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Le Garçon et la Bête, de Mamoru Hosoda

Par La Nuit Du Blogueur @NuitduBlogueur

Note : 3,5/5 

Du cinéma d’animation japonais on connait surtout les productions du studio Ghibli et de ses deux fondateurs : Isao Takahata et Hayao Miyazaki. Ce qui est normal quand on sait que ce sont ces deux maitres qui ont développé l’animation au format de long-métrage dans un Japon dominé par une production de séries animées pour la télévision. Cela dit, depuis quelques années sortent dans nos salles quelques bijoux d’animation qui ne sont pas issus de la maison Ghibli. Mamoru Hosoda est sans aucun doute le nouveau maitre du cinéma d’animation japonais. Après nous avoir enchantés et émus avec Les enfants loups, Ame et Yuki, il revient avec un conte sur l’apprentissage, l’éducation et la découverte de soi.

Le Garçon et la Bête

Copyright Gaumont Distribution

Le film raconte l’histoire d’un garçon humain qui vient de perdre sa mère et décide de fuguer plutôt que d’aller vivre dans une famille d’accueil. Un soir il rencontre une sorte d’ours venu du monde des bêtes et décide de le suivre pour échapper à la police qui le pourchasse. Il va alors se retrouver dans un monde parallèle dans lequel deux bêtes doivent bientôt s’affronter pour désigner le successeur du grand maitre. Le jeune garçon va alors devenir le disciple de la bête Kumatetsu qu’il a suivie. Celle-ci le renommera Kyuta. La relation sera très tendue au début : Kyuta est très têtu, Kumatetsu n’a aucune pédagogie et zéro patience. Mais à travers cette relation conflictuelle, les deux personnages vont apprendre l’un de l’autre et finir par s’apprécier. 

Comme dans son précédent film, Mamoru Hosoda explore les difficultés de l’éducation, surtout dans la différence. Kyuta, orphelin, est à la recherche d’un mentor, d’un père de substitution. Aussi lorsqu’il rencontre Kumatetsu il entrevoit la possibilité de cette relation. Kumatetsu de son côté ne prend pas Kyuta comme disciple par envie mais pas nécessité. En effet le grand maître a exigé qu’il ait un disciple s’il veut pouvoir prétendre au trône. La relation est donc vouée à l’échec car Kumatetsu n’a rien des qualités que Kyuta aimerait qu’il ait ; de son côté le jeune garçon n’est pas le disciple débrouillard et autodidacte que la bête aurait voulu. C’est autour de cette relation dysfonctionnelle que le film va se construire.

Le scénario est très riche, et aborde plusieurs thèmes. Il est évident que le moteur du film est le garçon, et l’histoire se focalise sur les relations qu’il va nouer dans sa croissance et la façon dont il se développe, compte tenu des événements qui lui sont arrivés. Il a perdu sa mère, son père les a abandonnés, il grandit dans un monde auquel il n’appartient pas et où il aura donc du mal à se faire de amis par l’unique fait de sa nature humaine. Mais le titre du film n’est pas Le Garçon et la Bête pour rien car Kumatetsu n’est pas un personnage secondaire mais le second personnage principal. Cette bête qui a grandi sans modèle, qui s’est construit seul et qui voulait former un apprenti sans connaître les codes de l’apprentissage va vite découvrir qu’il a sûrement autant à apprendre de Kyuta que Kyuta de lui. On va assister à sa lente transformation, d’un ours mal léché qui n’a de respect que pour lui-même, il va s’attacher au jeune garçon et s’inquiétera lorsque, adolescent, Kyuta retournera dans le monde des humains, curieux de rencontrer ses semblables.

Le film traite également de la noirceur de certaines émotions humaines. Dans son film, Mamoru Hosoda distingue les humains des bêtes par la noirceur que peut prendre l’âme des humains. Les bêtes ne peuvent pas se retourner les uns contre les autres et sont incapables de s’entre tuer. De ce fait lorsque Kumatetsu impose Kyuta comme son nouveau disciple, toutes les bêtes sont contre l’idée d’accueillir un humain parmi eux qui pourrait devenir dangereux. Evidemment le danger ne viendra pas de Kyuta, mais d’un autre humain qui vit incognito parmi les bêtes sans être lui-même conscient de sa condition d’humain. Le véritable danger n’est donc pas la possibilité de la noirceur, mais l’ignorance de celle-ci. Une émotion négative peut être contrôlée uniquement si l’on a conscience que celle-ci existe et qu’elle peut s’emparer de nous. Rien de nouveau sous les étoiles me direz-vous mais Mamoru Hosoda nous offre ses leçons de vie dans une parfaite maîtrise de son sujet et sans jamais juger aucun de ses personnages.

Il y a une belle recherche dans l’animation de ce film. Comme à l’accoutumé dans les productions japonaises, le trait est épuré et les personnages ne s’embarrassent que de peu de détails. Tout se passe dans la subtilité sauf lorsqu’il s’agit des mimiques grossières des personnages. C’est peut-être là que le bât blesse quelque peu. L’animation de ce film – quoique bien plus aboutie – ressemble énormément à de l’animation télévisuelle. C’est dommage, d’autant que l’utilisation de l’animation 3D pour certains mouvements de caméra ainsi que pour l’animation d’une scène finale épique marche à merveille.

On peut lire un peu partout que Mamoru Hosoda serait le nouveau Miyazaki. Si par cette affirmation on entend que le réalisateur est le nouveau grand maitre de l’animation japonaise, soit. Il est vrai que même si le domaine est fleurissant, peu d’auteurs sont aussi inspirés que Hosoda. Mais la comparaison s’arrête là. En effet, que ce soit dans l’animation ou dans les thématiques et les réflexions sur l’être humain, les deux réalisateurs sont totalement opposés.

Le Garçon et la Bête 2

Copyright Gaumont Distribution

En définitive, si vous aimez l’animation japonaise, que les précédents films de Mamoru Hosoda vous ont emballés et que les histoires de mentor et d’élève vous intéressent, alors foncez voir Le Garçon et la Bête.  

Anatole Vigliano

Film en salles depuis le 13 janvier 2016


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