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Jacques Brel me fit étudier…

Publié le 19 janvier 2016 par Jacquesmercier @JacquesMercier

Comment on apprend à avancer dans la vie… Alors que je rédige mes mémoires, je me souviens de moments essentiels, même si sur le moment ils ne le paraissent pas. Ainsi cette interview de Jacques Brel en 1965. Il fut ma première interview quand j’avais 14 ans, je le retrouvai plusieurs fois dans les coulisses de ses concerts, et puis une première fois dans l’exercice de mon métier d’animateur radio… avec un vrai trac, cette fois, conscient de l’importance de la rencontre.

« Début 1965, je rencontre, c’est la première fois depuis que je suis devenu animateur de radio – et pas la dernière -, Jacques Brel. Le rendez-vous est fixé chez lui, une belle maison près du boulevard qui mène à Zaventem. Sa femme, Miche, m’accueille et m’installe avec deux ou trois jolies jeunes femmes dans le living, coquet avec une mezzanine qui fait le tour de la pièce. Comme on le fait souvent, on a regroupé quelques demandes d’interviews et ce sont des journalistes de magazines féminins, belles comme il se doit et qui m’intimident, moi qui suis justement « timide ». On nous prévient que Jacques Brel est rentré tard dans la nuit et qu’il faudra que l’on patiente.

Vingt minutes plus tard, apparaît à la mezzanine Jacques Brel en peignoir, qui vient s’excuser lui-même. Il vient de se réveiller. Il regarde qui l’attend et voit évidemment ce parterre de jolies filles et moi. Une minute plus tard, il descend l’escalier, toujours en peignoir… mais comme il est provocateur, il le laisse entrouvert son peignoir rouge et est complètement nu en dessous. Les filles rient et l’embrassent, je suis le plus gêné et rouge pivoine ! Il s’assied près de moi et commence par mon interview. J’enregistre, mais je suis mal à l’aise. Heureusement, je peux le laisser présenter les disques qu’il a choisis : Brassens, Trenet, Nougaro et Gainsbourg dont les premiers disques étaient récents, mais aussi de la musique classique…

Ici je dois vous raconter deux choses :

La première est que la voix est ce qui nous trahit le plus : Or, la peur rendait ma voix détimbrée… A un moment, au milieu de l’interview, Jacques Brel me dit : « Dites, Monsieur, vous ne dites pas grand-chose ? » Je réponds d’une voix de tête « Non » Il continue : «  Je ne vous fais pas peur au moins ? » Je m’entends répondre « Si, un peu ! »

La deuxième est que lors de son choix de musique classique il m’a bluffé ! Il avait choisi Paul Dukas, Maurice Ravel, un extrait du Concerto de la main gauche, mais le largo dans la version de Samson François, pas une autre, etc. J’étais scié, sidéré : un chanteur dit de variétés connaît donc tout cela ! Il ne fallait dès lors jamais coller des étiquettes, ni se fier aux apparences ! Cela fut comme un électrochoc. Si les personnes que j’interviewe connaissent tout cela, il faut que j’étudie tout cela aussi ! (Plus tard, je sus qu’ils n’étaient pas si nombreux finalement dans ce cas !)

Je suis sorti de chez Brel, me suis rendu dans la première grande librairie que je connaissais, et j’ai acheté dans la collection « Que sais-je ? » tout ce qui musicalement m’était assez étranger. Ces livres sont toujours dans ma bibliothèque : le solfège, l’opéra, l’opérette, la musique classique française, etc. Pendant deux ans environ, tous les soirs où c’était possible en semaine (j’étais fiancé et je ne la voyais que le WE, pas encore marié – car il fallait attendre que passent les six premiers mois du service militaire) je lisais, prenais des notes comme à l’école – ce que je fais toujours aujourd’hui – et j’écoutais sur mon Teppaz les 33 tours que je pouvais emprunter à la discothèque de programmation de la RTB…

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