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L’étrange cas de Kirsten Stingle

Publié le 14 mars 2016 par Efflorescenceculturelle
L’étrange cas de Kirsten Stingle
Quatre expositions en une seule année, Kirsten Stingle est visiblement une artiste prisée par le marché de l'art. Cette attirance est légitime, l'artiste américaine propose un monde d'anges, d'êtres surnaturels et de petites bestioles, tous attirés par la noirceur du monde. A travers un long entretien avec l'artiste, nous allons tenter de percer ses secrets argileux.

Fin janvier 2016, ses œuvres étaient exposées pendant trois jours à l'Art Palm Beach en Floride. En octobre 2016, la galerie Signature d'Atlanta aux Etats-Unis lui consacrera une exposition sous le thème du Sacré et du Profane. Ses céramiques fascinent mais, d'après les apparences, elle n'était pas destinée à se diriger vers ce matériau. Licenciée des Beaux-arts du cinéma à l'université de l'Ohio, elle obtient ensuite un master dans l'administration publique pour travailler à New York en tant qu'analyste du gouvernement de protection sociale. Mais son désir de retourner vers les racines artistiques prévaut. Une date marque alors sa vie, celle d'une tragédie nationale et internationale, le 11 septembre 2001. Elle était dans la ville ce jour-là. La New-yorkaise s'accorde une pause annuelle puis reprend des cours d'arts plastique. Autodidacte dans l'âme, elle se met à travailler la céramique sans aucune formation. Tous les travaux se déroulent au sein de sa maison, dans son sous-sol aménagé et hiérarchisé. Une pièce sert pour l'argile et deux autres pour assembler tous les éléments qui constitueront ses œuvres.

I was working in the City on 9/11/2001 and that changed everything. (Je travaillais à New-York le 11 septembre 2001 et ça a tout changé).

Eros ou simple chérubin, Starling est une œuvre au message obscure et pléthore d'interprétations. Cette statue est une synthèse de tous les martyres, entre ancien et moderne. On voit celle du Christ, la référence suprême mais les traces de graffitis engendrent plus de peine pour cet angelot. Il est un témoin de l'action humaine sur l'art et sur l'individu-même. C'est surtout le noircissement d'une partie de son corps qui fait écho à l'acidité de l'air qui attaque les rondes-bosses que nous contemplons souvent avec dédain ou indifférence. Notre petit ange a le torse creusé par un oiseau noir, tel un nid percé dans un tronc d'arbre. On ne sait s'il s'agit d'une satire, d'un présage à la Hitchcock, les oiseaux veulent-ils notre fin ? Une chose est sûre, sa collaboration le change en un ange. Les ailes noires dans le dos sont celles du black bird et tendent à insuffler à l'enfant cette envie de liberté, ce don de voler.

I have two boys, so I strongly identified with the innocent mischief in which they were capable. (J'ai deux garçons, donc j'ai fortement fait le lien avec leur innocente espièglerie dont ils étaient capables).

Le sort est quasiment le même sur l'enfant de Fistfulls (poignées). Elle évoque moins la pitié et crée en nous une peine moins évocatrice. Cet enfant est clairement identifiable par son sexe masculin mais Stingle lui donne une allure d'androgyne, presque d'une poupée qu'on a poudrée de blanc de céruse. Ce tourbillon rouge inscrit sur son cœur, semblable à une rose, tend à justifier cette impression de déchéance amoureuse. Cette marque est celle d'une passion trop vite amputée. Fistfulls et Starling font partie de la série des Bestiole et Little Beasts , produits de son voyage à Rome. Entourée de putti, d'amours et de Christ enfant, Stingle imagine un gang de jeune malfrats de la cité romaine, pensant avec humour à l'espièglerie innocente de ses deux garçons. Elle confronte alors l'innocence presque brutale des enfants, parfois tendre avec laquelle ils explorent le monde, avec la peur des adultes qui se cachent derrière des fausses apparences pour se conformer à la société.

Pour Kristen Stingle, Little Cut est plus que connecté avec les sentiments de souffrance et de désespoir. Ce buste féminin explore l'idée que la femme absorbe une quantité de petites coupures lors de sa vie et devient une partie de ce que nous sommes. Elle explique que ces entailles s'enfoncent dans nos chairs et nous sommes incapables de les faire disparaître. Cependant, elles peuvent soient nous détruire ou faire de nous des conquérants, surpassant les obstacles et les blessures. Cette œuvre amène à se poser des questions sur la relation de l'artiste avec la couleur et les effets plastiques. Il n'y a nul intérêt pour le noir et le blanc mais plutôt pour les couches picturales et les ombres.

This can either destroy us or make us conquerors , fighting to overcome our obstacles and wounds. (Ces coupures peuvent nous détruire ou faire de nous des conquérants, surpassant les obstacles et les blessures).

Des être étranges, nous en retrouvons avec les Patron Guideposts. On découvre trois figures: l'équilibre, le rêve et le secret. Leurs visages et leurs carnations sont semblables. Leur place dans une niche au décor gothique rappelle la Force de Botticelli (1470) ou encore les statues de la renaissance italienne qui ornent les façades de l'église d'Orsanmichele à Florence.

Cette série examine les qualités humaines spécifiques que nous possédons tous. Nous les utilisons et aussi nous ignorons qu'elles nous forment et définissent nos vies. Chaque figure représente un trait humain nécessaire à une vie entière mais non sans piège et avec des bénéfices inhérents. Similaires aux divers saints patrons, ces figures agissent en tant que guides pour nos choix futurs et comme un rappel de nos potentiels.

Ses histoires sont inspirées des objets vintages trouvés et avec lesquels elle a travaillés. Aujourd'hui, Stingle a une démarche presque psychologique. Elle tente de creuser de plus en plus profond et révéler son propre moi à travers chaque œuvre. Ainsi, son but est de comprendre sa personnalité, ses motivations, ses désirs et ses faiblesses. Reflet de sa personnalité, son œuvre agit aussi en nous. Les effets sont semblables, le trouble est palpable.

kirstenstingle.com

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