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436ème semaine politique: comment la crise des réfugiés permet de trier la politique

Publié le 12 septembre 2015 par Juan

436ème semaine politique: comment la crise des réfugiés permet de trier la politique  

Ils n'ont que ce mot à la bouche, il faut "trier". 

Trier ces migrants qui frappent aux portes de l'Europe, isoler les réfugiés des immigrés économiques, trier entre les réfugiés eux-mêmes suivant leur religion ou leur niveau de danger dans leur pays d'origine. 

Il faut trier. L'expression surgit même dans les commentaires de journalistes, certains s'excusent aussitôt mais l'utilisent quand même.

La crise des réfugiés permet surtout de trier nos politiques, nos voisins, nos proches. Elle nous trie. Elle nous rapproche des années trente, et provoque des auto-analyses en cascade. 


Hollande, tout raide  
Actualité oblige, Hollande se raidit. Parfois le naturel revient, un certain ridicule sympathique aussi. Ne lui dites pas qu’il est en campagne, ça le fait sourire. Lundi, il promettait des baisses d’impôts l’an prochain. Son ministre des Finances, Michel Sapin, s’est empressé de désigner les heureux gagnants de ce bonneteau électoral: "les célibataires et les classes moyennes". Quelque trois millions de foyers fiscaux sortiront ainsi de l’imposition sur le revenu, pour des baisses d'impôts de 3 milliards d'euros environ. Personne n'oubliera de comparer le geste, l'aumône, aux quelques 40 milliards de baisses de charges sociales concédées aux entreprises depuis 2012.
436ème semaine politique: comment la crise des réfugiés permet de trier la politique Vendredi, le président visite un zoo et s'extasie devant le spectacle. Il pose à côté d'un panda. Les gens sont souriants, vie est belle, la situation est irréelle. Hollande est même "ovationné" par des salariés du Commissariat à l'Énergie atomique de Monts (Indre-et-Loire). Un conseiller élyséen, anonyme, glisse au Figaro: "je n'avais jamais vu ça". Forcément, Hollande adonné quelques gages, en août dernier. La fermeture de l'établissement a été suspendue cet été.
Hollande "pète la forme". Le service médical de l'Elysée nous rassure. Son bulletin officiel de santé vaut toutes les photos truquées de son prédécesseur dans Paris Match. Ce lundi, Hollande est grave et raide. Jeudi, l’Elysée a commencé son opération de communication sur la COP 21, la conférence internationale sur le climat qui se déroule en décembre à Paris. Même des blogueurs ont été invités, en pleine semaine, pour relater. Hollande présente ainsi "l’équipede France sur le climat", on scénarise au maximum, on se croirait auxJ.O. Pour verdir un quinquennat qui peine à convaincre, Ségolène Royal a ravi les ONG écologistes en annonçant la fin des aides d’Etat à l’exportation de centrales à charbon.
La plupart des Etats du monde ont déjà remis leurs propositions pour lutter contre le réchauffement climatique. Nicolas Hulot, désigné conseiller spécial par Hollande sur le sujet, est inquiet. Il se souvient du fiasco du sommet de Copenhague, en 2009. Fâcheux hasard, le gouvernement confirme que la fermeture de l’obsolète centrale nucléaire de Fessenheim n’interviendra … qu’en 2018. Dans l’Allemagne voisine, on réalise l’ampleur des difficultés à fermer des centrales, un arrêt complet prévu par Merkel pour 2022. Les énergéticiens allemands, comme leurs collègues européens, ont sous-évalué le coût du démantèlement, histoire d’afficher un prix de l’énergie nucléaire très compétitif.
Le nucléaire, non-polluant et bon marché ? Foutaises !
Hollande est surtout grave et raide quand il parle, lundi, à la presse car cette image de l’enfant Aylan mort sur une plage turque hante encore tous les esprits. Quelques sondages révèlent un changement d’attitude des sondés, désormais plus favorable au secours des réfugiés. Les images-choc ont-elles véritablement une quelconque influence sur le cours des choses ? Et le dernier film de Jacques Audiard, "Dheepan", Palme d’or au dernier Festival deCannes qui relate la vie de réfugiés tamouls dans une banlieue française, attire 300.000 spectateurs dès sa première semaine en salles de cinéma.
Les réfugiés
Pour sa 6ème conférence de presse, il annonce que la France accueillera 24000 réfugiés de la guerre en Syrie et en Irak, et sur deux ans. Ce n'est quasiment rien, et bien tardif. D'ailleurs, l’Europe n’accueille que 10% des réfugiés de la zone. C’est mieux que les Etats du Golfe, des pétromonarchies qui préfèrent fermer leurs frontières pour éviter toute déstabilisation ; ou qu’Israël, qui choisi de se murer car la Syrie est un "pays ennemi".
Les efforts européens sont très modestes si on les compare à ceux de la Turquie voisine, qui accueille déjà près de 2 millions de Syriens et d’Irakiens sur son sol; ou du Liban, où un résident sur quatre est Syrien.
L’Europe, la riche Europe, fait son tri. En Hongrie, les barbelés récemment dressés n’ont pas empêchés 3.600 migrants de passer.
24.000 réfugiés, ce n'est quasiment rien, et pourtant cela suffit à faire éructer Nicolas Sarkozy. L'ancien monarque attaque dans le Figaro, il en remet une couche sur TF1 deux jours plus tard. " C'est un mensonge. Le chiffre de 24 000 annoncé par François Hollande a été lendemain démenti par les nouvelles demandes de la commission."
 
Et il continue d'assimiler réfugiés et migrants de toutes sortes. Il explique qu’il faudrait un statut spécifique de réfugié pour "trier" plus finement ceux qui fuient des pays en guerre de ceux qui sont persécutés dans des pays non officiellement en guerre. En fait, il existe déjà un statut particulier pour les réfugiés de guerre, mais il sert à justifier l'asile à des demandeurs non personnellement persécutés mais qui fuient un pays en conflit. Ce statut existe depuis 2003. Sarko était ministre de l'intérieur, mais sa mémoire défaille.
Tri politique
Sa proposition n'a qu'une cible, conforter la frange effrayée et/ou égoïste de la population. Elle n'a qu'un objectif : convaincre que parmi ces centaines de milliers de réfugiés qui débarquent actuellement en Europe depuis ces derniers mois se cachent des migrants économiques: "Je demande donc que face à l'afflux de réfugiés syriens, le président de la République dise aux français que nous allons réduire considérablement l'immigration économique (…) et que l'on va renforcer la lutte contre la fraude au statut de réfugié politique".
Sans gêne ni distinction, il martèle : "Puisque la France garde des allocations sociales supérieures à celles de ses partenaires de Schengen, les réfugiés qui rentrent dans les autres pays de Schengen finiront inéluctablement chez nous. ". La France accorde 350 euros par mois à un réfugié.
Qu'Angela Merkel ait décidé d'en accueillir 800.000 sur cette seule année 2015 réactive les peurs sarkozystes: "Une fois qu'ils rentrent en Allemagne, ils ont le droit d'aller où bon leur semble."
Comment peut-il, lui, "petit Français au sang mêlé", tenir pareils propos ?
"Vous avez oublié ce que c’est d’être juif. Réfugié. Persécuté." Isaac Hertzog, 5 septembre 2015
Nicolas Sarkozy reste figé sur le sujet migratoire, accroché comme un migrant à sa bouée de sauvetage. S’il le lâche, il coule.
La peur migratoire est ce qui lui reste pour conquérir les faveurs des militants LR à la prochaine primaire. Son rival Juppé domine désormais dans les sondages, donc Sarkozy s’accroche. Et ses proches sont toujours empêtrés dans l'affaire Bygmalion. Guillaume Lambert, son ancien directeur de campagne, et mis en examen, veut prouver que l’ancien monarque n'y est pour rien, et que les escrocs sont bien les patrons de la société d'évènements. Il voudrait que les juges comparent les factures de meetings de Hollande et de Sarkozy. Pour mémoire, Sarkozy a dépensé 20 millions d'euros de plus, en toute illégalité, que son concurrent victorieux.
La crise des réfugiés révèlent des humanités, éclairent des comportements, ou embrouille des positionnements. Jean-Luc Mélenchon surprend quand il fustige les quotas d'accueil, inutile puisque la libre-circulation des personnes est la règle en Europe; il surprend moins quand il dénonce l'opportunisme économique d'une Allemagne accueillante en crise de natalité, ou quand il réclame qu'on s'attaque aux causes de ces exodes. Jean-Pierre Chevènement ne dit pas autre quand il explique qu'il "faut tarir les sources de ces migrations."
La crise des réfugiés en fait déraper plus d’un. "Le bêtisier ne cesse de s'allonger dans un débat franco-français nauséabond" commente Mediapart.
C'est pire que cela.
Un maire LR ne veut accueillir que des réfugiés chrétiens.
Sur Europe 1, le président LR du département Patrick Devedjian croit faire un bon mot en déclarant à propos des Allemands : "ils nous ont pris nos juifs, ils nous rendent des arabes."
Le président de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde, confie jeudi qu’il faudrait exiger des réfugiés qu’ils accomplissent des travaux d’intérêt général en contrepartie de l’accueil qui leur est fait. Voilà où en est le centrisme aujourd’hui.
A Béziers, le maire Robert Ménard ne failli pas à sa réputation outrancière. Il fait publier dans le journal municipal unphotomontage au titre anxiogène "Ils arrivent!", figurant des réfugiés descendant d’un train.
Eric Zemmour ne surprend plus quand il déclare sur RTL que "les 800.000 réfugiés en Allemagne vont faire des petits."
On n'évite pas la nausée, on se souvient des années trente. Au-delà de ces pitreries xénophobes de quelques politiciens à la remorque d'une fraction de l'opinion, cette crise des réfugiés interroge plus fortement chacun. A Londres samedi 12 septembre, des manifestants réclament de leur gouvernement plus de générosité. En France, le ministre Cazeneuve promet 1000 euros par place d'hébergement aux mairies accueillantes. Mais des milliers de citoyens s'y mettent spontanément. A Toulouse, une quarantaine de réfugiés syriens risquent l'expulsion de leur squat dans un immeuble abandonné.
La France schizophrène et droguée à la xénophobie furibarde depuis 15 ans patauge.
Ami citoyen, tiens bon.


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