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Piero di Cosimo, un fou florentin

Par Artetvia

Dans la famille des peintres florentins du quattrocento et du cinquecento, je demande le plus original : Piero di Cosimo ? Bonne réponse.

On ne sait pas grand’chose de lui. Il est né à Florence en 1462 et débute sa carrière vers 1480, en travaillant pour le peintre Cosimo Rosselli, dont il prendra le nom. Un an plus tard, on sait qu’il l’accompagne à Rome pour exécuter des fresques – les seules de sa carrière d’ailleurs – à la chapelle Sixtine. Il rentre à Florence et y reste jusqu’à la fin de ses jours en 1521 ou 1522.

Piero di Cosimo - Simonetta Vespucci

Simonetta Vespucci

Cela paraît bien maigre. Il faut dire que le personnage est aussi mystérieux que ces œuvres que l’on a commencé à découvrir au XXe siècle, longtemps attribuées à des anonymes forcément illustres. Son histoire est surtout connue par Vasari qui en parle dans la troisième partie de ses Vite.

Il était très connu à son époque pour ses portraits. On connaît la fameuse toile post-mortem de Simonetta Vespucci, la maîtresse de Julien de Médicis (le frère de Laurent le Magnifique, pas son fils). Vous connaissez tous son beau visage, car Botticelli, entre autres, l’a maintes fois peint, en portrait ou dans ses compositions. Vénus sortant de son coquillage, c’est elle ! Flore dans le Printemps, c’est elle ! Vénus dans Mars et Vénus, c’est encore elle !

Il a peint également de nombreux tableaux religieux : un saint Jean-Baptiste assez étonnant – il est jeune et glabre –, des saintes vierges, un saint Jérôme…

La partie la plus originale de son œuvre est, à mes yeux, son travail sur la mythologie. Son traitement de grands thèmes mythologiques n’est certainement pas uniquement « factuel » : sa série sur l’origine du monde témoigne d’un bouillonnement intellectuel sur l’humanité primitive, plus bestiale d’ailleurs que paradisiaque où les hommes, mi-hommes, mi-animaux sont confrontés à la nature à la fois rude (incendie) et nourricière (la découverte du miel). La raison émerge peu à peu, les instincts demeurent, période paradoxale d’âge d’or et de sauvagerie primitive.

Piero di Cosimo - Vulcain et Eole

Vulcain et Eole

Comme beaucoup de Florentins de son temps, il a certainement été influencé par le néo-platonisme ambiant, celui de Marsile Ficin ou d’Ange Politien, mêlant esthétique, métaphysique, voire ésotérisme, paganisme et christianisme, mais sa vision du monde, ancien ou actuel est, à la fois plus brute et plus fantaisiste, plus grave et plus amusée. Il faut avouer que l’on s’écarte nettement de Botticelli ou de Léonard de Vinci.

Que l’on songe aux tableaux tels que Vulcain et Eole, Retour de la chasse, le Combat des Lapithes et centaures, la Mésaventure de Silène… Exemples typiques d’un traitement inspiré de thèmes pourtant connus

Piero di Cosimo - La mort de Procris

La mort de Procris

L’atmosphère se dégageant de ces tableaux est très étrange, tirant vers l’onirique ou le bizarre. Il faut dire que le peintre était très excentrique, à moitié fou. Vasari disait de lui qu’à la fin de sa vie, il vivait enfermé chez lui, se nourrissant uniquement d’œufs (…o otto per volta, ma una cinquantina, e tenendole in una sporta, le consumava a poco a poco… – ça c’est juste pour dire que je suis allé chercher la phrase de Vasari dans le texte, non mais !), ayant une peur bleue des tempêtes, et du feu, ne supportant pas les cris d’enfants et la psalmodie des moines.

Piero di Cosimo - La mésaventure de Silène

La mésaventure de Silène

Toujours est-il, qu’influencé par la peinture flamande (via Hugo van der Goes et son triptyque Portinari), il aime peindre les paysages, les animaux, la nature. Il aime représenter des « monstres » (centaures, faunes / satyres, Silène, tritons…), des animaux, réels (chiens, cygnes, girafe, taureaux, lions) ou imaginaires (monstre marin). Même ses nuages ont des formes étonnantes. Son imagination n’a pas de limites et oscille entre sérieux et amusement (voyez la tête de certains personnages – ils se marrent bien…). C’est aussi avec cet état d’esprit qu’il peint des décors de théâtre ou de chars : par exemple en 1511, il participe à un carnaval de la mort. A la fin de sa vie, dit-on il se tourne davantage vers des sujets religieux (sans exclusive), certains disent par l’influence de Savonarole (ce qui m’étonne, les grands sermons du dominicain datant des années 1490, mais la personne qui se trouve à côté de moi, alors que j’écris ce papier, spécialiste de l’histoire italienne, me soutient le contraire, le religieux ayant eu une influence profonde et durable dans toute l’Italie).

Ce peintre franchement original mériterait d’être plus connu. La National Gallery of Art de Washington vient de proposer une rétrospective, fort rare d’ailleurs, ses œuvres étant dispersées aux quatre coins du monde.

Cet article, je l’espère, a tâché d’y contribuer un peu.

Piero di Cosimo - La chute de Vulcain

La chute de Vulcain


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