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Matthias Goerne et Christoph Eschenbach pénètrent le mystère brahmsien

Publié le 07 juin 2016 par Philippe Delaide

J'avais assisté il y a huit ans à Pleyel à un très beau récital donné par Matthias Goerne et Christoph Eschenbach sur des lieder de Brahms et de Schumann (cf. post du 18 mars 2007).

Brahms Goerne Eschenbach
J'avais évoqué à quel point voix chaude et la plasticité du phrasé de Matthias Goerne m'ont toujours fasciné. Ce soir là, on a encore eu le privilège d'écouter ce grand baryton, nous faire pénétrer le mystère des ces lieders, avec un Christoph Eschenbach parfait. Le pianiste avait complètement maîtrisé l'équilibre subtil entre le soutien rythmique du chanteur et les échappées du piano, prévues par le compositeur pour instaurer un nouveau climat, appporter une respiration ou tout simplement jouer un rôle résolutoire.

Dans les lieder de Brahms, le foisonnement harmonique, les nécessaires vagues de lyrisme doivent toujours être parfaitement maîtrisés afin de conserver une ligne claire. Le duo, qui s'adonne à cet exercice en concert depuis presqu'une décennie y parvient sans conteste.

Le dernier enregistrement de ce duo, récemment sorti chez Harmonia Mundi, et consacré à une petite vingtaine de lieder, confirme la haute tenue du travail. Je n'y ai pas retrouvé la tension extraordinaire que j'avais ressentie lors du concert, mais le récit reste très convaincant avec un piano qui, avec des sonorités chatoyeuses, accompagne avec subtilité le timbre dense du baryton allemand.

La tendresse et la mélancolie avec laquelle certaines pièces de Brahms peuvent nous emporter sont particulièrement bien restituées. C'est le cas avec les deux magnifiques chants So stehen wir, ich und meine Weide et Wie bist du, meine Königin qui s'enchaînent aux pistes 8 et 9.

La noirceur des deux magnifiques lieder opus 85 est également traduite avec une densité remarquable. Pour soutenir la complainte du chant, le piano avec ses notes perlées apporte une dimension rêveuse, une forme de questionnement, soutenant ainsi de façon remarquable la narration.

Le disque se termine par les quatre chants sérieux opus 212, qui justement avaient été interprétés lors du concert de 2007 à Pleyel, et qui donnent son titre à l'enregistrement (Vier ernste Gesänge). Il s'agit ici d'une forme de testament musical écrit par Brahms, avec des textes bibliques. Outre le caractère mystique de ces chants, on notera la densité mais aussi parfois l'ampleur quasiment symphonique de la partie pour piano qui révèle le même génie que dans les oeuvres du compositeur allemand pour piano, parmi ses plus emblématiques (sonates, klavierstücke).

Ce disque révèle bien à quel point le chant brahmsien évoque un univers nocturne, tourmenté, mais aussi une tendresse indéniable, une mélancolie qui font que Brahms reste un compositeur extrêmement attachant.

On notera la très belle qualité de l'enregistrement avec un équilibre voix / piano bien maîtrisé, même si j'aurais, à titre personnel, apprécié un peu moins de réverbération.

Une nouvelle belle pièce dans la discographie de Matthias Goerne qui a visiblement le don de mettre en totale confiance ses accompagnateurs. Il contribue également à nous les faire découvrir sous un jour nouveau, s'exposant quelque part un peu plus (ex : Alfred Brendel dans un concert mémorable il y a quelques années au Châtelet, et, dans le cas présent, Christoph Eschenbach).

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Coup de coeur du poisson rêveur.

Johannes Brahms - Vier ernste Gesänge - Matthias Goerne (baryton), Christoph Eschenbach (piano) - Label Harmonia Mundi.


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