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454ème semaine politique: François Hollande et la trouille face aux primaires.

Publié le 16 janvier 2016 par Juan

454ème semaine politique: François Hollande et la trouille face aux primaires.  

C'était un affront, un sortie de route, un scandale en pleine Hollandie. Même Sarkozy n'avait eu à subir la chose. La droite sait tenir son camp. La gauche est plus agitée, presque démocratique. Quelque part au beau milieu des voeux présidentiels que l'Elysée espéraient grandioses et graves comme la situation, une cohorte d'anciens soutiens, intellectuels, "sachants" et autres fortes voix réclamaient une primaire à gauche car François Hollande ne leur semble plus légitime à sa propre réélection sans validation démocratique par son camp d'origine.


A l'Elysée, on minimise, mais c'est le début d'un drame. 
En début de semaine, le quotidien Libération, peu suspect de vrauchisme, publie la tribune d'une cohorte d'anciens soutiens de Hollande qui réclament une primaire à gauche: Daniel Cohn-Bendit, Marie Desplechin, Romain Goupil, Yannick Jadot Thomas Piketty, Michel Wieviorka incarnent cette interrogation profonde, au centre comme à gauche, sur le sort erratique de François Hollande: "notre système politique est bloqué". Le constat est frappé de bon sens. La "gauche de gauche", formule impropre pour désigner quelques-uns qui n'ont pas varié dans leurs convictions malgré les évènements, se déchire aussi sur l'idée des primaires. Nombreux sont ses représentants qui, sous prétexte de refuser de jouer le jeu de cette monarchie présidentielle, prennent le premier tour d'une présidentielle pour une tribune d'expression quinquennale.
"Notre système politique est bloqué. Chaque jour, nos institutions, inadaptées et sclérosées, s’enfoncent un peu plus dans la crise. Faute de propositions satisfaisantes, de perspectives claires et de résultats tangibles, nos concitoyens sont nombreux à s’abstenir aux élections, quand ils ne s’abandonnent pas aux promesses insensées et au discours de haine du Front national. Trop souvent, nous nous contentons de voter "contre", pour éliminer l’"autre" candidat. Pire, nous ne votons pas, atterrés par la médiocrité de l’offre politique et son incapacité à se renouveler." (lire la suite)
Quatre jours plus tard, Martine Aubry applaudit dans ses voeux à la mairie de Lille à l'idée d'une primaire à gauche. "Elle cogne dur" contre Hollande, commente la presse. Elle cogne, mais elle ne rompt pas.
A l'Elysée, Gaspard Gantzer, le patron de la com' élyséenne, minimise ces appels à une primaire à gauche: "nous avons suffisamment de problèmes à régler et d’obstacles à franchir pour nous préoccuper de 2017."  Il explique aussi que Hollande "s'attendait" à pareille initiative de demande de primaire. . "Il y en a qui bossent", on connait la maxime. Faire croire que François Hollande, comme son prédécesseur au moment de son mandat, n'est pas en campagne, revient à prendre l'électeur pour un con et l'observateur attentif pour un ignare.
En fin de semaine, les meilleurs servis du quinquennat Hollande en demandent davantage. " Il faut un plan d’urgence audacieux pour l’emploi " écrivent-ils dans les colonnes du JDD. Cinq organisations patronales publient ainsi une tribune, une quasi-déchéance économique quand on mesure l'ampleur de la précarité du travail. La formule miracle de ces irresponsables employeurs est assez simple: "sécurisation pour un contrat de travail agile" (la formulation est belle ), "prévoyant un plafonnement des indemnités prud'homales lié à l'ancienneté du salarié, et des motifs de rupture liés à la situation de l'entreprise ou la réalisation d'un projet"; le non-paiement des cotisations patronales durant deux ans pour toute nouvelle embauche dans les petites entreprises ou le recours à un apprenti; ou encore une "facilitation des nouvelles formes d'activité indépendante" (pensez à Uber).
C'est un appel à davantage de flexibilité, et d'ailleurs pourquoi se gêneraient-ils ? Emmanuel Macron, qui s'est rasé cette semaine à l'occasion du bicentenaire de la Caisse des Dépôts et Consignations, n'a-t-il pas déjà beaucoup et facilement donné ? Dans les actualités diverses d'un gouvernement en fin de mandat, on lisait que le ministère de la Culture s'opposait à l'interdiction de la publicité sur les programmes jeunesse de France Télévisions; qu'EDF supprimerait plus de postes que promis à sa tutelle; que la ministre de l'Ecologie venait en défense du constructeur automobile national accusé de tricheries à la mesure anti-pollution...
Quelle France !
Imperturbable, Hollande poursuit ses vœux - aux forces de sécurité puis aux "corps constitués" (le 13), aux armées (le 15) puis aux "territoires" (le 16, en Corrèze). Il ignore les remous de la capitale et la fracture supplémentaire et peut-être décisive qu'il a créé avec cette révision constitutionnelle. Il lâche quelques petites promesses et autres cadeaux de fin de mandat. Il explique ainsi qu'il veut généraliser le service civique chez les 16-25 ans (la belle idée !). Les heureux élus, pour un peu plus d'un RSA (573 euros par mois) font des travaux d'intérêt général. le budget de l'opération sera porté de 300 millions d’euros à un peu plus de 1 milliard en 2018, c'est-à-dire après l'élection présidentielle. Les promesses sur un futur qu'on ne maîtrise pas n'engage que ceux qui les croient.
Les vœux ne sont pas sans risque. Christiane Taubira en fait les frais lors de la rentrée solennelle de la Cour de Cassation le 14 janvier.  Les magistrats font part de leur indignation à leur tour. Christiane Taubira ne moufte pas quand elle écoute l'un des plus hauts magistrats de France, Bertrand Louvel, s'étonner que la Justice ait été "évitée" dans la préparation des lois anti-terroristes. Dans un communiqué envoyé à la Garde des Sceaux, les magistrats ajoutent: "La France ne saurait sacrifier les valeurs fondamentales de sa justice, au motif qu’un manque cruel et ancien de moyens l’a affaiblie".
Pour l'actuel président qui voulait marquer sa différence avec son prédécesseur agité, la charge est rude. Un quotidien du soir, Le Monde, enfonce le clou. Il relate, ce mercredi, l'étonnante conversion de François Hollande à l'extension et sa constitutionnalisation de la déchéance de nationalité. On imagine la réaction du conseiller ès communication, le jeune Gaspard Gantzer quand il a découvert dans un journal peu suspect de complicités gauchistes cette "histoire d’un président, d’ordinaire des plus prudents, élu comme social-démocrate mesuré et tempéré, qui aborde néanmoins la fin de son mandat en assumant la constitutionnalisation d’une mesure ouvertement empruntée à la droite extrême et à l’extrême droite, la déchéance de nationalité pour les binationaux nés français."
L'actualité reste grave, et Hollande se retranche derrière elle pour ignorer les contestations de son propre camp. Il commente tout, il réagit sur tout. A Marseille, l'agression d'un professeur d'une école juive portant la kippa par un jeune de 16 ans muni d'un hachoir lance un curieux débat sur le port de la kippa. "Il est insupportable dans notre pays que des citoyens se voient inquiétés, agressés, frappés en raison de leurs choix religieux" commente le président. Mercredi, le Conseil des ministres décident la dissolution de trois associations salafistes installées en France: « Retour aux sources », « Le retour aux sources musulmanes » et « Association des musulmans de Lagny-sur-Marne ». Jeudi, le huitième terroriste des attentats de Paris en novembre a été identifié, un Belgo-marocain de 25 ans. Le même jour, la mort accidentelle de deux adolescents lors d'une sortie en ski dans les Alpes envahi les écrans médiatiques - Hollande exprime "la solidarité de la Nation". Vendredi une attaque terroriste frappe Burkina Fasso, tuant une trentaine de personnes. Al Qaïda et Daech, les deux multinationales concurrentes du terrorisme djihadiste, ignorent les frontières, les nationalités, les religions quand elles commettent leurs atrocités.
L'actualité est grave mais des nouveaux sondages démontrent que l'effet "attentats" a disparu. Même Manuel Valls est crédité d'une meilleure crédibilité pour l'élection présidentielle que François Hollande. Alain Juppé, le chouchou des enquêtes sondagières, culmine à deux fois la popularité de Hollande. Il écrase, il pulvérise, il déchire. L'UMP lance ses primaires, le calendrier est publié. Le centre-droit retrouve son camp naturel. Et les partisans du Palais réalisent avec effroi que l'OPA "moderniste" sur le centre-droit par un candidat élu avec les voix de gauche sera finalement vouée à l'échec. Vendredi, l'hebdomadaire Marianne publie un appel ... contre le duo Sarkozy/Hollande.
"Contre la catastrophe programmée, il est temps que les paroles se libèrent et relaient une demande générale en faisant passer le message : ni re-Sarkozy ni re-Hollande, que ces deux-là, avec tous les honneurs, passent la main" Jean-François Kahn.
Sarkozy ? Qui se souvient de Sarkozy ? L'homme qui a désorganisé le renseignement, réduit les forces de police et de sécurité de 10.000 personnes, cet ancien monarque a disparu des radars politiques. Il parait qu'il n'est pas inquiet. Qu'il va repartir sillonner la France pour "renouer le contact avec les Français en toute simplicité". Cet homme a toujours été le moins bien placé pour réaliser ce qui lui arrivait. Rappelez-vous la campagne de 2012 qui démarra quelque part vers 2010. Sarkozy a des soutiens qui espèrent le voir abandonner la présidence de l'UMP-LR pour se consacrer rapidement à des primaires à droite... En cause, sa dégringolade dans les sondages. Semaine après semaine, Juppé écrase toujours ses rivaux à droite dans les les sondages. Et les centristes lui cèdent volontiers le terrain.
2017 n'aura rien à voir avec 2007 mais personne ne l'a encore expliqué à Nicolas Sarkozy. Lequel ressort une à une ses vieilles recettes de spectacle: expliquer qu'il a "compris" et "changé"; qu'il cherche le contact "simple" et "direct" avec les Français; ou jouer au faux discret et se plaindre de l'attention médiatique qu'on lui porte.
Samedi, le citoyen transformé en téléspectateur avachi peut se satisfaire d'un nouveau spectacle. Manuel Valls s'annonce dans l'émission "On n'est pas couché" de Laurent Ruquier. Le talk-show, pâle et ricaneuse copie de l'excellente émission de l'humoriste américain Jimmy Fallon, accueille un premier ministre avec délectation.
Un dernier sondage devrait régaler celles et ceux qui justifient la déchéance de nationalité au motif de sa popularité sondagière: quelque trois quarts des sondés réclament une primaire à gauche.
Parmi les sympathisants de gauche, le score grimpe à 86%.
Amen.


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