à risquer leur vie, un risque qui nous paraît peu calculé et même inconsidéré, mais qui en réalité, mais qui rappelle selon Max Lobe à quel point la misère et la difficulté de ces gens sont grandes : ils prennent des risques à la hauteur de l’urgence de leur situation et l’instinct de survie peut s’auto-compromettre en cas d’échec.
On en arrive donc à une situation qui a bien changé en deux ou trois ans. En effet, selon l’ONU, 170 000 personnes ont tenté de traverser la Méditerranée en 2014, au péril de leur vie. La majorité des migrants semblent venir du sud du Sahara, d’Erythrée et de Syrie, puis viennent ensuite des pays comme le Maroc, le Pakistan et l’Irak. Au sujet de l’immigration clandestine, l’Union Européenne a enregistré l’arrivée de 274 000 personnes en 2014 contre seulement 100 000 en 2013, soit une augmentation de 180 pour cent en seulement un an. Si l’on regarde de plus près, l’Italie est certes le pays le plus concerné, mais d’autres le sont également. Alors que l’Espagne fut un temps « attractive » grâce aux enclaves de Ceuta et Melilla tout près du Maroc, c’est désormais par l’Europe sud-orientale (Grèce et Balkans) que les migrants passent. La Grèce a ainsi enregistré une augmentation de 750 pour cent le nombre d’immigrés clandestins entre 2014 et 2015.
Ce déplacement des routes migratoires traduit bien, comme le montre cette vidéo, les changements géopolitiques successifs en Libye puis en Syrie. Mais il faut également rappeler que si les migrants ont en partie délaissé la route de méditerranée occidentale, c’est parce l’Espagne, par la répression, le contrôle frontalier (avec FRONTEX) et une politique de coopération, a réussi à verrouiller sa frontière. Des solutions sont donc envisageables face à la situation actuelle. 

Les solutions : accepter ou contenir les flux ?


Accepter ?

Il y a d’abord ceux qui affirment (voire assument) qu’il faut se résoudre à accueillir ces immigrés. Dans l’opinion, ils présentent divers arguments souvent d’ordre moral et humanitaires, défendent l’immigration et ses bienfaits pour nos économies, vantent une société multiculturelle. Au niveau international, Ban Ki-Moon semble être de ce camp. Le secrétaire de l’ONU a en effet appelé à une réunion le 30 septembre prochain pour traiter de la question des immigrés clandestins. Pour lui, une des solutions serait d’élargir les voies de l’immigration légale et d’agir avec compassion. Il rappelle les causes de ces mouvements : guerres, violations des droits de l’homme… En bref, selon lui, accepter légalement ces immigrés permettrait d’améliorer leurs conditions, notamment de voyage, et pourraient éviter la répétition de ce type d’accident. C’est sans doute vrai, dans quelle mesure peut-on accepter plus d’immigrés ? Sur quels critères en accepter des nouveaux ? Ne serait-ce pas une « pompe aspirante » supplémentaire ? Tout cela est à préciser.
Après le naufrage d’avril 2015, l’Union Européenne a également parlé de telles solutions, comme la répartition équitable du nombre de réfugiés politiques.Dans le même type de solution, on peut évoquer le dispositif « Mare Nostrum » (Notre mer en Latin) qui avait pour objectif de sauver les migrants en danger dans la mer Méditerranée. Il s’agissait d’avoir une présence permanente le long des côtes italiennes et d’intervenir en cas de naufrage. Cependant, malgré sa réussite, ce procédé fut abandonné car mis en cause par certains hommes politiques italiens : ceux-ci pensaient en effet qu’il poussa les passeurs à remplir toujours plus les bateaux et qu’il entraîna des difficultés de contrôle pour les personnes ayant été sauvées et pouvant passer plus facilement dans le territoire. Il fut donc remplacer par l’opération « Triton », une politique plus ferme.  

Réprimer ?

Voilà qui nous amène au deuxième volet des solutions possibles. Ceux de la répression. Il s’agit de mieux contrôler les frontières, de contenir les flux clandestins voire, selon certains, de réduire l’immigration légale. En Hongrie, 13 mesures ont été adoptées le 28 août dernier pour faire face aux passeurs et aux « zones de transit » le long des frontières. Une barrière de 4 mètres de haut et de 175 km de long doit être terminée afin de bloquer les flux entre la Serbie et la Hongrie. Les moyens et pouvoirs de la police sont aussi renforcés. Ce type de solution, s’il est ferme, rencontre bien sûr l’hostilité des associations humanitaires et autres pro-immigration. Au niveau européen, le contrôle des frontières de l’UE fut une des principales mesures depuis les années 2000, avec l’Agence FRONTEX (Frontières Extérieures) qui a notamment travaillé sur la route méditerranéenne occidentale.
Dans son faisceau de proposition, Bruxelles intègre aussi une forme de « répression », notamment avec la proposition de plus trier les immigrés acceptés (entre ceux qui ont le statut de réfugié et les autres), de lutter contre les passeurs, de bloquer les flux par une intervention en Libye, de renforcer les moyens du dispositif Triton… Mais selon Jean-Marie Fardeau, tout cela est insuffisant et il faut revenir à un système de type Mare Nostrum.
Enfin, réprimer, ce serait aussi, plus modestement, lutter contre l’immigration clandestine voire légale, en la réduisant. Mais selon le démographe François Héran, c’est un « déni de réalité ». En effet, celui-ci rappelle que la France accueille au final peu de réfugiés (seulement 2 000 syriens en 2014, 18 000 par an en tout). Il rappelle aussi que l’immigration légale représente 200 000 personnes par an (bien loin des 600 000 installations au Royaume-Uni en 2014), soit 3 pour 1 000. Il rappelle qu’il n’existe pas de critère scientifique pour savoir si c’est trop ou pas assez mais rappelle que la France, si elle accueille durablement, a déjà absorbé des flux plus importants, comme le million d’après la fin de la Guerre d’Algérie. En revanche, le démographe, s’il relativise la position de la France par rapport aux autres pays européens, rappelle que nous avons le plus grand nombre d’immigrés de seconde génération du fait de la durabilité de notre accueil. Aussi, il contre la théorie du remplacement en rappelant que même sans les immigrés, la France dispose d’un taux de fécondité élevé, la croissance démographique de ces 20 dernières années n’étant due qu’à 25 pour cent aux immigrés. Enfin, le démographe semble dire que même si la volonté de réduire l’immigration légale peut exister, elle dispose de peu de marge de manœuvre, puisque ces entrées légales se font surtout en vertu du droit international : droit de vivre en famille (40 000 entrées par an), droit d’épouser qui on veut (65 000 entrées par an), possibilité de faire des études à l’étranger (60 000 entrées par an). En outre, s’il ne remet pas en cause la possibilité de suspendre le regroupement familial, il pose la question de son application.
On le voit donc, dans le cadre de la mondialisation, lutter contre les mouvements migratoires clandestins et réduire les légaux semble difficile. Pour autant, ceux-ci posent des problèmes importants. S’il n’est pas insurmontable pour le pays d’accueillir des migrants, est-ce une chance d’un point de vue individuel pour ces gens dans un contexte économique difficile où le chômage est élevé et où la croissance faible voire nul ne peut permettre d’inverser la tendance ? Cela pose d’importants problèmes d’intégration de ces populations alors qu’il en existe déjà pour des personnes arrivées depuis plusieurs générations et qui forment des poches de pauvreté. Ces raisonnements doivent donc amener à un troisième type de solution, à combiner avec les autres.
Développer ?

Ce volet est sans doute le moins abouti est pourtant il est primordial. En effet, une des principales causes de l’immigration, notamment clandestine, est le manque de développement voire la misère économique de certaines populations. C’est aussi le contraste entre le niveau de vie en Afrique et en Europe qui motive le départ et suscite une sorte de « rêve européen » qui, quelle que soit la situation, apportera un progrès à ces gens. De plus, malgré une dynamique de développement dans certains pays, les continents émetteurs connaissent une croissance démographique qui rend crucial l’enjeu du développement, et d’autant plus fragile les progrès effectués. En témoignent le fait que des nigériens fassent partie (de manière marginale certes) de ces convois alors même que leur pays fait partie des plus dynamiques en Afrique actuellement. La transition démographique n’étant pas tout à fait terminée en Afrique, on peut s’attendre à ce que le milliard d’africains ne double encore d’ici à 2050 (même si ce ne sont que des projections).
Il est donc important de tout mettre en œuvre pour le co-développement, seule solution durable pour diminuer les flux migratoires. Selon l’Institut Thomas More, cela passe par un accompagnement politico-militaire comme en Libye où il faudrait selon eux éradiquer par les forces armées européennes les trafics et réseaux de passeurs. Il conviendrait toutefois de bien calculer une intervention quand on voit le résultat qu’ont pu avoir certaines interventions comme celle de Libye qui n’est pas complètement étrangère à la situation actuelle. La résolution politique s’ajouterait à cela par un partenariat avec les pays voisins des actuels pays émetteurs : Egypte, Arabie Saoudite,…
Mais surtout, en matière de co-développement, il s’agit d’aider les pays africains ayant déjà une certaine stabilité politique à assoir celle-ci et à développer leurs infrastructures et leur économie. Cela passe probablement aussi par le conditionnement des aides à un contrôle de l’immigration en amont par ces mêmes pays, pourquoi pas avec l’aide des armées, des forces européennes, voire de l’OTAN et l’ONU. De telles propositions avaient été mises en place par les accords de Cotonou en 2000 et le Conseil Européen de Séville en 2002.
Le problème est qu’en la matière, il existe encore peu de structure. Si l’Union Pour la Méditerranée permettait une coopération avec le Proche Orient et l’Afrique du Nord, elle n’a pas pour essence de développement économique mais permettait une coopération dans des domaines divers. Si son avenir semble flou, des tentatives en 2014 et 2015 ont eu lieu pour relancer son côté développement, comme la signature d’un accord « renforcer l’implication du secteur privé dans le développement économique et social dans la région méditerranéenne » avec l’Association des chambres de commerce et d’industrie de la Méditerranée.
Selon Lionel Zinsou, l’Afrique tournant autour de 5 pour cent de croissance, peut constituer une réserve de croissance pour l’Europe par le codéveloppement. D’une certaine manière, c’est dans une logique de Plan Marshall que se situe le codéveloppement mais pour tirer de la pauvreté les uns et dynamiser les autres par la concurrence. Selon lui, la France et l’Europe doivent en profiter pour ne pas être dépassés par l’Inde, la Chine, le Brésil… Cela passerait par la création de fonds d’investissements et les entreprises privées.
Ainsi nous voyons que le sujet des migrations n’est pas simple, entre mondialisation et inégalités, entre passions et raison, la position médiane et raisonnable et difficile à trouver. « Accueillir la misère du monde » n’est sans doute pas l’alternative la plus durable même s’il est impossible de s’isoler complètement et atteindre l’immigration 0. Espérons qu’une panachage des solutions pourra améliorer une situation compliquée.
Vin DEX
Sources : 
BFM TVLe Figaro
Le Figaro
Les EchosLes Echos
Sputnik
CRI
L'express
Le Temps
Le Nouvel Obs
France TV Info
Institut Thomas More


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