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Caravagisme

Publié le 29 décembre 2015 par Aelezig

Le caravagisme, ou école caravagesque, est un courant pictural de la première moitié du XVIIe siècle

Apparu à la suite du travail du Caravage à la fin du XVIe siècle, le caravagisme est parfois assimilé à une forme de baroque romain face au classicisme des frères Carrache. Cette idée est cependant à nuancer en raison des nombreuses similitudes qui rapprochent ces deux écoles romaine et bolonaise. Ce courant ne doit pas être décrit comme un groupe ou comme une école, car il ne constitue pas un mouvement structuré, mais tout au plus une imitation, une influence de l’Italie. 

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Bartolomeo Manfredi

Il est caractérisé par la prédominance de scènes aux puissants contrastes de lumière et d'ombre transcendées par la maîtrise virtuose du clair-obscur. L’école caravagesque d'Utrecht constitue, quant à elle, un groupe séparé.

Peu de révolutions artistiques auront été aussi explicites et marquantes. En plein contexte de la Contre-Réforme, où le concile de Trente préconise une peinture plus simple et plus lisible que celle des artistes de la Renaissance classique et maniériste, Caravage aura effectué en respectant ses commanditaires une série d'innovations qui eurent un succès quasi immédiat. 

Caravage

À Milan il passe sa jeunesse dans une famille qui le tient au courant des idées nouvelles de l'archevêque Charles Borromée, lequel s'inspire de l'ascétisme et du mysticisme du XVIe siècle : Ignace de Loyola, Thérèse d'Avila et Philippe Néri. À Rome, Caravage, poète et musicien à ses heures, vit dans un milieu très cultivé et plus ou moins directement impliqué dans la Réforme catholique. Il est à l'écoute des débats qui anime ce milieu, car chaque commande importante, pensée au cours de nombreux débats, est explicitée à l'artiste avant son exécution. Il parvient ainsi à respecter les attentes de Charles Borromée, le principal initiateur de cette réforme à Milan, c'est-à-dire : le retour vers une iconographie simplifiée qui soit émouvante tout en respectant la théologie. Bien plus il en approfondit le message en dynamisant ses toiles par l'intensité symbolique de l'ombre, associée à la misère et parfois à la laideur. Il utilise la dynamique des corps découpés dans cette ombre par la « lumière divine ».  

Le traitement de la lumière est une question dans l'air du temps. Certains comme Jacopo Bassano, dès le milieu du XVIe siècle, ont fait le choix du luminisme. Mais par son sens révolutionnaire du sacré Caravage substitue l'éclairage direct, métaphore d'un contact direct, mystique, avec le divin, à une lumière réfléchie et diffuse. Il substitue une vision naturaliste focalisée sur le monde des hommes, aux artifices du maniérisme et à toutes les surcharges de couleur, les accumulations d'accessoires et les illusions de la perspective qui prévalent auparavant. Cette révolution entraine alors de nombreux artistes à s'en inspirer car elle est fondée sur un vaste mouvement de retour à l'étude de la nature : l'initiateur Michel-Ange mais aussi les Bolonais et l'académie des Carrache, l'école lombarde dont Moretto et Vincenzo Campi, après la parenthèse maniériste. En se focalisant sur la nature humaine, ses passions et ses drames, Caravage, semblant rivaliser avec Michel-Ange, dépasse dans la radicalité tous ses contemporains et fait du corps humain le sujet, apparemment unique car bien visible, de sa peinture.

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Caravage

Caravage ouvre la voie, par une peinture méditative et intime, à une exploration anxieuse de l’âme. Voulant témoigner des émotions humaines, il cherche à rendre tangibles les événements religieux qu’il va donc représenter comme des scènes de genres. Humanisant l’art sacré, sa vision crue et sa piété intime s’opposent totalement à l’approche préconisée à cette période. Même si ces toiles sont parfois refusées, les artistes et les intellectuels de son époque le reconnaissent comme un inventeur de génie.

Libérant les artistes des stéréotypes maniéristes et amorçant une nouvelle approche de la réalité physique des choses, la peinture du Caravage connaîtra une diffusion rapide et étendue en Europe. Le caravagisme ne se cantonne donc pas à un cadre stylistique et peut être rapproché aussi bien des références et de la rigueur classique d’un Georges de La Tour que des emphases baroques de Rubens.

Evolution stylistique

Caravage s’installe à Rome dès 1592. Rome est en effet le grand foyer artistique italien où se retrouvent des artistes de toutes origines qui viennent débattre à l’Académie de Saint-Luc (fondée en 1593) et profiter de l’important mécénat religieux (papes et cardinaux).

On distingue trois périodes dans l’art du Caravage :

  • La Manière claire : première période romaine entre 1594 et 1600. On y sent encore l’influence maniériste avec une palette claire, une facture lisse et brillante. On y observe cependant la mise en place du schéma caravagesque dans le cadrage et la composition. Cette période est celle de la création de nombreux sujets et thèmes qui connaîtront une très grande pérennité dans la peinture occidentale.
  • La Manière noire : entre 1600 et 1606, s’affirme le rôle de la lumière et le jeu des contrastes avec le développement du « clair-obscur caravagesque ».
  • La Période d’errance : entre 1606 et 1610, où la facture devient de plus en plus vibrante et obscure. Parfois appelé le « piétisme caravagesque », le peintre abandonne son ironie et son insolence probablement en raison de la culpabilité qui l’assaille à la suite d'un duel ayant tourné au meurtre. Cette période semble marquée par une recherche d’absolution divine.

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Caravage

Les caractéristiques

Le « schéma caravagesque » se met en place très tôt. Les compositions, principalement en largeur, présentent des personnages grandeur nature, souvent coupés à mi-corps. De plus l’artiste introduit directement le spectateur dans la scène. Celle-ci semble encore plus proche en raison du fond neutre. Ces artifices de composition seront repris par la plupart de ses imitateurs.

La lumière est elle aussi un élément essentiel de ses compositions. D’abord baignant tout le tableau, elle tend à se concentrer sur certaines zones créant un contraste de clair-obscur qui donne une dimension de plus en plus dramatique à ses œuvres. Presque toujours extérieure au tableau, la lumière fait irruption dans la scène et guide l’œil vers l’essentiel. Apportant une dimension symbolique et spirituelle, elle participe autant à la compréhension de la scène qu’à sa sacralisation. Notons que, chez Caravage, le caractère divin des personnages est littéralement « mis en lumière » plutôt que représenté par des attributs symboliques et artificiels. 

Les rouges, les bruns et les noirs dominent.  

En ce qui concerne les thèmes traités, Caravage permet un renouveau perpétué par ses imitateurs. On observe généralement une double lecture de ses œuvres, avec une forte dimension morale. Afin d’atteindre ce but, il recherche l’archétype et utilise fréquemment les mêmes modèles. Ces deux caractéristiques s’atténueront au sein du courant caravagesque, pour tendre vers un style plus anecdotique et décoratif.

Le caravagisme commence avec l’arrivée à Rome de Caravage et s’achève avec la disparition de Georges de La Tour et de José de Ribera (1652). Moins prégnant en Italie à partir du second quart du XVIe siècle, c’est à partir de cette période qu’il commence à influencer profondément la peinture européenne, et ce jusqu’à la fin du XVIIe siècle.

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Nicolas Tournier

Italie

Le caragisme s’étend en Italie en trouvant un écho dans les toiles de Bartolomeo Manfredi (1580-1620), considéré comme sont plus proche suiveur et le théoricien du caravagisme. Orazio Gentileschi (1563-1639) va quant à lui poétiser les scènes par la douceur de la lumière, des drapés soyeux et un chromatisme raffiné. Il sera suivi par sa fille Artemisia (1593-1652). José de Ribera (1591-1652), napolitain d’origine espagnole, contribue à la vigueur du foyer napolitain et à l’influence prépondérante du caravagisme en Espagne, puisqu’à cette époque le royaume de Naples est sous tutelle espagnole. Citons enfin Battistello Caracciolo, dit Battistello (1578-1635) chez qui l’on retrouve, comme chez Ribera, le style des dernières années du Caravage, caractérisé par des atmosphères très sombres.

Les peintres étrangers venus se former à Rome sont nombreux. Influencés par les proches disciples italiens que nous venons de citer, ces artistes vont, à partir des années 1625, diffuser ce courant hors d’Italie. Un des premiers fut le peintre d’origine flamande Ludovicus Finsonius.

France

Pour la France, c’est Valentin de Boulogne, dit Le Valentin (1591-1632), qui amorce le courant. Chef de file des artistes français à Rome, il s’engage dans le caravagisme et entraîne avec lui les autres artistes français, chacun développant toutefois sa propre approche. Le foyer toulousain, représenté par Nicolas Tournier, montre un caravagisme épuré et austère. Valentin de Boulogne est formé dans l’atelier de Manfredi et poursuit le schéma caravagesque tout en compliquant ses compositions. Suivant la même démarche, Nicolas Régnier apporte quant à lui un raffinement et une richesse qui le différencient du Caravage. Redécouvert tardivement dans la seconde moitié du XXe siècle, Guy François (vers 1578-1650) fait également partie des peintres qui ont fait le voyage à Rome (1608) et qui ont rapporté en France les leçons du Caravage.

Au sein du caravagisme français, le foyer lorrain représenté par Georges de La Tour représente une figure à part. Plus tardif, il développe un style très personnel s’inspirant du schéma caravagesque mais avec une géométrisation de formes très marquée et une traitement virtuose de la lumière (dont la source est située cette fois à l’intérieur du tableau). Il applique le luminisme en accentuant l’atmosphère silencieuse et recueillie, l’éclairage ténu d’une chandelle rendant l’atmosphère du tableau quasi mystique. Les personnages donnent une impression d’introspection, de réflexion, ayant l’air de poser silencieusement, attentifs. La palette se réduit aux bruns et aux rouges.

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Valentin de Boulogne

Si plusieurs peintres originaires du Nord de la France tels Simon Vouet (1590-1649) et Claude Vignon (1593-1670), participent au mouvement caravagesque à Rome, la France, d'une façon générale se met au classicisme.

Hollande et Flandres

Au XVIIe siècle, Rome constitue un pôle d’attraction pour les artistes des Pays-Bas septentrionaux et méridionaux qui viennent y parfaire leur art. Les voyages d’étude commencent à s’organiser, avec notamment la création, vers 1620, des « Bentvueghels », un groupe dont le rôle est surtout social. Ces séjours romains, qui habituellement durent plusieurs années, sont le principal vecteur de la diffusion du caravagisme au Nord, où l’on verra la formation de ce qui est aujourd’hui appelé l’« école caravagesque d'Utrecht ». Les artistes de cette école s’inspirent principalement de la première période du Caravage et de ses disciples, caractérisée par une lumière claire et une facture lisse. Gerrit Van Honthorst (1590-1656) ainsi que Hendrick Ter Brugghen (1588-1629) et Dirck Van Baburen (v. 1595-1624) en sont les plus notables représentants. Ces caravagesques vont influencer Jan Lievens et Rembrandt, puis Johannes Vermeer.

Le caravagisme se diffuse également en Flandres, sans véritable école comme celle d'Utrecht et avec la persistance d'un maniérisme. Louis Finson (vers 1578-1617) est l'un des rares peintres flamands à avoir rencontré directement Caravage en Italie. Parmi les autres peintres influencés par ce dernier, on peut citer Jacob Jordaens (1593-1678), Theodoor Van Loon (vers 1582-1649), Gerard Seghers (1591-1651), Theodoor Rombouts (1597-1637), Jan Janssens (1590, vers 1650). Le mouvement s'épuise après les années 1630.

Espagne

Le premier caravagesque est probablement Pedro Orrente (1580-1645) qui fait le voyage à Rome dans les années 1600. D'autres artistes vont suivre la même voie, comme Juan Bautista Maino, Pedro Nunez (vers 1614-1654).

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Hendrick Ter Brugghen

Zurbaran (1598–1664) était nommé « le Caravage espagnol » même s'il n' a jamais été en Italie et s'il n'a eu sans doute qu'une connaissance approximative de l'œuvre du maître. José de Ribera (1591 - 1652) reste un cas particulier, le peintre d'origine espagnole ayant fait la quasi-totalité de sa carrière en Italie.

Les développements

Le luminisme, à la fin de la première moitié du XVIIe siècle est un caravagisme dont la particularité se situe dans l’accentuation de la lumière dans l’atmosphère calme du tableau. Les couleurs deviennent chaleureuses avec la source lumineuse. Ses principaux représentants sont Georges de La Tour en France et Gerrit Van Honthorst en Hollande ; le Génois Luca Cambiaso en est le précurseur.

Dans le ténébrisme, apparu vers 1610, les contrastes d’ombres et de lumière sont plus violents, l’effet est plus sombre. Le courant des Tenebrosi, regroupés pour la plupart dans ce grand centre artistique qu’est Séville au « Siècle d’Or », est représenté par José de Ribera (1591-1652) ou Mattia Preti (1613-1699), peut-être influencé par le Napolitain Battistello Caracciolo, un des premiers caravagistes italiens. En effet, le royaume de Naples est alors sous domination espagnole et les échanges sont nombreux entre les artistes de l’un et l’autre pays. Francisco de Zurbaran (1598-1664) adopte un style ténébriste qui lui vaut le surnom de « Caravage espagnol » dans sa première période. Francisco Ribalta (1551-1628) s’illustre lui à Valence dans des peintures religieuses où l’influence du Caravage est très sensible.

D'après Wikipédia


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