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459ème semaine politique: la fin de Sarkollande

Publié le 20 février 2016 par Juan

459ème semaine politique: la fin de Sarkollande

Donnons-lui un peu de courage puisqu'il n'est jamais aussi bon que lorsqu'il se sent acculé. Acculé, Nicolas Sarkozy l'est assurément. Cette semaine, il a été même mis en examen. Pour Hollande, c'est la fin d'une histoire, et d'un espoir.

Est-ce enfin la fin de Sarkollande ?


Nicolas Sarkozy avait quelques soucis, son retour n'a pas démarré comme espéré. Pour son élection à la présidence de l'UMP, il n'a obtenu que 60% des suffrages exprimés, sur fond d'abstentions massives. Il a ensuite tout fait - et c'est pas fini - pour reprendre en main le parti: conventions thématiques sur des thèmes qu'il a choisi; manipulations des éléments de communication, reprise en main de l'appareil, éviction des récalcitrants des instances dirigeantes (NKM). Il a même changé le nom du parti pour mieux faire table rase des casseroles du passé.

Mais ça n'a pas suffit.
Si François Fillon a (provisoirement) jeté l'éponge, Jean-François Copé vient d'annoncer sa candidature aux prochaines primaires de la droite; il rejoint Nadine Morano, Hervé Mariton, Nathalie Kosciusko-Morizet et, bien sûr Alain Juppé. L'ancien fidèle de Jacques Chirac, le faux souriant et vrai sérieux s'est construit une image de la Hollande de droite qui fait fureur dans les sondages. Juppé est devenu l'anti-thèse de Sarkozy: serein, conciliant, et républicain. Pire, quelques récents promus sarkozystes quittent le navire.

Sarkozy a voulu reprendre son antienne extrême-droitisante, coller à une opinion qu'il juge radicalisée sur des valeurs de repli et d'exclusion. Sarkozy ne triangule plus, il copie le Front national... en vain. Bousculé par un Hollande qui met en pratique la politique socio-économique qu'il a tenté en vain de mettre en oeuvre entre 2007 et 2012 (réduction de charges, etc.), il s'est cru autorisé à creuser ce sillon de la droite furibarde décomplexé, celle qui braille contre l'invasion des migrants et l'assistanat social si fort qu'elle fait régulièrement tousser ses alliés centristes.

Mais ça n'a pas suffit.
On attendait l'UMP plus victorieuse encore, compte tenu du délabrement hollandais. La victoire aux élections régionales a été arrachée de justesse. Il a fallu le désistement du parti socialiste dans deux régions majeures, le Nord et la Provence, pour éviter une déroute. Et Marine Le Pen, malgré des déboires judiciaires et des déchirements familiaux qui font des chroniques frontistes une caricature de Dallas fascisante, continue son ascension sondagière et électorale. Le FN progresse, les Républicains stagnent, l'abstention reste massive.

Il a écrit un livre, de sa main. Il a fait inonder les librairies de France d'exemplaires de son bouquin. Il est allé sur les plateaux de télévisions les uns après les autres confesser que ses déambulations sur le ponton d'un yacht de milliardaire quelques jours après sa victoire de 2007, son effarant dîner au Fouquet's ou son insulte à un visiteur du Salon de l'Agriculture étaient des fautes. Sarkozy à confesse ? L'effort était surhumain. Et pourtant, cela n'a pas suffit.

Le cirque sarkozyste est peut-être enfin en passe de faire faillite.

Nicolas Sarkozy a été mis en examen. Il a fraudé les règles de dépenses électorales.

Il a triché.

On s'interrogeait déjà sur les sources de financement de sa campagne en 2007 (l'autre affaire Bettencourt, puis celle sur les fonds libyens), voici celles de 2012 qui interrogent l'opinion et la justice depuis que son directeur de campagne ait avoué un dépassement illégal et faramineux de quelque 19 millions d'euros. C'est la fameuse affaire Bygmalion, dont Nicolas Sarkozy tout président qu'il fut déclare ne rien savoir. Après près de douze heures d'interrogatoire mardi 16 février, Nicolas Sarkozy est ressorti mis en examen pour "financement illégal de campagne électorale pour avoir, en qualité de candidat, dépassé le plafond légal des dépenses électorales".

Dans le froid parisien, l'avocat de l'ancien monarque expliqua sa " satisfaction de voir que le droit a été établi et qu'aucun fait lié au dossier dit Bygmalion n'est reproché à Nicolas Sarkozy" . Il fallait sourire de cette tentative de positiver. Le patron de l'hebdomadaire de la droite furibarde Valeurs Actuelles voyait dans cette inculpation un manœuvre politique juste avant l'élection présidentielle. Nicolas Sarkozy est l'ancien président qui compte assurément le plus de proches - directeurs de cabinet, conseillers, directeur(s) de campagne, ou ministres - mis en examen. Quel champion !

La mise en examen de Nicolas Sarkozy est une catastrophe pour l'ancien monarque. Si le procès intervient avant le Grand Scrutin, l'homme en ressortira meurtri. L'image des prétoires se concilie mal avec celle des campagnes électorales. Si le procès tarde, Nicolas Sarkozy sera le seul homme politique multi-inculpé à faire campagne. Il peut croire, avec quelques proches, que les électeurs s'en fichent. Il se trompe.

Cette fin prématurée de Nicolas Sarkozy est aussi une mauvaise nouvelle pour l'équipe du candidat Hollande. Car François Hollande, évidemment, espérait finalement retrouver son meilleur adversaire au premier tour du Grand Scrutin de 2017. Truffé de tics idéologiques, abîmé par son bilan si proche, clivant à souhait sur sa simple personne, Nicolas Sarkozy est un objet de foire politique qui réjouit les commentateurs et effraie l'électorat. Comme les grandes stars déchues, Sarkozy a son coeur de fans radicalisés. Pour Hollande, ce pain était béni.
La route vers un second mandat se brouille encore davantage avec cette réforme du Code du travail portée par une charmante ministre beurette que certains ont cru moderne et un tantinet gauchiste grâce à son parcours passé. Myriam El Khomri accumule les bourdes pour nous lâcher aujourd'hui une loi digne du Comité des Forges de Pierre Gattaz. Sur les ondes, la droite applaudit, Pierre Gattaz se félicite. La gauche, ou ce qu'il en reste, est sidérée. Même Jean-Christophe Camdélis, le prudent secrétaire du PS, concède qu'il ne votera pas le texte de loi en l'état. Après la loi sur le Renseignement, la déchéance de nationalité dans la Constitution, le Pacte irresponsable, l'accord ANI, la réforme des retraites, et quelques autres stupéfactions, l'extension du travail le dimanche Hollande nous livre à peine un an avant l'heureuse fin de ce mandat si pénible une réforme du code du travail que Nicolas Sarkozy n'avait réussi à mettre en oeuvre: baisse de la rémunération des heures supplémentaires, légalisation des forfaits jours même sans accord collectif, légalisation des heures supplémentaires imposées en cas de hausse de commandes, référendums sur les accords d'entreprise...

459ème semaine politique: la fin de Sarkollande

"La loi El Khomri va dans le bon sens". Jean-François Copé.

"Tout ce que je veux, c'est non pas remettre en cause des droits, les droits vont être respectés. Je veux qu'il y ait plus de négociation collective, je veux qu'il y ait plus de souplesse, plus de sécurité, plus de visibilité." François Hollande

Alors que quelques 700 000 chômeurs de plus et 30 à 50.000 destructions d'emplois trimestrielles en 2014, il se trouve encore des gens, y compris à l'Elysée, pour penser qu'il est " difficile de licencier". Si le mensonge politique était passible de déchéance de nationalité (après tout, il s'agit là d'une atteinte aux "intérêts fondamentaux de la Nation", n'est-ce pas ?), une jolie fraction de nos responsables seraient désormais apatrides. "Sous ce quinquennat, les salariés ont perdu des droits" rappellent ce 20 février quelques élus et responsables de la (vraie) gauche. Et on a peine à voir où se loge la fameuse amélioration des droits des salariés dans la loi El Khomri.

Vendredi 19 février, François Hollande est sur France inter, radio de service public. L'émission, historique, s'appelle " le téléphone sonne". Il a un peu sonné. François Hollande paraissait sonné. " Mais êtes-vous encore de gauche, François Hollande ?" demande son hôte. Hollande bafouille sa réponse. "Je suis président de tous les Français, je suis, je ... hum, je représente tous les Français". Il poursuit mais il faut deux relances du journaliste pour que Hollande explique: "toute ma vie est celle d'un homme engagé à gauche". Il bafouille encore.

Et conclut: "mon engagement n'a pas changé".

Vraiment ?


"Monsieur le Président, êtes-vous encore de... par franceinter

Ce soir-là, Hollande rappelle qu'il ne se représentera pas si le chômage ne baisse pas. Faut-il croire l'homme après tant de revirements ? La nouvelle, si elle était respectée, permettrait d'autres reconstructions. Mais entretenir le doute sur une candidature est un jeu connu, facile et par ailleurs sans intérêt ni effet. On se souvient de Sarkozy en février 2012, dont l'officialisation d'une campagne entamée deux années auparavant avait fait sourire l'assistance. En 2015, le nombre d'emplois aidés a encore progressé, pour dépasser le 1,5 million de personnes. La baisse du chômage, qu'il disait.;;

"J'ai été candidat pour que nous créions les conditions pour qu'il y ait une baisse du chômage et il doit y avoir une baisse du chômage. Et s'il n'y a pas de baisse du chômage, vous savez quelles conclusions j'en tirerai" François Hollande.

François Hollande s'imagine comme l'Allemand Schröder ou le Britannique Blair. On ne sait s'il souhaite également terminer sa carrière comme salarié d'un oligarque russe ou conférencier d'émirats.

Hollande avait pourtant un électorat " d'origine", ce socle majoritaire au soir du 6 mai 2012 qui voulait en finir avec Sarkozy, et/ou davantage de libertés individuelles; et/ou soutenir les plus fragiles et les précaires de ce pays.

Qui s'en souvient ?

Tandis que Sarkozy s'enfonce dans ses travers judiciaires, Manuel Valls poursuit de cliver son camp. L'homme travaille au réalignement politique de la gauche... à droite. Il ne vise qu'une élection, celle d'après. Qu'importe 2017, il mise sur le scrutin suivant. Même Hollande a fini par s'en inquiéter.

Et la défense du progrès social, la lutte contre la précarité ou les inégalités ? N'en parlez pas, ces expressions font saigner des dents les apprentis monarques qui nous gouvernent. Nos joutes politiques médiatiques se limitent à des rivalités de personnes entre Valls ou Macron, les Dupont et Dupond du social-libéralisme des années 80.

Ami socialiste, réveille-toi.

Quitte-les.

Et vite.


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