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Show me a hero

Publié le 17 décembre 2015 par La Nuit Du Blogueur @NuitduBlogueur

Une mini-série écrite par David Simon 

« Show me a hero and I’ll write you a tragedy », Francis Scott Fitzgerald

Après avoir révolutionné le monde de la série US avec les prodigieuses saisons de The Wire, David Simon s’attaque à un de ses sujets de prédilection, le monde de la politique, en adaptant l’histoire de Nick Wasicsko, grand espoir du parti démocrate à la fin des années 80 lorsqu’il fut le plus jeune maire d’une grande ville (plus de 50 000 habitants). Élu sur la promesse de se battre contre la décision du tribunal de l’État de New York d’obliger la ville de Yonkers à construire des logements sociaux dans les quartiers « blancs » et aisés, il cédera et deviendra, malgré lui, un héros de la mixité sociale de sa ville.

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© OCS/Paul Schiraldi

Déjà créateur d’une des plus grandes séries des années 2000, The Wire, David Simon continue, avec l’adaptation de Show me a hero, biographie de Nick Wasicsko écrite par Lisa Belkin, de tisser une œuvre dense, croisant les analyses politiciennes et sociologiques du sujet qu’il choisit d’aborder. De retour à ses racines télévisuelles de la mini-série (The Corner, diffusée – déjà – sur HBO en 2000), Simon déploie à nouveau toute son acuité d’observation sur ce format si particulier de la série anthologique de six épisodes de 52 minutes. Loin d’avoir perdu le talent qui est le sien, le scénariste américain continue à détonner et signe, avec Show me a hero, l’une des très grandes séries politiques de ces dernières années.

S’il est important de séparer la politique du monde politicien, c’est qu’il y a une tendance sémantique qui tend à présenter les grandes séries politiciennes de ces dernières années comme étant des séries politiques. Or il n’en est rien et le travail de David Simon a toujours été le plus politique d’entre tous, questionnant non seulement le fonctionnement des sphères politiques mais aussi son impact sur la vie des gens directement concernés par les décisions prises dans les hautes sphères municipales de la ville de Baltimore dans The Wire, de la ville de Yonkers dans Show me a hero.

Loin de proposer une vision politique totalement déconnectée de la vie citoyenne comme les néanmoins très bonnes Borgen, À la Maison Blanche, ou encore House of Cards, et donc étriquée à la seule rhétorique diplomatico-politicienne, Simon a toujours eu à cœur de représenter aussi la vie du peuple. Hier ce fut la difficile existence des quartiers abandonnés de Baltimore, aujourd’hui il s’agit aussi de traiter de la vie des habitants de la ville de Yonkers. La vie de ceux bénéficiant des logements sociaux qui seront le problème central de la série, mais aussi celle de la petite bourgeoisie de la ville qui a peur pour la valeur foncière de sa maison, « menacée » par l’arrivée de familles populaires et désargentées.

Embrassant la communauté de Yonkers d’une manière totale, montrant ceux qui se battent quotidiennement dans les cités vétustes, mais aussi ceux qui, eux, ont le temps d’aller se plaindre avec véhémence et violence aux conseils municipaux contre la construction des logements sociaux, Simon déploie un point de vue qui tend vers la définition de l’héroïsme politique, qui consiste à faire des choix décisifs malgré une opposition forte, violente, et peut-être majoritaire, pour le bien de la ville, mais aussi de ses habitants.

Et Wasicsko est aussi un héros malgré lui, dont le début de carrière fulgurant fut aussi rapide que sa chute, car ayant eu le courage de reconnaître son tort d’avoir pensé interrompre le processus de mixité sociale de sa ville avant d’être élu maire. En choisissant d’écrire le biopic du jeune maire, de s’attacher aussi à son intimité et à ses doutes politiques et stratégiques, Simon rend un hommage vibrant à un héros qui, loin d’être parfait, est un symbole de cette manière de faire de la politique de proximité, un représentant de ceux qu’il considère comme des héros oubliés.

© OCS_Paul Schiraldi

© OCS_Paul Schiraldi

Portée par l’impressionnante interprétation d’Oscar Isaac, et par la caméra embarquée de Paul Haggis qui plonge avec force le spectateur dans la violence des conseils municipaux, dans les méandres de la vie politique de Yonkers, Show me a Hero est une plongée sans concession dans le monde politicien de cette ville de l’état de New York. Loin des hautes sphères du pouvoir, David Simon appelle avec force à une nouvelle manière de concevoir et de représenter la politique. Show me a Hero est une grande et belle œuvre ample et universelle qui n’a de « mini » que le format, rappelant avec véhémence la force de la mixité sociale. Reflet d’une Amérique où cette bataille fut difficile mais y porta ses fruits, la nouvelle série de David Simon est politiquement passionnante, mais aussi cinématographiquement efficace et troublante.

Simon Bracquemart


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