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Miss Hokusai, l’incontournable du mois de septembre

Par Camillebook @carnetsdecam

news_xlarge_sarusuberi22Si vous ne savez pas comment occuper vos soirées en raison du temps grincheux, j’ai le remède à vos problèmes, et il s’appelle Miss Hokusai. Il s’agit du dernier film d’animation de Hara Keichii sorti le 2 septembre dernier en France, dans lequel on est invité à suivre le quotidien de Katsuhika O-Ei, fille du grand maître Katsushika Hokusai que l’on ne présente plus. Inspiré par l’oeuvre de la mangaka Sugiura Hinako (décédée en 2005 d’un cancer de la gorge), ce long-métrage mêle avec brio l’humour à la mélancolie, la poésie au fantastique et le moderne à l’ancien. Ancien car c’est dans le Japon d’Edo que l’on plonge immédiatement dès les premières minutes du film, avec une reproduction époustouflante du pont Ryôgoku et le vacarme, et les charrettes, et les rangées de maison en bois, et les marchands ambulants accompagnés du claquement des sandales contre le sol. Moderne car d’emblée le film se place sous les auspices du rock’n’roll, en hommage à la mangaka Sugiura Hinako qui paraît-il écoutait beaucoup ce genre musical pendant qu’elle travaillait, mais également en clin d’oeil au caractère profondément anticonformiste et tempétueux de l’héroïne O-Ei. On entendra peu de rock dans la suite du film, à part à la fin, mais ce début sur les chapeaux de roue suffit à donner le ton : résolument caractériel.

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O-Ei est une jeune femme de 23 ans qui vit avec son père, le célèbre Hokusai, dans une petite baraque sale et encombrée, vouée à être abandonnée sitôt rendue insalubre par l’absence de ménage et de rangement. Bienvenue dans un univers bohème et fortement masculin, où O-Ei fait figure de forte tête : à l’opposée de sa mère qui incarne la parfaite épouse au foyer (mais qui pourtant vit seule depuis la séparation d’avec son mari), O-Ei a été initiée dès son plus jeune âge à la peinture et ne se soucie donc pas plus de faire le ménage que de sa propre apparence (sauf en ce qui concerne sa coiffure). Ce caractère affirmé et presque masculin (O-Ei parle comme un homme, court comme un homme et voudrait peindre comme un homme) est traduit dans les dessins du film par une paire de sourcils très broussailleux.

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Pourtant la jeune fille, derrière son allure assurée et ses propos tranchants, cache une sensibilité à fleur de peau qui s’exprime le mieux dans sa relation avec sa jeune soeur O-Nao, aveugle de naissance et placée dans un temple de femmes. Cette relation est en quelque sorte le fil conducteur du film, et le support des plus belles scènes à mon goût. O-Ei est également confrontée aux turbulences de l’amour (la vraie O-Ei se maria une fois avant de divorcer mais le film s’arrête avant cela).

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Pendant 1h33, le spectateur est porté de scènettes en tableaux, d’estampes en pauses féeriques au cours desquelles les courtisanes du quartier rouge, les yokai (démons), les éditeurs et les artistes évoluent dans une Edo qui palpite au rythme des saisons, des incendies et du vacarme de la foule. Si tout le film dépeint magnifiquement le processus de création artistique à l’oeuvre dans le travail d’O-Ei et de son père, quelques scènes seulement illustrent la magnificence de leur geste sur la toile, la majesté inaltérable de leurs coups de pinceaux.

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Le manque d’expérience artistique d’O-Ei est soulignée de manière intelligente, d’une part dans son manque de précision dans les finitions et d’autre part dans son ignorance des moeurs sexuelles (quand une grande partie de son travail consistait à peindre des oeuvres érotiques).

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C’est donc le portrait d’une jeune fille émancipée, rêveuse, dure à cuire, mûre et enfant tout à la fois, prisonnière de l’influence de son père (qu’elle assista jusqu’à la mort de ce dernier à 90 ans) et sauvée par son talent. Le tout dans des paysages d’une beauté irréprochable et soutenue par des musiques tantôt poignantes, tantôt mystiques qui ressuscitent à merveille ce que devait être la vie dans ce Japon de 1814, soit il y a un peu plus de deux cent ans.

Voici le trailer du film lors de sa présentation au Festival international du film d’animation où il a reçu le prix du Jury :

A voir absolument :) Mata ne !



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