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Les réseaux sociaux, un levier mal exploité face au déclin de la France sur le marché de l'art

Publié le 16 février 2016 par Alexia Guggémos @alexia_guggemos

Les réseaux sociaux, un levier mal exploité face au déclin de la France sur le marché de l'art

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Les réseaux sociaux, un levier mal exploité face au déclin de la France sur le marché de l'artLes réseaux sociaux, un levier mal exploité face au déclin de la France sur le marché de l'art

La France n'a pas pris massivement le virage des réseaux sociaux dans le marché de l'art contemporain contrairement aux Etats-Unis ou à la Chine. Pourquoi une telle frilosité? Décryptage des résultats de l'étude "Marché de l'art et Web social en 2016" menée par l'Observatoire du Web social dans l'art contemporain que je dirige, et qui sera présentée mardi 15 mars 18h à l'Ecole nationale supérieure des Arts Décoratifs, Paris.

A la 4ème place du marché de l'art, la France ne pèse plus que 2% du produit de ventes aux enchères en 2016 selon les chiffres fournis par la société Artprice. Alors qu'elle occupait 60% du marché il y a 50 ans. Le constat est alarmant, et la situation est loin de s'inverser, comme le montre l'analyse réalisée par l'Observatoire du web social dans l'art contemporain, la 1ère du genre. Les leviers que pourraient représenter le Web social sont en effet entravés par bon nombre de résistances : ignorance des pratiques, peur de la transformation digitale, méfiance quant au non respect du droit d'auteurs, budget de community management perçu comme une charge, manque supposé de retour sur investissement... Alors que le marché chinois se structure et facilite l'émergence de nouveaux collectionneurs, la France reste campée sur ses anciens modèles -hormis une poignée d'initiatives.

Parmi l'ensemble des réseaux sociaux, Instagram s'affirme en 2016 comme le média de prédilection de tous les acteurs du marché de l'art. Avec 400 millions d'abonnés, le réseau de partage d'images et de vidéos (racheté par Facebook en 2012) est passé devant Twitter en nombre d'utilisateurs en 2015. En janvier 2016, Instagram a lancé son compte FR dédié à la communauté francophone. Un espace d'expression visuel et désormais littéraire donnant raison à la maison Christie's d'avoir ouvert fin 2015 en plus de son compte international un compte dédié au marché français.

Or, malgré une progression de +25% sur Instagram en 2015, seuls 33% des artistes français y sont présents (d'après un panel des 1000 artistes français ou vivant en France étudiés depuis 2011 par l'Observatoire). Plasticiens, photographes et designers y commentent leurs travaux et savent manier habilement les hasthags. Certains artistes comme Xavier Veilhan (4000 ou 4K abonnés) y publient des photos d'atelier et des œuvres fraîchement réalisées, d'autres s'adaptent au format carré et à la présentation en triptyque à l'instar de Matali Crasset (6K). Quant à Claude Closky, par exemple, il utilise son compte pour parodier les marques et les codes e-marketing faisant de son mur une œuvre à part entière. Mais les artistes français sont loin des performances de Yoko Ono ou de Jeff Koons qui, avec respectivement 218K et 125K d'abonnés à leur compte, ont su trouver-là une vitrine à l'échelle mondiale et un territoire d'expression.

Les galeries d'art contemporain en France se mettent elles aussi trop timidement aux réseaux sociaux. "Je me suis vue reprocher d'être trop communicante, un comble!", sourit aujourd'hui Magda Danysz qui a ouvert son compte Twitter dès... 2009 et qui compte aujourd'hui près de 2,5K abonnés. Pionnière en France, elle a su orienter sa communication digitale de façon adaptée, en fonction des communautés et des usages, la faisant évoluer à Shanghai vers une présence sur Weibo et WeChat. La gestion de cette visibilité est confiée à ses équipes sur place car cette présence suppose une connaissance fine des influenceurs. Les galeries d'art françaises sont très en retard dans ce domaine. Parmi les galeries membres du Comité Professionnel des Galeries d'Art, près de 50% sont sur Twitter tandis que les galeries britanniques y sont actives à plus de 85%. Or, sur le Web social, les premiers entrants sont toujours avantagés, les communautés se construisant sur la durée. Il est donc recommandé de s'y mettre dès que possible.

Les collectionneurs quant à eux, sont-ils plus actifs? Sans aucun doute! Ils surfent, consultent les comptes, likent... et achètent de plus en plus sur le Net. Les ventes aux enchères "online only" -c'est-à-dire uniquement en ligne- ne cessent de progresser, rendant la présence sur les réseaux sociaux primordiale. "Nous avons élargi en 2015 notre clientèle avec 30% de nouveaux acheteurs, précise Patricia Barbizet, la présidente de Christie's. Et 13 % des acquéreurs ont réalisé leur transaction sur la Toile." Les maisons de vente Sotheby's et Christie's ont fait une progression fulgurante sur Instagram en 2015, atteignant les 211K et 150K au rythme de +15% par mois. On aime mais on n'achète pas pour autant. Néanmoins, selon Artprice, 64% des lots adjugés dans le monde sont partis à moins de 4500 euros, signe d'une forme de démocratisation. Preuve que les prix records annoncés de certaines ventes publiques ne représentent qu'une infime partie des transactions.

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Les écoles d'art ont un rôle à jouer dans la prise de conscience de l'importance des réseaux sociaux. Une chance à saisir pour l'avenir! Enseigner leur usage aux étudiants devrait devenir une priorité. Il y va de leur insertion professionnelle. D'où l'opération Art Students Week que je lance actuellement auprès des écoles d'art. Les étudiants sont invités à poster les images de leurs travaux sur leur compte Instagram en utilisant le hashtag #ArtStudentsWeek. "Chez Instagram, nous sommes sensibles à l'initiative Art Students Week. Instagram démocratise véritablement le monde de l'art en donnant la parole à tous les esprits créatifs. Avec ce projet, la plateforme devient la vitrine de talents émergents", explique Amina Belghiti, Directrice marketing Instagram France. L'heure n'est plus au débat sur la question de savoir si un artiste doit être un communicant. Pour les artistes de la génération digital natives, c'est une évidence. Encore faut-il que l'ensemble de l'écosystème s'y mette pleinement!

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