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Décès de George Martin, sorcier du studio des Beatles

Publié le 12 mars 2016 par John Lenmac @yellowsubnet
Décès de George Martin, sorcier du studio des Beatles

George Martin, l'homme qui a brillamment supervisé la plupart des enregistrements des Beatles est mort à l'âgé de 90 ans. Sans lui, les Beatles n'auraient sans doute pas sonné pareil, ni couvert une aussi vaste palette musicale.

« Sans George Martin, le monde aurait été différent » (Ringo Starr).

Quand il fut anobli par la reine Elizabeth II en 2004, George Martin fit dessiner ses armoiries à son image : on y voit un martinet (house martin en anglais) portant une flûte sous son aile ; trois scarabées (beetles) encadrant les cinq lignes d'une portée ; enfin un zèbre (zebra) évoquant le passage piétons d'Abbey Road ; le tout barré par la devise « Amore Solum Opus Est » : « All You Need Is Love ». Au moment de devenir Sir, George Martin n'a pas donc pas oublié ceux qui lui valurent son titre. Mais les Beatles lui doivent aussi beaucoup. C'est même le cinquième d'entre-eux qui vient de s'éteindre, à l'âge de 90 ans.

“Je suis tombé amoureux des Beatles”

Il y a trois beetles sur les armoiries de George Martin qui était le cinquième des quatre Beatles – allez comprendre. Une chose est sûre, il avait deux oreilles dont il connaissait la valeur, au point de titrer son autobiographie All You Need Is Ears en 1994. Il y raconte cette scène d'un collaborateur entrant dans son bureau :

« “George”, a-t-il dit, “je ne sais pas si vous seriez intéressé, mais il y a un gars qui est arrivé avec une bande d'un groupe qu'il dirige. Ils n'ont pas de contrat d'enregistrement et je me demande si vous aimeriez le voir et écouter ce qu'il a obtenu ?”

“Certainement”, j'ai dit, “je suis disposé à écouter quoi que ce soit. Demandez-lui de venir me voir.”

“OK, je vais le faire. Son nom est Brian Epstein...” »

Nous sommes en 1962. Brian Epstein est le manager d'un jeune quatuor qu'il a découvert quelques mois plus tôt à Liverpool sur la scène du Cavern Club. C'est lui qui, jusqu'à sa mort par overdose en 1967, va façonner l'image publique des Beatles et mettre à feu la beatlemania. En attendant, ses poulains n'intéressent personne : Decca, Columbia et EMI refusent tour à tour de les signer. Reste George Martin, chez Parlophone. Convoqués pour une audition à Abbey Road, il les trouve « assez horribles » mais leur potentiel saute à ses oreilles. « Je suis tombé amoureux d'eux », raconte-t-il en 1990 à la télévision dans une émission de Thierry Ardisson. A condition quand même de changer de batteur : Pete Best sera remplacé par Andy White puis Ringo Starr. C'est la première décision de George Martin qui va en prendre beaucoup d'autres.

George Martin, né en 1926, qui a appris le piano en écoutant Rachmaninov, a d'abord enregistré du classique et du baroque chez Parlophone pendant douze ans, mais aussi des disques comiques de Peter Sellers ou Peter Ustinov. Le fait est que ses connaissances musicales sont à des années-lumière de ces Beatles balbutiants dont les compositions se résument au mieux à un refrain accrocheur, notamment celui de Love Me Do. Il leur enseigne alors comment on débute et on termine une chanson, et comment on maintient l'intérêt dans l'intervalle.

Expérimentations

Dès lors, même progressant considérablement, au point de devenir des compositeurs aussi géniaux que prolixes, les Fab Four ne se passent plus de ses conseils. George Martin intervient en matière de composition ou d'orchestration, selon les albums et plus encore selon qu'un morceau est l'œuvre de John Lennon ou de Paul McCartney – le second ayant généralement des idées plus arrêtées que le premier. Il est celui qui impulse la mutation du rock'n'roll des débuts vers la pop sophistiquée d'Eleanor Rigby, enregistré en 1966 avec un double quatuor à cordes (les Beatles eux-mêmes n'y jouent d'aucun instrument). Dès l'année suivante, sur Penny Lane et Strawberry Fields Forever, puis sur l'album Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, c'est toujours lui qui, en plus de jouer du piano, arrange trompettes, hautbois, violoncelles, swarmandal et mellotron, le tout agrémenté d'effets sonores et autres innovations technologiques.

Dans les studios d'Abbey Road, l'expérimentation devient la règle : pour répondre à une demande de Lennon qui voulait une sonorité de cirque sur Being for the Benefit of Mr. Kite !, George Martin demandera que l'on lance des bouts de bandes magnétiques en l'air, puis qu'on les recolle au hasard. La complémentarité est alors parfaite entre le quatuor et son producteur. « George a façonné ce que nous étions en studio », admettra Lennon, qui pourtant ne l'aimait pas beaucoup.

Les Beatles en quatre étés fabuleux

Les Beatles en quatre étés fabuleux

La complicité entre le groupe et le producteur n'a jamais totalement cessé, dans un business où la fidélité est une anomalie. Mais après leur séjour en Inde, les Beatles retournent au rock'n'roll en même temps que les tensions sont attisées par la mort de Brian Epstein et la présence désormais de Yoko Ono. L'influence de George Martin devient moins palpable sur l'album blanc (1968) et sur ses successeurs. Jusqu'à Let It Be (1970), sorti après la séparation officielle du quatuor, dont la version finale est produite par Phil Spector.

John Lennon et George Harrison ne travailleront plus jamais avec George Martin. Ringo Starr, ponctuellement. Seul Paul McCartney fera souvent appel au producteur, également superviseur des nombreux lives et compilations que les Beatles ont continué d'enfanter durant quatre décennies. Il a ensuite collaboré avec Jeff Beck, America, John McLaughlin, Kate Bush, Ultravox et même Céline Dion dans les années 90. Il faut dire que ses oreilles le lâchaient. C'est en raison de problèmes d'audition que Sir George Martin mit fin à un demi-siècle de carrière.

Publié le: Dimanche 13 Mars 2016 - 00:00Source: telerama

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