Magazine Cinéma

[Interprétation] The Neon Demon – Analyse et pistes de réflexion

Par Wolvy128 @Wolvy128

❗ Article révélant la fin du film

Affice the neon demon
Le mois dernier, je profitais de ma critique du film The Neon Demon pour vanter les mérites d’une des œuvres cinématographiques les plus marquantes de l’année. Et après quelques semaines de réflexion, de discussions, de lectures et de visionnages d’interviews, j’ai décidé aujourd’hui de revenir sur le long-métrage en lui consacrant un article entier d’interprétation. Non pas que cela soit forcément nécessaire, le film se vit plus qu’il ne s’explique, mais celui-ci se révèle néanmoins suffisamment riche et complexe que pour pouvoir pousser la réflexion.

Pour rappel, The Neon Demon est la dernière réalisation en date du cinéaste danois Nicolas Winding Refn, à qui l’on doit notamment Drive et Only God Forgives. Présenté à Cannes au mois de mai, le film s’intéresse à l’histoire de Jesse, interprétée par Elle Fanning, une jeune fille qui débarque à Los Angeles dans l’espoir de devenir mannequin. Son ascension fulgurante et sa pureté suscitent jalousies et convoitises. Certaines filles s’inclinent devant elle, d’autres sont prêtes à tout pour lui voler sa beauté.

Dans The Neon Demon, plus que dans ses autres films, Nicolas Winding Refn use abondamment de métaphores, références, symboles et autres mythes. Et si certains sont plutôt évidents, d’autres sont en revanche plus subtils. Dans cet article, qui ne se veut en aucun cas exhaustif, je m’efforcerai d’évoquer quelques-uns d’entre eux. L’objectif étant d’offrir à ceux qui le souhaitent des pistes de réflexion afin de prolonger l’expérience de visionnage, et pourquoi pas d’ouvrir le débat. Avant d’aller plus loin, il me paraît toutefois bon de m’arrêter, pour commencer, sur le titre du long-métrage. Concrètement, que désigne le fameux « Neon Demon » ? Plusieurs interprétations sont possibles. Il peut s’agir de l’omniprésent triangle inversé, symbole de féminité, de virginité et d’innocence. Ou encore du lieu où se déroule l’histoire (Los Angeles), une ville lumineuse et brillante qui vous dévore à petit feu et vous recrache une fois qu’elle en a finit avec vous. Enfin, Jesse elle-même peut également être perçue comme le « Neon Demon », son personnage symbolisant à lui seul toutes ces facettes. A en croire les déclarations du réalisateur en interview, le « Neon Demon » désigne d’ailleurs bien Elle Fanning.

Ouverture
Une fois cet élément éclairci, l’une des toutes premières séquences à revêtir une importance capitale dans l’interprétation globale du film n’est autre que la scène d’ouverture. Dans celle-ci, nous découvrons Jesse ensanglantée, étendue sur un canapé. Initialement laissée pour morte, la caméra va finalement révéler, par un magnifique travelling arrière, qu’il s’agit en fait (simplement) d’un shooting photo. Tout sauf anodine, cette séquence dicte superbement le ton du film en opposant d’entrée de jeu la beauté et la mort, deux thématiques étroitement liées qui trouveront une conclusion funeste dans le dernier acte du récit. De la même façon, la scène du club où le personnage de Ruby (Jena Malone) évoque futilement les rouges à lèvres, en demandant à Jessie si elle est plutôt nourriture ou sexe, prend soudainement tout son sens lors du dénouement final. En parlant de Ruby, il est d’ailleurs intéressant de constater que les trois jeunes femmes que rencontrent Jesse au début du film représentent toutes, d’une certaine manière, une forme de beauté : Sarah (Abbey Lee) symbolise la beauté extérieure, Gigi (Bella Heathcote) la beauté artificielle et Ruby la beauté intérieure.

Toutes trois sont en quête, pour différentes raisons, d’une chose précieuse que Jesse possède : la beauté naturelle (innocence, virginité, jeunesse…). Et plus l’histoire évolue, plus on s’aperçoit qu’elles ne reculeront devant rien pour s’en emparer. Ainsi, en même temps que Jesse assume progressivement sa beauté, le danger qui l’entoure (et qu’elle représente également pour les autres) devient de plus en plus perceptible à l’écran, faisant petit à petit basculer le film dans l’horreur. Plusieurs éléments symbolisent ce danger naissant. Le plus évident de tous étant peut-être l’utilisation spécifique des couleurs, en particulier le rouge qui apparaît dans pratiquement toutes les scènes où Ruby intervient. Cette dernière constitue d’ailleurs un personnage clé du film puisque, de par son métier, elle a une relation particulière à la mort, autre thématique maîtresse du long-métrage. Par opposition, la couleur bleue renvoie, quant à elle, plutôt à des instants narcissiques où Jesse se contemple/est contemplée. Dans cet esprit, la scène centrale de défilé qui voit la couleur virer du bleu au rouge à mesure que Jesse s’abandonne à son apparence physique prend subitement toute sa signification.

Show
L’autre élément, peut-être plus subtil celui-là, faisant référence au danger n’est autre que le puma que Jesse retrouve un soir dans sa chambre d’hôtel. En ce qui me concerne, je l’interprète comme une métaphore autant de la menace future qui plane sur l’héroïne que de celle immédiate qu’elle représente pour les autres filles. Dans le même ordre d’idée, le cauchemar qui voit le personnage de Keanu Reeves pénétrer la gorge de la jeune femme avec une lame peut aussi être perçu comme une menace. Ou plutôt comme une peur ici, la peur d’être pénétrée, sa virginité attisant inéluctablement les convoitises. Ces deux événements quelque peu surréalistes me donnent aussi l’occasion d’enchaîner sur l’aspect mythologique du film. Comment, en effet, ne pas directement penser au mythe grec de Narcisse en regardant The Neon Demon ? Non seulement les miroirs sont partout et multiplient allègrement les reflets de toutes sortes, mais le tragique destin de Jesse s’amorce également au moment précis (défilé) où elle prend conscience de son extrême beauté, et tombe littéralement amoureuse d’elle-même (baiser). Une façon supplémentaire pour le réalisateur d’insister sur le lien étroit entre beauté et mortalité.

Enfin, le dénouement sanglant du film renvoie aussi inévitablement à l’histoire d’Elisabeth Bathory, comtesse du 16e siècle condamnée pour avoir tué de nombreuses jeunes femmes, principalement vierges. La légende raconte en effet qu’elle était tellement obsédée par sa beauté qu’elle se baignait dans le sang de ses victimes pour enrayer sa vieillesse. Une démarche qui n’est pas sans rappeler celle de Ruby, à la fin, qui se baigne dans le sang de Jesse pour assouvir un désir qu’elle ne lui a pas octroyé de son vivant. De la même façon, Gigi et Sarah consomment, elles aussi, littéralement la beauté de Jesse en la dévorant. Et si pour Sarah, véritable top model fantomatique, l’expérience est réussie, Gigi, quant à elle, voit son corps refuser la transition en recrachant l’œil de l’héroïne. Comme si la beauté factice avait ses limites, au même titre que la culpabilité. Un sentiment de culpabilité que ne connaît pas Sarah puisque celle-ci ne se gêne pas pour récupérer l’œil et l’ingurgiter. Pour la petite histoire, l’œil peut d’ailleurs renvoyer à une précédente déclaration de Jesse, qui confessait à son petit ami qu’elle voyait la lune (celle-là même qui apparaît à plusieurs reprises dans le film) comme un œil qui l’observe.

Fin
En outre, l’œil faisant partie intégrante du plan d’ouverture et de conclusion, il constitue également l’élément par lequel le film commence et se termine. Ainsi, si l’introduction conditionne le reste du long-métrage en exposant frontalement les deux thèmes majeurs du récit, elle influence aussi radicalement son final. Après coup, comment, en effet, imaginer une autre issue que celle proposée ? En un seul plan, Nicolas Winding Refn parvient à exprimer magnifiquement tout le cynisme et le danger d’une société (et plus spécifiquement de l’industrie de la mode) complètement obsédée par la beauté. Une société qui présente de nombreuses similitudes avec la nôtre puisque beaucoup d’entre nous se mettent aujourd’hui en scène sur les réseaux sociaux via toutes sortes de clichés (les selfies notamment). Des clichés derrière lesquels il est difficile de ne pas percevoir un désir narcissique, chaque photos postées suscitant des signes de reconnaissance et d’approbation de la part de la communauté. Il est d’ailleurs intéressant de constater que si le narcissisme avait plutôt une valeur négative auparavant, il est presque devenu une qualité aux yeux de la nouvelle génération.

En conclusion, vous l’aurez compris, si The Neon Demon est un film qui se vit plus qu’il ne s’explique, il dispose néanmoins d’une richesse formelle (et scénaristique) qui offre une belle base de réflexion à tous ceux qui souhaitent prolonger l’expérience. J’espère que cet article vous aura permis d’en prendre conscience et, pourquoi pas, de mieux appréhender certains concepts-clés. Comme d’habitude, n’hésitez pas à réagir par commentaire si vous avez des questions, des remarques ou même, qui sait, une approche différente de la mienne.



Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Wolvy128 10317 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines