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Zohar le magnifique

Par Tobie @tobie_nathan

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Zohar le magnifique

à propos de Ce pays qui te ressemble

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par Mohamed Aïssaoui

Le narrateur du roman de Tobie Nathan, né dans le ghetto juif du Caire en 1925, est empreint de nostalgie et passe en revue son histoire et celle de l’Égypte.

Ce n’est pas le genre de conseil que l’on donnerait souvent. Mais, commencez donc la lecture de Ce pays qui te ressemble par les quatre dernières pages. Ce court chapitre synthétise à merveille le style et le sens du récit de Tobie Nathan ; il donne une furieuse envie de se plonger au début de l’histoire de ce Zohar, le magnifique, né dans le ghetto juif du Caire.

« Si j’ai quitté l’Égypte, l’Égypte ne m’a jamais quitté. Quelquefois je pense que c’est seulement mon ombre qui est partie, alors que moi je suis resté là-bas, seul, errant, comme durant ma jeunesse… »

souligne le narrateur de ce livre enchanteur et flamboyant. Et comme pour nous faire bien comprendre à quel point ce déracinement lui pèse, il dit:

« Si j’ai quitté l’Égypte, elle n’a jamais quitté mon âme. »

On aura compris quel est Ce pays qui te ressemble. Zohar en est le conteur. Il est aujourd’hui « bien vieux » et affirme, un peu cabotin: « Je me demande si la mort m’a oublié. »

C’est en 1925 que tout commence. Esther est belle, bien faite, mais un peu folle aux yeux des autres sous prétexte qu’elle a, un jour, perdu connaissance et est revenue au monde alors qu’on la croyait morte. On se demande qui la voudrait pour épouse. Motty est aveugle et bien plus âgé qu’elle. Il fera l’affaire. Et c’est, finalement, une belle histoire d’amour. Esther tombe enceinte après des années d’infertilité et de tentatives plus superstitieuses les unes que les autres.

« Je suis né de ça… au pays des pharaons, d’une mère possédée par les diables et d’un père aveugle. Que pouvais-je faire entre ces deux-là qui s’aimaient d’une passion infinie ? »…

pense Zohar, qui sait de quoi il a été nourri : de musiques endiablées, de viande de vipère, d’essence de lotus, de faconde, de langue imagée, de fausse religion et de vrais sortilèges…

Sentiment de fraternité

Tobie Nathan, Ce Pays qui te ressemble, Paris, Stock, 2015

Tobie Nathan, Ce Pays qui te ressemble, Paris, Stock, 2015

S’ensuit un récit captivant qui passe de rue en rue – chaque chapitre porte une adresse, de la ruelle des Juifs à la rue de Fleurus, en passant par rue Osman-Bey, rue Sidi-Gaber (Alexandrie)… d’époque en époque: 1925, 1942, 1952, et de roi en despote. Les Juifs sont chassés d’Égypte, et c’est tout le drame de Zohar, et de près de cent mille Juifs. Ce pays qui te ressemble est aussi un livre d’histoire de l’Égypte, une saga mordante, racontée à hauteur d’homme, les grands événements se mêlent à la vie de Zohar, qui tombe fou amoureux de sa sœur de lait, Masreya, chanteuse arabe à la voix envoûtante — quelle bande-son que ce récit !

C’était un monde où Juifs et Arabes vivaient ensemble, tant bien que mal, mais ils restaient ensemble. De tous ces drames, ces souffrances, cette nostalgie qui bouleverse le cœur, cet arrachement de sa terre natale, Tobie Nathan réussit à garder ce sentiment de fraternité qui ne l’a jamais quitté.

Ce pays qui te ressemble, de Tobie Nathan, Stock, 536 p., 22,50 €.

Mohamed Aïssaoui dans Le Figaro du 8 octobre 2015



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