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Die Zauberflöte: le Noël enchanté de l´Opéra de Munich

Publié le 26 décembre 2015 par Luc-Henri Roger @munichandco

Die Zauberflöte: le Noël enchanté de l´Opéra de Munich

„Drei Knäbchen, jung, schön, hold und weise, umschweben euch auf eurer Reise...“ 

Rien ne convient mieux au solstice d´hiver et à la période des fêtes de fin d´année que la Flûte enchantée de Mozart, un opéra maçonnique qui consacre la victoire de la lumière du Sol invictus sur les ténèbres de la reine de la nuit. Et hier soir un ciel sans nuages porteur d´une pleine lune gorgée de lumière solaire s´est fait complice de la programmation du Bayerische Staatsoper qui a cette année encore présenté Die Zauberflöte pour le jour de Noël. C´est la période des cadeaux et hier soir la représentation était spécialement ouverte aux familles qui ont pu y convier leurs enfants. Le somptueux promenoir bleu et or et les grands escaliers où les spectateurs déambulent d'ordinaire avec la lenteur débonnaire qui sied à ces lieux prestigieux se sont animés des rires et des jeux d'enfants que leurs parents avaient parés de leurs plus beaux atours pour les emmener voir, sans doute pour nombre d´entre eux, leur premier opéra. Et il y avait beaucoup d'enfants, sages comme des images et fascinés pendant la représentation, plus joyeux et turbulents à l'entracte: on est surpris d'une telle discipline qui parle en faveur des qualités d'un spectacle captivant. On peut imaginer que les parents en mélomanes avertis avaient pris le soin de la préparation du spectacle, et le Bayerische Staatsoper n'est pas en reste qui organise une introduction au spectacle spécialement destinée au jeune public. A voir le nombre de jeunes et d'enfants, et jusqu'à des tout petits de trois, quatre ou cinq ans, on peut être sûrs que la relève est assurée et que l'Opéra de Munich continuera pendant de longues années à afficher complet et à refuser des spectateurs.
La mise en scène d'August Everding date de 1978, elle a fait le tour du monde et ne doit plus être présentée. Quelle que soit l'appréciation qu'on en ait, elle est particulièrement efficace avec un public enfantin, et c'est aussi une des richesses du livret d'Emanuel Schikaneder que cet opéra comporte différents niveaux de lecture, et qu'un de ces niveaux soit accessible aux enfants. C'est une des grandes qualités de cette mise en scène de rendre le niveau du conte de fées visible. Et les somptueux décors et les fabuleux costumes rococo de Jürgen Rose, que ce grand artiste a totalement rénovés en 2004, contribuent largement à permettre d'introduire le jeune public à l'opéra. Ainsi l'initiation, on le sait un des grands thèmes de cet opéra, devient-elle opérante pour les plus jeunes aussi. Dès l'ouverture du rideau, la Reine de la Nuit apparaît suspendue au centre d' une grande pleine lune et assiste au combat de Tamino contre un énorme serpent dragon cracheur de feu. La punition du mensonge de Papageno est soulignée par un grand cadenas. L'arrivée des adjuvants et plus tard l'apport d'objets magiques, la flûte et le carillon de clochettes, sont parfaitement lisibles par les plus petits. Ce sont surtout les clowneries d'un Papageno, superbement incarné par Michael Nagy qui donne une approche très humaine et sensible à son personnage avec une belle maîtrise vocale, qui enchantent les enfants. Monostatos (Kevin Conners) en Père fouettard et sa tribu de sbires, le domptage des singes et des ours qui se mettent à danser captivés par la musique des instruments magiques, ou encore les coups de tonnerre, relèvent aussi des récits enfantins. Et les statues de pierre qui s'animent dans ce qui ressemble à un cimetière sont tout aussi efficaces pour accrocher l'attention des plus petits: une statue de la déesse de la fortune, avec sa corne d'abondance, s'anime et se révélera être Papagena déguisée en statue; des lions de pierre se mettent à balancer la queue à la grande frayeur de Papageno et leurs têtes soudain mobiles font fuser les rires. L'opéra est rempli de magie, les enfants sont sur la scène comme dans le public: choeurs d'enfants avec les trois solistes du choeur d´enfants de Bad Tölz, le Tölzer Kanbenchor), arrivée céleste des trois Knaben , ou encore la douzaine d'enfants habillés comme leurs parents de costumes champêtres et floraux, qui représentent la descendance en ribambelle de Papageno et de Papagena, tout cela contribue à faire aussi de la Flûte un opéra bien adapté au public le plus jeune. 
L´excellent plateau de chanteurs et les admirables musiciens du  Bayerische Staatsorchester conduits par Asher Fisch, qui a souvent dirigé Mozart à Munich, ont enthousiasmé le public des petits et grands à un point tel qu´ils se sont vu réserver une standing ovation. La Reine de la nuit est interprétée par Albina Shagimuratova, une chanteuse ouzbèke très sollicitée cette saison puisque on peut aussi l´entendre dans les rôles de Constance et de Donna Anna. La chanteuse donne ses deux grands airs avec une grande aisance, elle en déjoue les embûches avec facilité tout en se contentant d´un jeu de scène impérieux et par trop uniforme. La Papagena de Leela Subramanian, qui a intégré la troupe munichoise cette saison, est d´un humour pétillant avec un fausset très amusant. Hannah-Elisabeth Müller était prévue pour Pamina, et elle était très attendue dans le rôle, a été remplacée au pied levé par Christiane Karg qui fut la grande révélation de la soirée. Son interprétation de Pamina, à qui elle confère une présence d´une rare qualité, est d´une sensibilité bouleversante, avec une  voix qui parvient à exprimer un éventail de nuances telle qu´on l´imagine volontiers dans des rôles plus dramatiques. Christiane Karg a remporté le prix bavarois de la culture  2015 (Kulkturpreis Bayern 2015). Elle sera Blanche de la Force en janvier et février dans le Dialogue des Carmélites ici au Théatre national et son incomparable Pamina donne envie de bien vite s´y réserver une place pour venir l´entendre dans ce rôle plus déchirant! (Places restantes dans toutes les catégories). Mauro Peter, avec son beau ténor léger, s´il est séduisant en Tamino et bien dans le rôle, n´atteint pas la profondeur nuancée de sa partenaire, et c´est surtout dans les duos de Pamina avec le Sarastro de l´excellent Georg Zeppenfeld que la musique mozartienne est portée au sublime.
L'Opéra d'Etat bavarois a fait ici la démonstration magistrale que Mozart peut être rendu accessible aux plus petits, c´est aussi un miracle de Noël, ou de solstice d´hiver, c´est selon.
La Flûte enchantée se donne encore à guichets fermés jusqu´au 2 janvier au Théâtre national de Munich.

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