Magazine Cuisine

Dictionnaire chic du vin – Léon Mazella

Par Gourmets&co

Curieux comme le titre est en décalage presque total avec le contenu du livre et surtout avec l’homme, écrivain et journaliste, qui est derrière. Car enfin, chic est un terme qui sied assez peu à Léon Mazella. Il suffit de le voir, l’entendre ou le lire pour comprendre que la préciosité n’est pas son fort.
Le terme dictionnaire ne l’est pas moins. A part la classification alphabétique, le livre est une promenade, sinueuse et inattendue, où chaque page est une aventure, une rencontre, une découverte. Il faut prendre l’ouvrage de Mazella pour ce qu’il est : un état d’esprit, un état des lieux, des états d’âme, des questions sans réponses et des réponses à presque tout. Le lien, la toile de fond, est le vin.

image-9
Léon Mazella aime le vin comme on aime une femme, de près et de loin, à la folie ou pas du tout, de tous les sens et dans tous les sens puisque la sensualité est le point commun, le point de départ et d’arrivée. A l’heure où nous perdons lentement mais sûrement le sens de la vie, du futur et du passé, de ce que nous sommes et fûmes, où l’esprit s’est envolé au profit des croyances et où les certitudes ont remplacé les doutes, le vin est-il, peut-il être encore et toujours la porte entrouverte sur un ailleurs ? Léon Mazella le croit, s’en persuade, imagine… comme disait l’autre.

Mazella aime la vie et fut longtemps fasciné par le sang (couleur du vin christique) et la mort. Il a pris plaisir à donner la mort, à des animaux beaux, sauvages, fiers, peut-être pour détruire ce que nous avions perdu en nous ? Il a joué à être Hemingway et, en fait, il était Jim Harrison, qu’il admire par-dessus tout. Bonne nouvelle.

Comme le vieux chaman du Montana, sans doute le plus grand écrivain américain, Mazella mesure, avec le vin comme compagnon, tout ce que l’homme a perdu sur sa longue route. Sa vie d’aujourd’hui, hors-sol, est déconnectée à jamais de la nature, du sauvage, du plaisir et des excès qu’elle entraîne. Comment vivre sa liberté qui n’est plus qu’un mot bazardé à tous les vents ? Peut-il encore boire pour savoir, savoir pour comprendre, et comprendre pour aimer ?

Son dictionnaire est un livre d’auteur, d’écrivain qui a vécu avec le vin, entre autres, des aventures avec des lendemains, des expériences de vie, d’amour, et parfois de rejet. On y trouve des conseils, des faire et ne pas faire, des avis tranchés, des coups de cœur et de gueule, des mots d’auteurs, des citations, du sensuel car le vin est fondamentalement érotique, et plus encore.
Le livre de Mazella n’est pas un énième livre avec des notes de soi-disant spécialistes, pas de commentaires pointus ou pointilleux, pas d’ordres mais un beau désordre. Il nous apprend à ne pas abandonner le terrain et à se battre pour continuer coûte que coûte à être ce que nous sommes.

Lui, Léon Mazella est un fidèle, au sens presque religieux du terme, à ce qu’il a aimé, aime et aimera. Fidèle à lui-même… et au vin.

image-4
Extraits pour donner soif de le lire.
« … c’en est terminé de l’ivresse et des fêtes païennes. Bacchus a du plomb dans l’aile. L’esprit des lois, comme celle de M.Evin, pointe déjà son nez. »
« Les Côtes du Rhône septentrionales. C’est ma région préférée, ce sont là que se trouvent les vins qui me comblent le plus au monde. Voilà, c’est écrit. »
« Oeuvre de la nature et de l’homme dédié au plaisir avant tout autre souci, le vin ne supporte pas le discours analytique que d’aucuns tiennent afin de paraître savants…. Plaisir mon unique souci, doit être le credo de tout amateur. Et « j’aime, j’aime pas », l’expression de la liberté la plus nue. Buvez si vous aimez, bon sang. « Hombre bebe, porque la bida es breve », dit un proverbe espagnol. Tout le reste est mauvaise littérature. »
« Hermitage est incontestablement l’une des plus belles et des plus glorieuses AOC de France, avec une production de vins rouges et de vins blancs aux qualités également exceptionnelles. »
« L’archétype du classicisme médocain se trouve dans une bouteille de Calon Ségur, vieille propriété archi célèbre, aux flacons chers et à la personnalité affirmée, confirmée, aride, têtue, autoritaire même. Le 1970 m’émut comme un film de Visconti. »

Editions Ecriture
400 pages
22 €
www.editionsecriture.com


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Gourmets&co 44601 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines