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OGM : Marianne condamné pour diffamation envers Gilles-Eric Séralini

Publié le 11 janvier 2016 par Bioaddict @bioaddict
Le journal Marianne a été reconnu coupable de diffamation envers le professeur Gilles-Eric Séralini. En cause, les accusations de " fraude scientifique " et " résultats établis d'avance " portées contre l'étude sur l'OGM NK 603 parue en 2012. Cette étude a beau être validée une deuxième fois par une re-publication dans la revue scientifique Food and chemical toxicology, les témoins cités par la défense par Marianne ont parlé de " résultats biaisés " et d'" imposture ".

En septembre 2012, tout est allé très vite après la publication par le Comité de recherche et d'information indépendante sur le génie génétique (CRIIGEN) de l'étude montrant les effets spectaculaires de l'OGM NK 603 sur les rats (1), a rappelé le professeur de biologie moléculaire Gilles-Eric Séralini le 25 septembre 2015 devant la 17e chambre du tribunal de Paris. Les premières critiques ont été émises en 24 heures alors que la revue Food and chemical toxicology avait mis quatre mois à contrôler les 100 000 paramètres mesurés en deux ans de recherche. 100 000 paramètres qui font de cette étude, la plus détaillée sur le sujet. " La revue nous a félicité et a décidé de publier l'étude ", a expliqué le professeur Séralini.

La plus féroce des critiques, publiée dans le journal Forbes aux Etats-Unis, venait d'Henri Miller. Il accusait l'étude de " fraude scientifique " produisant des " résultats établis d'avance ". Le journal Marianne a repris à son compte ces accusations. " Sans citer la source Henri Miller et sans expliquer qu'il était un lobbyiste ", a reproché Gilles-Eric Séralini.

Henri Miller, employé pendant 15 ans de la Food and Drug administration (FDA) où il a été directeur de l'Office des biotechnologies, est connu outre Atlantique pour avoir soutenu l'industrie du tabac (2).

" De telles accusations ont un effet à l'université sur les étudiants et sur les subventions. Enfin, c'est une affaire de santé publique. La polémique doit rester claire et scientifique ", a demandé le professeur Séralini.

Pour sa défense, Jean-Claude Jaillette, rédacteur en chef de Marianne, a expliqué que le secrétaire de rédaction a supprimé la source - le journal Forbes - par manque de place et que lui-même n'a pu relire son texte, étant injoignable au moment du bouclage (sic). S'il se dédouanait ainsi sans en rajouter, ses témoins ont été virulents.

L'étude la plus détaillée au monde qualifiée d'" imposture "

Marc Mennessier, journaliste au Figaro, qui a annoncé d'entrée de jeu n'être ni scientifique ni capable de comprendre les études scientifiques, a critiqué la communication qui a entouré l'étude : " à ce degré d'intensité, je n'ai jamais vu ça ! ". Les photos des tumeurs de rats n'étaient " pas crédibles ", selon lui. Son explication ? " Il y a quelque chose chez Séralini qui tient du religieux ". " Avez-vous lu les réponses aux critiques publiées par l'équipe Séralini dans la revue ? ", a demandé la juge. " Oui ", a-t-il répondu. " Qu'en avez-vous pensé ? ", a poursuivi la juge. " Elles ne m'ont pas convaincu ", a commenté le journaliste. " Pourquoi ? ". Il s'embrouille, ne se souvient plus, tout cela est loin.

Selon Jean-Claude Pernolet, autre témoin cité par Marianne, qui fut scientifique à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), l'étude n'a rien prouvé. Les rats étaient " tous vieux et tumoraux ", ceux qui ont consommé des OGM allaient même mieux que les autres ! Il a évoqué des " résultats biaisés " et une " imposture ". Pour conclure, " l'orchestration de l'information " lui a semblé une " faute grave " qui " contribue à répandre des peurs ".
Ni l'un ni l'autre n'a appuyé ses propos sur des éléments concrets.

" On frappe quand on ne peut réfuter "

D'autres scientifiques, André Cicolella (toxicologue), le professeur Charles Sultan (endocrinologue), le docteur Joël Spirou de Vendomois, sont venus témoigner en faveur de l'étude. Ils ont rappelé la manière dont quelques personnes ont orchestré sans consultation une réaction conjointe des six académies en France (Médecine, Pharmacie, Vétérinaire, Science, Agriculture, Technologie) (3), les conflits d'intérêt aux sein des agences sanitaires et notamment de l'agence européenne, les manoeuvres de Monsanto au sein de la revue Food and chemical toxicology pour placer un proche (4) à un poste clef, l'inadaptation des tests menés pour obtenir les autorisations de mise sur le marché des pesticides, les attaques que connaissent les lanceurs d'alerte. Ils ont évoqué les nouvelles études du CRIIGEN qui expliquent pourquoi les rats développent des tumeurs et montrent que le RoundUp est toxique en dessous des seuils réglementaires. Cet été, le glyphosate, matière active de l'herbicide a été classée cancérigène probable par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Pourtant, le Round Up et les OGM qui y résistent continuent à être commercialisés dans l'indifférence médiatique.

Le professeur Sultan (6) a souligné que l'attaque contre l'étude " touche l'homme, l'institution et la recherche ". Sans argument. " On frappe quand on ne peut réfuter ", a t-il dit, citant Albert Camus.

La procureur générale avait demandé la relaxe, le Tribunal de Paris a condamné le 6 novembre le journal Marianne et le journaliste signataire, pour diffamation envers un fonctionnaire public et diffamation publique envers les chercheurs et envers le CRIIGEN.

Anne-Françoise Roger

(1)  Voir l'article "Oui les OGM sont des poisons" publié sur le site tempsreel.nouvelobs.com
(2) http://www.sourcewatch.org/index.php/Henry_I._Miller
(3) Lire l'article "L'étude de Séralini sur les OGM, pomme de discorde à l'Académie des sciences" sur le site http://leplus.nouvelobs.com
(4) https://www.independentsciencenews.org/science-media/the-goodman-affair-monsanto-targets-the-heart-of-science/
(5) Lire l'étude du CRIIGEN "Le premier bilan international indépendant de l'herbicide Roundup montre qu'il produit des effets toxiques en-dessous des taux réglementaires"
(6) Lire l'article "Les malformations génitales des garçons expliquées par les polluants" sur le site www.franceinfo.fr

A lire aussi (avec les vidéos et interviews à la sortie du Tribunal) : l'article "Le professeur Gilles-Eric Séralini remporte le procès en diffamation face à Marianne" sur le site france3-regions.francetvinfo.fr


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