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Consolation des heures sombres: Caroline Sablayrolles et André Monteiro jouent Schubert et Beethoven à Strasbourg.Eglise St Pierre-le-Vieux protestante. Samedi 21 novembre à 20h.

Publié le 17 novembre 2015 par Chantalserriere

Il ne faut pas manquer ce concert discret, presque secret, samedi prochain, à 20h, en l'église St Pierre-le-Vieux (protestant) toujours prête à accueillir chaleureusement la musique.  Et s'il ne faut pas manquer le prochain concert de Caroline Sablayrolles (dont j'ai souvent parlé dans ce blog) au piano et d'André Monteiro au cor, c'est qu'il vient à point nommé, curieux hasard, apaiser la douleur des heures sombres que nous venons de vivre.

st pierre

Qui a déjà entendu les 3 Klavierstücke de Schubert, composés en 1828 quelques mois avant la mort du compositeur et jamais joués ni même publiés de son vivant -Brahms les publiera pour la première fois en 1868-  sait à quel point l'oeuvre fait s'affronter l'effroi et la grâce, la douceur des berceuses au seuil des vies et le glas sombre, annonciateur de la mort. L'avant et l'après. Le monde d'ici-bas et celui de l'au-delà.

Qu'on ne s'y trompe pas, la "délicieuse" mélodie qui ouvre le deuxième mouvement -parfois jouée, même par les plus grands, jusqu'à la mièvrerie- n'est en rien suave ritournelle au bal de bergères endimanchées; non, la simplicité de son déroulement est sans affects. Petite musique de la vie, de l'origine à l'enchaînement des heures. Et parfois, des heures sombres, justement. Sombres grondements des entrailles du monde sous la main gauche, tandis que sonne, sous la main droite, inexorable, la cloche au clocher de ces villages à l'alentour de Vienne et que Schubert a tant parcourus.

village vienne

Puis, en écho, plus grave, résonne le glas. L'univers bascule. Mais non, pas encore. La vie reprend son cours. Renait la ritournelle. Une valse à mille temps...Et pour calmer la peur, pour consoler la peine, la sublime avancée en la bémol majeur  qui touche au-delà des mots, pénètre l'infini du mystère de la vie et de l'après-vie..."Trop éloquentes pour la parole" ces pièces pour piano communiquent des états d'âmes qui dépassent parfois les possibilités d'expression de la langue parlée, écrit Paul Badura-Skoda.

dans ce deuxième mouvement, Caroline Sablayrolles  est exceptionnelle. Par son jeu très sobre, elle offre à vivre toutes les confrontations en digne émule de Maria Joao Pires dont elle fut l'élève pendant quatre ans.  Elle emprisonne l'attention frivole et permet grâce à sa compréhension profonde de chaque phrase musicale, la découverte de mondes écartelés entre la terre et le ciel mais aussi ce vertige qui nous saisit, né de la lumière ruisselant jusqu'aux gouffres obscurs en une spirale  infernale qui conduit de la légèreté à la puissance des ténèbres, du langage à l'indicible.

L'oeuvre suivante est la sonate pour piano-forte et cor op 17 de Beethoven qui aurait été composée en moins de deux jours, à l'occasion d'un concert donné en l'honneur du corniste Punto le 18 avril 1800. Beethoven en a également fait une transcription pour flûte, violon, alto (ou violoncelle) et piano. Elle comprend : 1- Allegro moderato ; 2- Poco adagio quasi andante ; 3- Rondo-Finale (allegro moderato). Créée le 18 avril 1800 au Hofburgtheater à Vienne par Punto  au cor et Beethoven au piano, elle renaît dans toute sa fraîcheur, portée par l'élan, la vitalité, le souffle d'André Monteiro *dès le premier mouvement de la sonate. Magnifique jeu en écho du cor et du piano...

Et tandis que les historiens débattent encore de l’éventuelle rencontre entre Schubert (1797-1828) et Beethoven (1770-1827), le concert de samedi propose en toute liberté une rencontre imaginaire réunissant les deux compositeurs au-delà du temps qui leur fut donné à vivre.
Soirée sous le digne du dialogue, donc, pour improbable qu’il soit, entre Schubert et Beethoven, dialogue, encore, entre les instruments, dialogue, enfin, entre deux artistes, d’aujourd’hui dont la générosité et l'intelligence musicale touchent au plus profond de chacun d'entre nous.

*André Monteiro est né au Portugal.  Titulaire de deux masters de cor (Fribourg et Bâle), on a pu l'entendre  à l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, l’Orquestra XXI, l’Orquestra do Algarve, l’Orchestre du Staatstheater de Darmstadt avec le soliste Stephan Door et dans de nombreux autres ensembles. La rencontre à Bâle de Thomas Müller et du cor naturel à la Schola Cantorum Basiliensis ont été une révélation pour lui. Depuis, il se consacre pleinement au répertoire et à l’histoire de la musique ancienne sur instruments d’époque. Il a ainsi joué comme soliste avec l’orchestre de la Schola Cantorum Basiliensis sous la baguette de Sigiswald Kuijken. Il a aussi collaboré, entre autres, à l’ensemble I Barocchisti sous la direction de Diego Fasolis, avec la soliste Cecilia Bartoli.


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