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Névralgies musicales

Publié le 04 octobre 2015 par Storiagiovanna @StoriaGiovanna

American-Horror-Story-e1350665360169Parmi mes copines, j’en ai qui s’intéressent aux travaux d’Oliver Sacks et, plus généralement aux interactions entre musique et cerveau. Moi la première, avec ma particularité, on m’a inculqué dès petite que la musique allait aider à structurer mon cerveau et mes émotions.

Je le vois encore à l’heure actuelle dans ma pratique musicale : le piano me sert à être mélancolique, la mandoline et les instruments à corde à exprimer ma conception d’absolu, les percussions à faire voyager mon âme, le chant pour exprimer mieux qu’avec la parole ce que j’ai à dire. Bref, la musique est intimement liée à mon mode de pensée, et c’est pour cette raison qu’il arrive que la musique me fasse des pets au casque.

J’ai de plus le malheur de vivre avec le Mari, spécialiste s’il en est des sons bizarres et des installations de mauvaises ambiances musicales en société – promis, je vais arrêter de m’en plaindre, il va finir par croire que je ne l’ai épousé que pour des raisons vénales. Mais force est de constater que, plusieurs fois, mon cerveau malade a fait des saltos vrillés en sa présence, soit parce que la musique était trop chéper, soit parce que l’explication de texte que le Mari donnait de certaines chansons allait beaucoup trop loin.

Il faut croire de surcroit que certains artistes en font exprès. En effet, nombre de musiciens réputés se permettent de faire de choses inimaginables pour rompre avec leur image et acquérir une dimension supérieure dans leur art. Certaines fois, cela marche très bien, en témoigne Tubullar Bells de Mike Oldfield, qualifié par le Mari d’un des meilleurs disques de tous les temps – il avoue n’avoir jamais vu L’Exorciste, ceci expliquant cela :

Mais dans les cas que je vais exposer maintenant, ces choses sont vraiment trop WTF pour qu’un cerveau aussi exigeant que le mien puisse supporter.

David Gilmour, Rattle That Lock (2015)

Un jour, j’étais en train de conduire, quand j’entends à la radio :

Et le jingle se répétait plusieurs fois. Je me suis dit : Putain, elle est vraiment lourde, la nouvelle pub SNCF ! Quand soudain, cela s’ouvrait sur une chanson de vieux bluesman et je me suis dit :

[Je recyclais un peu trop Brenda Montgomery, par conséquent, permettez-moi d’alterner un peu avec du Antoine Daniel]

Donc voici l’objet du délit : David Gilmour, chanteur du groupe Pink Floyd, a donc décidé de recycler le jingle de la SNCF, alias le jingle qui stresse 5 millions de personnes par jour sur notre territoire, pour faire une nappe de chœur féminin dans sa dernière chanson. Nom de Dieu de bon Dieu.

La chanson n’est pas mauvaise en soi, le clip officiel est absolument génial, mais pourquoi s’est-il senti obligé d’agrémenter ce morceau de blues plutôt average d’un truc aussi con ?

Pourquoi j’ai mal au crâne

D’une part, on a la parfaite illustration du connard qui émet un jugement sur une chose sans avoir le bagage culturel pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette chose dans son background d’origine. Un peu comme un Européen qui ne jugerait la musique africaine qu’à travers le prisme de Magic System et d’Amadou et Mariam. Là, David Gilmour a juste trouvé que ça groovait bien, que c’était sensuel, sans imaginer une seule seconde qu’en France, on allait le massacrer pour ça.

D’autre part, même si j’ai eu vent d’un nouvel album de Pink Floyd vingt ans après, la dernière chose que j’ai entendue du groupe est The Division Bell (1994), alias mon traumatisme d’adolescence en cours de musique. Imaginez High Hopes avec une orchestration de flûtes à bec, et vous comprendrez ma douleur.

Et j’en veux à la fois à mon professeur de musique (qui était excellent par ailleurs) et à David Gilmour pour ce traumatisme.

*

Coldplay, A Sky Full Of Stars (2014)

La preuve ultime que les mecs, et en particulier Chris Martin, ont clairement pété une digue après Viva La Vida (le divorce du leader du groupe, etc.) : ils se permettent désormais de se prendre pour les rois du monde et de faire de l’electro nineties à deux balles. Personnellement, je suis absolument fan du son, ça me rappelle ma jeunesse perdue, toussa, mais sérieux, les mecs, qu’est-ce qui s’est passé dans votre vie pour que vous en soyez réduits à faire ce genre de choses ?

Pourquoi j’ai mal à la tête

J’adore le son, mais c’est tellement indigne du répertoire de Coldplay, dont j’ai les albums depuis Parachutes (2001) et qui m’a séduit réellement de 2003 à 2008. J’ai l’impression de me sentir sale en écoutant ce son, comme un jeune homme qui vient de violer sa sœur. Ca a super bon goût, mais t’as un arrière-goût de merde qui te poursuit jusqu’à ce que tu trouves la rédemption ou la mort. Coldplay est pourtant capable de faire de choses réellement majestueuses (même si ce n’est pas probant dans l’exemple que je vais vous donner) :

*

The Beatles, The Fool On The Hill (1967)

Je vais me répéter avec les défauts d’écriture de Paul McCartney, mais là, ça en devient flagrant. Ce solo de flute à bec à partir du 3e couplet reste pour moi une grosse technique de fumiste pour cacher le fait qu’il n’a voulu ni écrire des paroles pour combler les trous dans les couplets, ni réduire la durée de la chanson. Mais apparemment, je n’ai pas le bagage culturel pour comprendre les tenants et les aboutissants des compos de Macca.

Pourquoi j’ai mal à la tête

Parce que le Mari adore me faire faire des crises d’épilepsie quand je conduis :

Nan mais t’as pas compris le concept de la chanson. Relis les paroles… La flûte à bec, c’est enfantin, le fou sur la colline emmène tout le monde dans une ronde… Et puis rappelle-toi du Joueur de flûte de Hamelin… Et puis Macca s’est beaucoup inspiré de Brian Wilson pour cette chanson…

PUTAIN, ARRÊTE ÇA DE SUITE !

*

The Beach Boys, Heroes and Villains

On monte d’un degré dans le bizarre avec la promesse d’exégèse brandie comme une menace de coups par le Mari chaque fois qu’il trouve que je dépasse les bornes. L’album Smile (1967) est l’album où on comprend que Brian Wilson n’est pas juste un génie absolu de la musique, mais aussi et surtout un bonhomme mentalement atteint.

Pourquoi j’ai mal à la tête

Si le Mari est assez fan des Beach Boys, c’est parce qu’il adore cet album. Personnellement, je ne ressens que l’état mental dérangé du compositeur, à base de sonorités bizarres et de rengaines enfantines qui sentent le sang et la crasse derrière. Et dire que certains hôpitaux psychiatriques diffusaient ça à leurs patients pour les calmer. Oui, j’ai peur.

*

The Beatles, Revolution 9

Dois-je encore parler de la descente d’acide la plus malsaine et la plus creepy de l’histoire ? Quand je me pose cette question :

et que je me dis que ce n’est pas dû seulement à l’époque, le Mari me prouve immédiatement le contraire en me plaçant un Pink Floyd période Syd Barrett. Et rajoute qu’en fait, il a l’arme nucléaire dans sa discographie. Alors oui, c’est un peu creepy, mais ça ne vaut pas cette horreur.

Pourquoi j’ai mal à la tête

Parce que ce morceau est devenu l’illustration parfaite de la crise d’angoisse. Et là, non seulement j’ai une digue qui se pète dans le cerveau, mais j’ai les intestins qui se serrent. Comme une violente envie de faire caca ou une appendicite qui me prend soudainement. Bref, ce morceau est le boss ultime de la névralgie musicale. Tu n’entendras jamais un morceau qui détruira autant le peu de cerveau qui te reste.

Putain, j’avais oublié ça…

*

Comme la musique peut s’accompagner de beaux sentiments, elle peut aussi s’accompagner de digues pétées dans le cerveau et de prises de Doliprane. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai fait la gueule au Mari parce qu’il m’avait provoqué de vrais moments de flips arrières mentaux. N’oubliez jamais : choisissez bien la musique qui accompagne votre vie, vous vous enlèverez de grosses crises d’angoisse.



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