Magazine France

438ème semaine politique: la gauche mérite-t-elle de perdre grâce à Hollande ?

Publié le 26 septembre 2015 par Juan

438ème semaine politique: la gauche mérite-t-elle de perdre grâce à Hollande ?

Le choix politique de 2017 se dessine. On peut même dire que nous l'avons sous les yeux dès à présent, en cette fin du mois de septembre 2015: Marine Le Pen en tête des sondages et des couvertures médiatiques; face à François Hollande qui espère que le retour d'un Nicolas Sarkozy clivant qui n'hésite aucun délire le servira comme en 2012; une gauche désagrégée en chapelles et un centre-droit qui espère que Juppé l'emportera aux primaires de 2016.


Comment Sarkozy va gagner les primaires à droite
Au sein du parti LR,  Sarko joue à Louis-Napoléon. Mais le putsch est lent à se mettre en oeuvre.
En prévision des primaires de l'an prochain qu'il n'a pu évité, il fortifie peu à peu ses positions au sein du parti pour mieux éliminer ses rivaux quand le moment du vote sera venu. Ainsi, sans crier gare, et au grand dam de ses rivaux au sein de LR, l'ancien monarque est passé en force sur l'immigration. Sans négocier ni discuter avec Alain Juppé, François Fillon ou Bruno Le Maire, il a soumis au vote des militants de l'ex-UMP un texte dur sur l'immigration. A peine 53.000 militants ont répondu, et favorablement dans leur immense majorité (97%). Et maintenant, les Sarko-boys clament que ce texte fasse figure de doctrine officielle comme pour mieux décentrer Juppé, Le Maire, NKM ou même Fillon par rapport à leur propre parti.
Vous avez bien lu: la nouvelle UMP se résume donc à 53.000 militants actifs.
Jour après jour, Sarkozy réduit l'ex-parti majoritaire de la droite classique sur son coeur furibard et neo-frontiste. A Reims vendredi, Sarkozy menace la France d'une "tsunami migratoire". Emporté par ses délires, il prédit que des "millions et des millions" de migrants vont débouler en Europe ("les chiffres avancés par le président du Conseil de l'Europe sont des chiffres de plusieurs millions de réfugiés de guerre qui pensent qu'ils pourront venir en Europe"); et même que la planète sera peuplée de «30 milliards d’habitants»  en 2050 (sic!). Devant un parterre de responsables économiques, il rajoute que "l'islam est la seule religion qui a connu son Moyen Âge après sa Renaissance". Pêle-mêle, il récuse le paritarisme hommes/femmes ("On n'a pas tous le même salaire parce qu'on ne travaille pas tous pareil."), récuse son propre échec entre 2007 et 2012, et réclame à mots couverts le passage à un régime politique plus autoritaire.
Cette surenchère clivante fait dire à certains que Sarkozy s'enfonce vers la défaite. Les sondages de popularité, d'ailleurs, placent Fillon ou Juppé devant lui. C'est une erreur. Sarkozy au contraire a toutes les chances de remporter les primaires de la droite et du centre de 2016. Et pour une raison simple, il est seul sur son créneau politique - la droite furibarde, "buissonnienne" ou neo-frontiste. Face à lui, les suffrages des sympathisants plus modérés s'éparpilleront entre Juppé, Le Maire, ou Kosciusko-Morizet.
Rachida Dati, poursuivie par l'émission Cash Investigation de France 2 qui s'interroge sur quelques centaines de milliers d'euros qu'elle aurait touché d'un groupe énergétique français, ne s'y est pas trompé en décidant de rallier Sarkozy pour la primaire de l'an prochain.
La presse révèle les propos de Sarko devant les enquêteurs de la brigade anti-corruption, le 4 septembre, lors de son audition sur l'affaire Bygmalion. L'ancien monarque a "accablé" Jean-François Copé: "Quant à la maîtrise des coûts, elle relevait de la responsabilité de mon équipe". Pour mémoire, 13 collaborateurs proches de Nicolas Sarkozy et de sa campagne présidentielle de 2012 ont été mis en examen dans le cadre d'une fraude au financement électoral de 18 millions d'euros.
Comment Hollande a tué le Parti Socialiste
Le Parti socialiste n'est pas mieux loti. La gauche gouvernementale, dont la plupart des ministres ne détonneraient pas dans un gouvernement de l'autre bord, s'étonne de l'impopularité ou de l'indifférence qui frappent jusqu'au premier des ministres. Manuel Valls, jeudi soir, était sur France 2. Le score télévisuel fut désastreux. Valls n'agace plus, il indiffère. Valls sur France 2 fut terrifiant. D'abord sur les réfugiés. Un gros million d'entre eux se pressent aux portes de l'Europe. Valls répondit que la France n'en accueillerait pas plus de 30.000. Voici la France rétrécie à sa plus simple expression.
Mercredi matin, Martine Aubry, la maire de Lille, tient sa conférence de presse de rentrée. Assise sur une estrade, elle se lâche.  
"Macron? Comment vous dire… Ras-le-bol. Voilà. Ras-le-bol!"
Martine Aubry dit-lle tout haut ce que pensent tout bas la majorité des anciens électeurs de la majorité du 6 mai 2012 ? Il ne reste à Martine Aubry qu'à sortir de cette majorité. A moins qu'elle n'attende les désastres électoraux à venir d'ici 217 pour reprendre la chose en main. On connait le dilemme. Pourquoi abandonner l'appareil socialiste, sa trésorerie et son capital militant et électoral à un aréopage passé au centre-droit ?
La charge de Martine Aubry contre Macron fait plus mal qu'elle ne pensait. Car ce mercredi, l'ancienne ministre du travail enfonce le jeune impétrant. "Emmanuel Macron est ministre de l’Economie, où sont ses résultats ?" Ou encore: "Tiens, voilà un nouveau travail pour M. Macron et M. Sapin. Le code du travail, à côté, c’est d’une simplicité biblique!" Martine Aubry n'est pas une gauchiste inconséquente, comme dirait un conseiller de Macron: "Le gouvernement s'est trouvé face à une situation délicate, il a voulu mener une politique de l'offre, c'était une bonne chose. Mais aujourd'hui, les entreprises ont besoin de marchés, elles n'ont pas de demande".
A fin août, le chômage a encore bondi de 20.000.

Donc Martine Aubry tacle et attaque. 
Pourtant Aubry fait partie intégrante de la majorité "hollandaise" du PS. Le Parti Socialiste est ainsi. On le sait depuis Mitterrand. Quand un gouvernement socialiste dérive loin de ses rivages originels, les ténors socialistes, même les plus prestigieux, espèrent croire qu'il s'agit d'un malentendu politique dont le président ignore tout. Ils critiquent les ministres, jamais le responsable de l'Elysée. Mitterrant resta intouchable. Hollande est aujourd'hui épargné par les critiques, de Aubry aux frondeurs. Le statut monarchique de la Vème République pourrit la gauche gouvernementale depuis 30 ans, une gauche qui se réfugie dans l'homme providentiel quand elle ne comprend plus la réalité.
Hollande n'a cure du sort collectif de ses anciens camarades, il mise sur un duel contre Le Pen, et une droite évincée du second tour à cause de Nicolas Sarkozy.
La navigation à vue et hors sol de François Hollande a vidé le PS de toute intelligence politique. La semaine dernière, un ministre anonyme suggérait même une union avec la droite contre le FN aux prochaines régionales. Mardi, c'est au tour de Cambadélis, le patron du PS, de proposer aux militants socialistes un "référendum" sur l'union de la gauche pour les régionales. Deux jours plus tard, le PS brandit un sondage BVA selon lequel quelque 67% des "sympathisants de gauche" sont favorables à des listes d'union dès le premier tour.
Devant le spectre d'une nouvelle défaite électorale que l'on prédit monstrueuse, les instances socialistes paniquent tardivement et sans poser la seule question politique qui vaille, celle du programme de gouvernement (fut-il local). Au lieu de quoi, "Camba" à son tour agite l'épouvantail frontiste pour rassembler les troupes à gauche.
La gauche mérite-t-elle l'unité ? Pas sûr. 
Il lui faudrait le choc des urnes. Comme en Grèce, où le paysage s'est éclairci. Alexis Tsipras a remporté l'affaire, le 20 septembre. Malgré la défection d'une fraction de sa gauche, Syriza a gagné le scrutin législatif. Comme en janvier dernier, son core n'est pas un raz-de-marée - un gros tiers des suffrages. Les dissidents d'Unité populaire, soutenus par le charismatique Yanis Varoufakis, ont été balayés et n'ont aucun député au Parlement.  Contrairement aux inquiétudes initiales, le parti nazi d'Aube Dorée n'a pas eu le temps de percer, troisième parti mais loin derrière.
Tsipras a pris de court ses opposants, comme d'autres en Allemagne (Merkel) ou au Royaume Uni (Cameron). En France on exulte. Le Monde ose titrer sur ces Grecs qui "valident la politique de réformes et d'austérité de Tsipras". Le journal aurait pu choisir une autre formule. Les Grecs ont choisi l'euro et ses promesses contre la rupture. La presse occidentale, souvent conservatrice, qualifie bizarrement la réalité grecque. Tsipras appliquerait un "plan de sauvetage", une curieuse formule qui désigne le démembrement des services publics grecs et l'appauvrissement du plus grand nombre.
En France, quelques vrauchistes s'énervent contre Tsipras: "Le fait est que Tsipras a changé de gauche." pouvait on lire dans Politis. "Sinon au plus profond de lui-même, du moins par ses choix tactiques. En un rien de temps, Saint-Just est devenu Talleyrand. Le choc a été tel que les Grecs eux-mêmes ont eu une hésitation." Vraiment ? Peut-être. Mais au final, ces élections ont tranché, au moins momentanément la question politique grecque.
Personne ne peut contester à Tsipras sa légitimité.
Certains à gauche confondent action et résultat, et d'autres intention et action.
En France, Hollande n'a pas lutté. En Grèce, Tsipras a résisté. En France, les soutiens de Hollande se félicitent aujourd'hui qu'un Tsipras ait été contraint d'obéir. Ils devraient plutôt applaudir devant le courage et s'interroger sur Hollande. A l'inverse, les premiers soutiens de Tsipras se désespèrent que Tsipras ait échoué à révolutionner seul l'Europe. Ignorent-ils les rapports de force ? Ils devraient maintenir leur soutien, sauf à apparaître faibles, inconséquents et fragiles. On n'abandonne pas le navire à la première difficulté si grande soit-elle.
Reposons la question: la gauche française mérite-t-elle l'unité ? 
Pas sûr, dans l'immédiat.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Juan 53884 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte