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Encore une canne de compagnon trafiquée en vente aux enchères !

Par Jean-Michel Mathonière

Un ami et collaborateur régulier de ce blog nous a signalé, une nouvelle fois, une canne de compagnon douteuse parmi les lots d'une vente aux enchères qui aura lieu le samedi 13 février à Bergerac.

La canne elle-même est authentique. Il s'agit d'un modèle classique, datant de la fin du XIXe ou du début du XXe siècle, fabriqué par Proud à Oullins. Mais, comme il est assez fréquent pour cette période, cette canne aura été privée lors du décès de son propriétaire de la pastille portant le nom du compagnon, sa date de réception dans le Devoir et l'emblème de son corps compagnonnique. Et une canne sans pastille compagnonnique, cela n'a plus autant de valeur ! La tentation est grande alors pour les margoulins de tout poil de réaliser une nouvelle pastille : petit investissement à très forte rentabilité.

C'est ce qui s'est passé ici… mais la compétence n'était vraiment pas de la partie ! Car nous voici avec un blason réellement extraordinaire où la besaiguë des charpentiers s'entrecroise avec le compas (jusque là, c'est normal)… et avec l'équerre à onglet caractéristique des menuisiers, en lieu et place d'une équerre simple ! Personnellement, j'aurais trouvé assez seyant d'y ajouter une truelle afin d'aller un peu draguer aussi du côté des compagnons maçons… ou bien un arrosoir pour les compagnons jardiniers-paysagistes !

Encore une canne de compagnon trafiquée en vente aux enchères !
Capture d'écran depuis le site www.interencheres.com. D.R.

Par ailleurs, si le nom de ce compagnon peut effectivement, d'après sa forme, être celui d'un compagnon charpentier du Devoir (Gascon la Bonne Conduite) mais non celui d'un compagnon menuisier du Devoir, l'indication A.O.C.D.T.F. (pour Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France) en guise de société compagnonnique est elle-aussi totalement incrédible : non seulement, à cause de la date de création de cette dernière (1941) qui n'est guère cohérente par rapport à l'ancienneté du modèle de canne, mais aussi et surtout du fait que l'AOCDTF ne constitue pas à proprement parler un corps compagnonnique. Ce sont d'autres lettres qui auraient dû être présentes en lieu et place de celles-ci, pour désigner le corps de métier et non le mouvement compagnonnique. L'indication de l'année de réception aurait été également la bienvenue…

Bref, encore une canne de compagnon trafiquée en vente aux enchères ! Quand donc les commissaires-priseurs feront-il appel à des experts compétents en ce sujet ? Ou les margoulins à d'authentiques compagnons faussaires ;) ?

Encore une canne de compagnon trafiquée en vente aux enchères !

L'homme pense parce qu'il a une main. Anaxagore (500-428 av. J.-C.)


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