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Les Juifs marocains et la conquête arabe.

Publié le 20 novembre 2015 par Feujmaroc
Les Juifs marocains et la conquête arabe.

Mais soucieuses de leur indépendance, les tribus guerrières de l'Aurès s'insurgent contre leurs nouveaux maîtres et après les combats victorieux s'emparent de l'Ifriqiya et même de la nouvelle capitale, Kairouan. Ce n'est qu'en 681, après une nouvelle campagne contre l'Aurès Okba ben Nati arrive à réduire les populations berbères réunies infligeant une défaite sanglante à leur chef Koceila. Il entreprend alors un raid qui va le mener jusqu'aux frontières maritimes du Maghreb-el-Aqça (le Maroc actuel).

LA CELEBRE DAHIA

Après avoir pris les, villes fortes de Tlemcen, de Ceuta et de Tanger, il pénètre dans le cœur de l'Atlas en passant par Oulili (Volubilis), il défait les tribus berbères, suscitant des conversions massives parmi les Berbères de toutes religions.

Mais, Koceila, après avoir abjuré sa nouvelle religion, provoque un nouveau soulèvement des tribus berbères, infligeant une délaite à Okba qui périt sur le champ de bataille (683).

La conséquence de cette victoire fut la deuxième occupation de l'Ifriqiya par Koceila, roi du premier empire berbère qui fit de Kairouan sa capitale. Celle-ci ne sera reprise qu'en 688 par le général arabe Zobeir, après une bataille décisive au cours de laquelle Koceila est tué, tandis que sa tribu, les " Aoureba ", est presque entièrement détruite.

Toutefois, les Djerouas paraissent avoir peu souffert des conséquences de cette défaite puisque, dans les événements postérieurs, on les voit au premier plan. Profitant de l'affaiblissement intérieur de l'autorité du Khalifa, ils prennent pour reine, une femme, la célèbre Dahia, dite El Cahena.

LA JEANNE D'ARC AFRICAINE

Cette reine juive de l'Aurès opposa une résistance héroïque aux armées arabes. Ses premières victoires lui permirent d'étendre son autorité au-delà de l'Aurès, sur presque toute l'Afrique du Nord. Mais elle fut défaite à son tour. Après sa mort sur le champ de bataille, son royaume cessa d'exister ; ses deux fils et une grande majorité des Djérouas se convertirent à l'Islam. Le récit des épisodes dramatiques qui caractérisent la lutte dirigée par cette femme étonnante contre les envahisseurs dépasse le cadre de notre étude réservée spécialement à l'histoire des Juifs du Maroc. Cependant, il était nécessaire d'évoquer celte glorieuse figure que de nombreuses histoires ont appelé la " Jeanne d'Arc africaine " ou " la Débora noire ", car, après leur conversion, les deux fils de la Cahena et 12000 Djérouas prirent une part active à la conquête du Maroc et de l'Espagne aux côtés des armées arabes. De nombreux Djerouas convertis ou restés fidèles au judaïsme s'incorporèrent dans les autres -tribus du Maroc et leurs traces se retrouvent en tant que fractions Distinctes ou en tant qu'assimilés à la population urbaine de notre pays.

Au cours de toutes ces luttes qui opposèrent les berbères et les Arabes pendant toute la seconde moitié du second siècle, luttes qui enlisèrent la ruine totale de la côte berberesque, depuis la Tripolitaine jusqu'à Tanger, il semble que le judaïsme marocain n'ait pas beaucoup souffert. On le voit, au contraire, se renouveler, se renforcer pur l'apport de nouveaux éléments juifs arabisants.

UN DOUBLE COURANT

Les Juifs romains avaient pris une part active aux côtés des Berbères à Ia résistance contre les conquérants arabes, Les uns trouvèrent la mort au cours des combats acharnés, d'autres se convertiront ; beaucoup aussi se virent dans la nécessité d'émigrer. En revanche, un grand nombre de Juifs d'origine égyptienne, yéménite et asiatique, avaient suivi les armées des conquérants arabes et occupaient successivement les villes désertées par leurs habitants grecs ou romains.

Ainsi donc, dès les débuts de l'apparition de l'Islam en Afrique, le judaïsme maghrébin s'enrichit d'un double courant d'émigration juive : juifs primitifs d'origine yéménite, juifs citadins d'Asie, également familiarisés avec la langue, les mœurs et la civilisation arabe.

La plupart de ces juifs, nouveaux venus en Afrique du Nord, étaient déjà fortement arabisés. Ayant subi à la fois l'influence de la culture arabe et la discipline de la Synagogue babylonienne, leur installation dans le Maghreb sera d'une grande importance ; d'une part, ils seront les intermédiaires qualifiés entre les populations africaines et les conquérants arabes, d'autre part. Ils serviront de trait d'union entre les Juifs indigènes et tout le reste de la Diaspora juive.

" AML EL KITAB "

Quelle était la situation juridique des communautés sous la domination arabe : Comme tous les pays musulmans, elle sera régie par un statut ayant pour rendement les régies du Coran et de ses commentaires traditionnels, le Hadith et la Chariat.

Pour le Coran, il existe trois catégories d'hommes :

1) les croyants qui forment la " Umma " ;

2) Les infidèles non admis dans la cité musulmane ;

3) les " gens du Livre " ou " Ahl el Kitab ", c'est-à-dire ceux qui avaient reçu la révélation divine.

Au sujet de ces derniers, le prophète Mahomet dit :

" Nous croyons en Dieu et à ce qui a été envoyé d'en haut à nous, à Abraham et à Ismaël, à Isaac, à Jacob, aux douze tribus; nous croyons aux livres qui ont été donnés à Moise et à Jésus, aux livres accordés aux prophètes par le Seigneur, nous ne mettrons point de différence entre eux et nous, nous nous abandonnons à Dieu. "

En vertu de ces principes, les " gens du Livre ", c'est-à-dire juifs et chrétiens, pouvaient subsister dans les pays conquis par les armées arabes, mais avec un statut juridique particulier, le statut des " dhimmis " ou protégés.

Codifié par Al Mavardi au XIe siècle, ce statut réunit les rapports des dhimmis et des musulmans a six conditions nécessaires et six autres désirables.

Les premières sont des devoirs absolus : respect du livre de Dieu, du Prophète, de l'Islam, de la femme musulmane, des convictions et des livres du croyant, loyalisme envers le pays. Toute transgression de ces prescriptions devait être punie de mort.

Les six conditions secondaires concernant le port d'un vêtement distinctif, la hauteur des maisons des dhimmis, la pratique discrète de leur religion, des règlements concernant la consommation du vin et l'élevage des porcs, l'ordonnance des enterrements et enfin l'interdiction de se servir des chevaux de race noble.

FANATISME ET LIBERALISME

En vertu du principe posé par le Coran : " Les gens de l'Evangile seront jugés selon l'Evangile ", le statut du dhimmi prévoit l'autonomie judiciaire des juifs et des chrétiens. Ainsi, les communautés juives purent avoir leurs propres tribunaux où la justice était rendue suivant les prescriptions de la loi mosaïque.

D'autre part, les dhimmis doivent payer au souverain musulman l'impôt de capitation ou " Dejessia " dont sont dispensés les femmes, les enfants et les infirmes.

A une époque où en Europe les rois chrétiens donnaient libre cours au fanatisme, déchaînaient les persécutions, allumaient les bûchers, expulsaient et spoliaient des populations entières, le statut des dhimmis permet aux communautés juives de subsister, protégeait leur vie et leurs biens. Si, dans la pratique, les prescriptions de ce statut devaient entraîner certaines humiliations, que sont ces humiliations à côté des persécutions que subissent les Israélites dans les pays chrétiens ?

En fait, la situation du dhimmi dépendait surtout de la personnalité des princes et " les souverains musulmans enclins au libéralisme firent un sort convenable aux communautés juives qu'ils protégeaient ".

UNE PAGE D'HISTOIRE par Charles BENSIMON


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