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Sculpte, lime, cisèle…

Publié le 16 février 2016 par Frontere

Sculpte, lime, cisèle…" Un intellectuel assis va moins loin qu'un con qui marche " fait dire Michel Audiard à l'un de ses personnages¹. Notez que si ce con est un homme, un vrai, c'est mieux. En tous cas, l'assertion pourrait s'inscrire dans la réflexion (continue) sur l'art de Franck Maubert, qui n'en demande certainement pas tant... Il vient de consacrer un brillant essai biographique à l'œuvre d'Alberto Giacometti L'Homme qui marche - l'artiste en réalisera plusieurs versions- et à sa réception.

Une commande serait à l'origine de la sculpture, nous sommes en 1946 : il s'agit de rendre hommage à Gabriel Péri, le Résistant communiste fusillé au Mont-Valérien cinq ans auparavant. Maubert attendra 1973 pour la découvrir lors d'une virée de jeunesse à Saint-Paul de-Vence où il visitera l'exposition " Le Musée imaginaire d'André Malraux ". Depuis, cette œuvre métaphorique n'a cessé de le hanter jusqu'à appartenir définitivement à son paysage intérieur ; parfois, face à elle, il s'est trouvé plongé dans un état quasi hypnotique.

La couverture du livre (une photo de Cartier-Bresson) figure un homme dans son dénuement, sa souffrance, sa solitude, et pourtant il marche. Quel est le propos de l'artiste ? Fixer la mobilité ! Insuffler l'élan de la vie dans sa statue. Charles Baudelaire haïssait "le mouvement qui déplace les formes", pour sûr il aurait adoré.

Certains ont vu dans L'Homme qui marche un déporté, d'autres une évocation des évadés de Dachau, Jean-Paul Sartre une illustration de l'existentialisme ( l'Être et le Néant est paru en 1943). Autant de fausses pistes, Giacometti les a toutes démenties. Il aurait surtout voulu se confronter en son atelier de Montparnasse à Rodin, celui de... l'Homme qui marche (1907).

" Sculpte, lime, cisèle "², on se souvient de l'injonction de Théophile Gautier à l'Artiste.

Dessinateur, peintre et sculpteur, inspiré par l'art étrusque et la statuaire égyptienne, Alberto Giacometti, lui, aura fait accomplir, sinon un petit pas à l'homme, du moins un grand pas à l'art contemporain. Il n'était pas inutile que Maubert nous le rappelât.

→ Franck Maubert, L'Homme qui marche, Fayard, 132 p., 17 €

¹Dans Un taxi pour Tobrouk, 1961
² Cf. Théophile Gautier, " Émaux et Camées ", dernier poème du recueil : L'art

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Sculpte, lime, cisèle…

À propos de mfrontere

Auteur " Ce que le passé nous réserve ", éditions Portaparole, Rome, mars 2015, 14 €

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