Magazine Culture

Les Chutes - Joyce Carol Oates

Par Woland

The Falls Traduction : Claude Seban

Voici, sans aucun doute possible, l'un des romans les plus achevés de Joyce Carol Oates. A le lire, surtout si l'on s'est déjà fait une idée du reste de l'oeuvre, on comprend que la romancière a décidé il y a longtemps, consciemment ou pas, de laisser le tableau le plus net qui soit de la société américaine du XXème siècle et que, en ce sens et compte tenu de son exceptionnelle prolixité, elle peut, en effet, être comparée à notre Balzac national.

Héroïnes inavouées mais omniprésentes, tour à tour superbes, indifférentes ou maléfiques, les chutes du Niagara forment le théâtre à la fois grandiose et inquiétant où s'animent et se débattent les personnages de ce roman-fresque, doublé d'une réflexion impitoyable sur la responsabilité des USA dans la dégradation de l'écosystème planétaire.

Au début des années cinquante, quand le pasteur Gilbert Erskine, tout frais marié de la veille, court se jeter dans les Horseshoe Falls, l'une des sections les plus violentes des Chutes, pour y noyer à jamais son dégoût de la femme et son homosexualité inavouée, la région est encore éclatante et saine. Peut-être les racines du mal palpitent-elles déjà, quelque part sous le quartier de Calvin Heights, à Niagara Falls mais rien ne laisse soupçonner leur existence.

Erskine laisse derrière lui sa jeune épouse, Ariah, celle que l'on surnommera "la Veuve Blanche des Chutes", et dont tombe presque immédiatement amoureux un avocat local, Dirk Burnaby. Au bout de quelque temps, ils se marient - ce qui scandalise leurs familles respectives - et ont un enfant (Chandler), puis un deuxième (Royal) et enfin une troisième, la petite Juliet dont on ne saura jamais très bien si c'est elle qui tient le rôle de la narratrice du roman.

Intelligente, hypersensible, nerveuse et caractérielle, Ariah avait tout pour être heureuse, malgré tout, avec Dirk. Mais un jour, celui-ci accepta de se charger d'une affaire que la presse finit par surnommer "l'affaire de Love Canal."

Une affaire que tous ses confrères de la région avaient refusée, une affaire de morts inexpliquées, d'odeurs chimiques répugnantes, de boue noire à fleur de terre dans la cour de l'école maternelle, tout là-bas, dans ce quartier modeste de Calvin Heights.

Une affaire où, à sa grande horreur, Dirk Burnaby va constater que sont impliqués nombre de ses amis de toujours à moins que ce ne soit leurs pères. Une affaire de gros sous et d'expérimentation de produits chimiques à la Swan Company où son propre père possédait des actions.

En dépit des pressions, l'avocat mène à bout sa mission. Mais lâché par tout le monde, y compris par ceux qui se prétendaient ses amis les plus fidèles, il perd non seulement sa réputation mais aussi la vie dans des circonstances qui, pour le lecteur, seul témoin de la chose, sont visiblement criminelles.

Elevés dans l'ignorance du passé par leur mère, Chandler, Royal et Janet arrivent à l 'âge adulte. Et c'est Royal, le préféré pourtant de sa mère, qui n'avait que quatre ou cinq ans à l'époque des faits, qui va mettre les pieds dans le plat et réclamer la vérité.

"Les Chutes" demeure l'un des meilleurs romans de Oates. La figure d'Ariah Burnaby constitue également l'un de ces portraits de femme puissants et complexes dont la romancière américaine détient le secret. Quant à la trame du récit, elle est travaillée au petit point, si l'on veut bien me passer cette expression, sauf, peut-être, en ce qui concerne l'épilogue, qui survient un peu trop rapidement.

A lire. ;o)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Woland 388 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines