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La chronique de Guillaume Richez : La femme qui avait perdu son âme de Bob Shacochis

Par Anneju71 @LesMotordus
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« Elle se dit, pleine de mépris moqueur, Dieu te vomit, espèce de vieux salopard, c’était la toute première fois qu’elle examinait sérieusement celle qui était en elle, qui était à elle, qui était toujours là avec elle, qui était sans cœur, sordide et probablement mauvaise, un moi impénétrable qui occupait un vide. »

La Femme qui avait perdu son âme est au roman d’espionnage ce que Crime et châtiment est au roman noir. Un monument. Par son ampleur tout d’abord. Bob Shacochis nous livre une véritable fresque embrassant cinquante ans d’Histoire, à travers l’existence de Stjepan Kovacevic devenu le très influent sous-secrétaire du Département d’Etat Steven Chambers, membre du trio des FOG (Friends of the Golf) constitué d’un sous-secrétaire de la Défense et d’un haut responsable de la CIA, trois hommes qui décident de renverser un régime tout en disputant une partie de golf.

Par sa construction savante ensuite. Cinq livres qui ne suivent pas l’ordre chronologique. Bob Shacochis commence par relater la disparition de Jackie Scott, alias Renee Gardner, aussi connue sous le nom de Dottie Chambers ou encore de Dorothy Kovacevic, retrouvée morte au bord d’une route à Haïti en 1998, avant de remonter le cours de l’Histoire jusqu’aux derniers jours de l’occupation allemande en Croatie en 1944. Stjepan Kovacevic est alors âgé de huit ans. C’est en Croatie que tout commence. C’est aussi en Croatie que Bob Shacochis clôt cette saga de la famille Kovacevic. Entre les deux, s’étend l’ombre de Dottie, cette jeune femme façonnée par son père, cet ogre monstrueux, ce démiurge incestueux, qui initie sa fille dès son plus jeune âge aux jeux d’espions. Entre les deux, Dottie meurt, pour de faux, une première fois, et peut-être une seconde, – qui peut savoir ? Car le récit puise sa force dans une mise en abîme constante. Qui est Dottie ? L’héroïne l’ignore elle-même, elle qui s’examinant dans un miroir à Istanbul pense « Je suis l’invention d’autres personnes ».

Il serait vain de tenter d’appréhender en quelques mots toute la richesse de ce roman-fleuve. Et comme le conseillait Doris Lessing, plutôt que de perdre du temps à lire inutilement des critiques, lisez des livres. La Femme qui avait perdu son âme n’est pas seulement un grand roman d’espionnage, une magnifique saga familiale, une sublime fresque historique. C’est un chef-d’œuvre. Lisez-le. « The rest is silence. »

La Femme qui avait perdu son âme (The Woman who lost her soul) de Bob Shacochis, traduit de l’anglais (États-Unis) par François Happe, Éditions Gallmeister, « Americana », janvier 2016


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