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Guy Goffette, Un été autour du cou

Par Ellettres @Ellettres

Un été autour du cou par GoffetteGuy Goffette est poète, et cela suffit à rendre attrayant ce roman qui est quand même le récit d’un détournement de mineur. Par une femme : « la Monette », femme mûre dans toute sa splendeur, réussit sans peine à affoler le jeune Simon, petit villageois de 12 ans, coincé entre son « roi-tabac » de père, vétéran de la guerre de Corée brutal et méprisant, sa ménagère de mère, mollement affectueuse mais effacée, et son petit frère réduit à des renifleries et des pleurnicheries. Simon est à la croisée de l’enfance et de l’âge adulte, des carcans d’une éducation à la va-comme-je-te-pousse et de la liberté à venir. Cela, l’écriture sensuelle, à la croisée de la poésie et de la prose, le rend très bien. Comme elle rend bien ce personnage de la Monette, vamp de village et furie perverse qui monte en puissance au fil du récit, utilisant le chaud et le froid, le ton tout-sucre-tout-miel et la violence, la séduction et la culpabilisation pour venir à bout du pauvre Simon, bref toutes les armes de l’authentique prédateur.

Une belle citation sur le refuge réconfortant de la littérature et de la rêverie, au moment charnière de l’adolescence :

« Au fond, je n’ai jamais rien aimé autant que de rester seul, allongé sur un sac de pommes de terre, près de la lucarne du grenier, à feuilleter les vieux illustrés dont papa se servait l’hiver pour calfeutrer les ouvertures sous le toit. Là, le monde était à ma mesure et mes jambes parfaites. Peu m’importait alors que l’information fut passée, l’image défraîchie, incomplet le feuilleton. Souvent même, mes yeux ne faisaient qu’effleurer les pages et, tandis que mes doigts continuaient de lire, je suivais les gesticulations inutiles d’une grosse mouche empêtrée dans les fils poisseux d’une toile d’araignée tissée juste à fleur de jour dans l’encadrement de la lucarne. La mouche se débattait en s’enferrant davantage pendant que madame araignée faisait son marché au-dehors, légère, insouciante, si sûre de son piège et d’y trouver au retour le repas du soir, fumant, à point. » (p. 39).

L’allusion à l’araignée est néanmoins transparente.

A la fin, la nausée m’a prise et j’ai eu du mal à terminer ce roman, qui prend trop de plaisir à se vautrer dans les bassesses de la nature humaine. Mon côté fleur bleue, que voulez-vous ! En un mot, j’ai trouvé que l’auteur étalait complaisamment la laideur étriquée des rapports humains, cisaillée brièvement par des éclairs de monstruosité dont « la Monette » est ici la cause, en digne représentante de toute une longue lignée littéraire de sorcières. Symboliquement, seul le couvreur, perché sur le toit de l’église, semble échapper à l’infamie, comme s’il était au-dessus de tout ça.

Et pourtant l’auteur semble prendre un si vif bonheur à manier la langue, comme s’il s’agissait d’une jolie fille qu’il ferait valser du bout de sa plume, il lui fait rendre des sons si imagés, que je ne lui en veux pas trop de m’avoir fait côtoyé quelques moments d’écœurement. Certes, je ne l’aurais jamais « rencontré » si le mois belge n’était passé par là. Ce sera, je le crains, ma seule contribution à ce mois d’outre-quiévrain organisé par Mina et Anne, et ce en l’honneur de la LC consacrée à Guy Goffette. Mais j’ai noté le nom de deux romancières belges, Jacqueline Harpman et Marie Gevers, que je me réserve pour l’avenir, au-delà du mois d’avril !

Guy Goffette, Un été autour du cou

« Un été autour du cou » de Guy Goffette, Gallimard, 2001.


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