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Vous y avez échappé

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Nous voici donc — nous, ardents blagueurs de la plateforme Sud-Ouest — en phase terminale. Et même, si l'on se fie au diagnostic établi il y a quelques mois déjà par le Dr Blogenstein, en phase de soins palliatifs. Car la maladie était si avancée, alors, qu'on ne laissait pas d'autre espoir à la famille qu'un pronostic de vie jusqu'à fin mars, et encore ! Mais la médecine est aussi imprévisible qu'un gouvernement socialiste : le patient respire toujours. Ces quelques semaines d'avril nous auront fait comme une rémission — un bourgeon printanier...

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Pourtant ne rêvons pas. Au stade où nous en sommes l'échéance est inéluctable, et question de semaines. Au mieux.

Alors, puisque l'anéantissement nous attend au tournant, pourquoi bouder notre plaisir le temps de ce sursis ? S'il reste des lecteurs dans ces couloirs aux relents de formol, qu'on leur donne l'occasion d'égayer leur deuil. Nous prendrons notre part, ici même, à cette salubre mesure en créant une ultime — c'est le cas de le dire — rubrique, pestilentielle à souhait : « Les posts auxquels vous avez échappé »

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Le post auquel vous aurez échappé le 27 (ou le 28) mai 2013 : « Fines lames ».

Son contexte : Le dimanche 26 mai 2013 la « Manif pour tous », mouvement opposé à la loi instituant le mariage homosexuel (promulguée quelques jours auparavant), défile dans les rues de Paris pour la cinquième fois, et cela malgré les exhortations du ministre de l'Intérieur Manuel Valls, qui a mobilisé pour l'occasion une troupe exceptionnellement imposante et patibulaire.

Ce qu'il avait omis de faire deux semaines auparavant, au Trocadéro, pour la fête du PSG vainqueur du championnat de France de football, qui avait dégénéré en graves émeutes...

Bien que la très médiatique égérie de la Manif pour tous, Frigide Barjot, ait finalement boudé la manifestation, des milliers de familles débonnaires, avec gamins en poussettes et grands-mères en K-way, défileront tranquillement, sans incident, sous l'œil peu amène des cerbères de M. Valls. Ce qui n'empêchera pas des voyous extérieurs au mouvement, dès la dislocation des cortèges de manifestants, de se livrer à des exactions dans les rues de la capitale...

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(De notre envoyé spécial aux Invalides, Galant de Saint-Jouy)

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Ce dimanche de Fête des mères, M. le Préfet de police de Paris, sous la direction étroite de M. le Ministre de l'Intérieur, ne se sera pas laissé surprendre par l'arrivée impromptue de casseurs, comme ce fut un peu le cas, hélas, lors de la si belle fête du Ballon rond quatari, au Trocadéro. Cette fois, M. Flageolet disposait de quelque 5000 hommes d'armes suréquipés et motivés de près pour juguler la sourde menace que faisaient peser sur la République les Sturmabteilung de l'Homophobie. C'est qu'il ne s'agissait pas de lésiner ! Plus question de quelques adolescents encapuchonnés de banlieue, excités par leurs hormones ou la pluie persistante, contre lesquels on avait jugé bon alors de ne mettre en place que 800 ou 900 fonctionnaires dispersés et sans consignes. Cette fois Paris allait être envahi par des groupes de familles « traditionalistes », intégristes, se servant d'enfants en bas âge et de grands-mères septuagénaires comme boucliers humains. Et de poussettes comme béliers contre les forces de l'ordre (républicain). Les loups allaient entrer dans Paris...

Amédée Marchencrabe, général de division et ministre de l'Intérieur (républicain), craignait par-dessus tout les troupes de choc de ces manifestants faussement débonnaires agitant une forêt de drapeaux français — ce qui, à l'évidence, n'était guère rassurant. Pour inciter une bonne proportion des familles séditieuses à ne pas venir troubler la laïcité (républicaine) de Paris ce week-end, M. le Ministre avait pris grand soin de claironner urbi et orbi qu'il était inopportun, voire dangereux, que des enfants risquassent de se retrouver otages d'émeutiers tatoués de croix celtiques et chemisés de brun (ou de noir, pour ceux qui préfèrent l'Italie). Il avait aussi pris sa grosse voix de général pour menacer de dissolution la structure du mouvement contestataire si elle persistait dans son délire antipatriotique — tout en la rendant par avance responsable de tout, et même de la pluie. L'égérie du mouvement elle-même, Bécassine Ciboulot, dépitée de n'être pas prise pour Jeanne d'Arc autant qu'il l'aurait fallu, semblait avoir changé de camp, décrétait la patrie en danger, et décidait soudain de rester tricoter à la maison.

Malgré toute l'expérience tactique du général Marchencrabe, et l'aimable revirement de Bécassine, il semble que la ficelle n'ait pas marché autant qu'on l'eût souhaité : les séditieux, homophobes, intégristes de tout poil, et même des parlementaires ceints de leur écharpe — cette surabondance de tons tricolores finissait par donner la nausée —, ont tranquillement défilé, en trois cortèges rigolards et sans aucun « débordement » jusqu'à la dispersion des manifestants. M. le Ministre de l'Intérieur (républicain) en aurait trépigné de rage si M. le Préfet de Paris, qui n'avait toujours pas appris à compter depuis sa sortie de l'ENA, ne l'avait requinqué en faisant valoir que les factieux ne dépassaient pas les 150 000 marcheurs. Certains rabat-joie purent bien s'ingénier à démontrer, photos à l'appui, que les cortèges avaient rassemblé plus de monde que lors de la venue du pape Benoît, foule évaluée alors à 300 000 personnes par les mêmes services de police, l'enthousiasme de M. le Ministre de l'Intérieur n'eut pas le temps d'être douché : d'opportuns alliés arrivaient à sa rescousse.

Ceux qu'on avait tant espérés déboulaient enfin ! Quelques centaines de braillards, de furibards et autres tocards d'extrême-tout-ce-qu'on-veut, ou d'ailleurs, surgirent comme champignons sous la pluie et attaquèrent les troupes du général Marchencrabe. M. Flageolet ne comprit pas tout de suite la soudaine jubilation du ministre. On lui expliqua donc, à l'écart, tout le bénéfice (républicain) qu'on pouvait tirer de cette divine offensive. Des hommes en complet gris et lunettes noires, qui escortaient de près le ministre, lui laissèrent même entendre qu'éventuellement, parmi ces émeutiers si bruyants, si féroces d'apparence mais tellement moins efficaces que les sauvageons de banlieue de la semaine précédente — étonnant, non ? —, il pourrait bien se trouver... quelques troupiers du général. Mais n'en disons pas plus ! Ce ne serait là, après tout, que vieille tradition (républicaine), perpétuée avec bonheur de M. Marcellin à M. Pasqua... et sous tant d'autres Fouché.

Par la grâce de la très sainte Laïcité — le Père Combes en soit loué —, la soldatesque homophobe put enfin être réduite, et de quelle manière, par nos vaillantes forces républicaines, ses crucifix brisés, ses subversives banderoles déchirées, ses meneurs bastonnés de bonne façon et embastillés illico. Tout ce qui ne portait pas capuchon et baggy de banlieue, ou ne braillait pas «Nique la France !», fut considéré comme suspect, neutralisé, mis sur le champ en garde-à-vue. Il ne resta dans les avenues de Paris que les relents toxiques des lacrymogènes, et les débris épars dont la furie des fanatiques avait jonché le pavé.    

L'ordre (républicain) restauré, il n'y aura plus alors qu'à convoquer les porte-voix accrédités, et leur enjoindre d'aller caqueter de studios en gazettes. Ainsi sera civiquement édifiée la basse-cour, et toute la nation, sur le danger que le parti «haineux» lui avait fait encourir dans son brutal assaut. Mission que le général de division Marchencrabe, ministre (laïc) de l'Intérieur (républicain), et ses brillants coéquipiers, se seront empressés de faire avec leur habileté coutumière : ce qu'on appelle des fines lames.


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