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Le solaire, une arme d’électrification massive pour les zones rurales isolées des pays en développement

Publié le 30 juillet 2016 par Blanchemanche

#solaire
Les  populations des zones rurales isolées sont, depuis des décennies, les grandes perdantes des programmes d’électrification de la plupart des pays en développement. En Afrique subsaharienne, seulement 10% de la population vivant en zone rurale bénéficie d’un accès à l’électricité. L’électrification de ces zones est un enjeu de taille puisque cette population représente 80% des habitants des pays concernés.  Investissons dans l’énergie solaire et formons des électriciens, les villages s’éclaireront rapidement et durablement.
© Électriciens sans frontières© Électriciens sans frontièresSi l’on admet que l’accès à l’électricité est une condition du développement, il faut alors s’interroger à la fois sur le modèle d’électrification le mieux à même de répondre efficacement au contexte des zones ruralessur la nature des besoins à couvrir en matière de développement, et sur les conditions de réussite des actions à mettre en œuvre.

Choisir le modèle d’électrification en fonction du contexte local

Les grands réseaux électriques sont une réponse adaptée à des contextes urbains et semi-urbains. Mais ils ne seront jamais une réponse au contexte d’habitat extrêmement dispersé qui caractérise  de nombreuses régions rurales d’Afrique. Pour ces zones, les modèles de production centralisés, utilisant le plus souvent une énergie chère et polluante, ne sont pas une solution pertinente, aussi bien sur le plan technique qu’économique. C’est une voie sans issue, impuissante à alimenter des myriades de villages éloignés les uns des autres, et ne disposant pas des ressources qui permettraient de rentabiliser des infrastructures lourdes[1]. Ni le Mali ni le Bénin n’ont attendu le déploiement de cabines téléphoniques pour que s’imposent les téléphones portables. Pourquoi alors, en matière d’électrification, devraient-ils attendre le déploiement de solutions dépassées et inadaptées ? Partout disponible, l’énergie solaire, par sa souplesse et la légèreté des  équipements à mettre en place, est aujourd’hui la seule qui puisse permettre d’apporter rapidement et efficacement l’électricité au milliard d’habitants qui vivent éparpillés dans des territoires immenses  et qui resteront longtemps à l’écart des grands réseaux électriques.

Miser sur le solaire

Si l’on remonte aux premières années de développement du photovoltaïque, il faut se souvenir que cette technologie était avant tout perçue comme une énergie pour pays riches. Mais aujourd’hui l’amélioration des performances et la chute vertigineuse des coûts de production, font du solaire photovoltaïque une énergie désormais concurrentielle des autres énergies, quelles qu’elles soient. Par exemple, dans les localités de Yéréré, Sandaré et Diéma, situées dans la région de Kayes au Mali, le coût du kWh solaire pour alimenter un pompage est estimé à 165 francs CFA contre 1 000 francs CFA pour le  du kWh thermique (groupe électrogène)[2]. De plus,  de par son impact environnemental moindre, l’énergie solaire reste notre meilleure arme contre le changement climatique.

Une approche communautaire pour répondre vraiment aux besoins de développement

Electrifier un territoire ou un village, ce n’est pas se contenter de distribuer des lampes solaires ou des kits individuels aux familles les moins pauvres. Cette posture qui n’est pas sans arrière-pensées commerciales, est une fausse bonne solution. Elle ne permet pas de répondre aux Objectifs du développement durable. Elle ne répond pas aux besoins collectifs élémentaires, que permet l’éclairage d’une école, l’électrification d’un dispensaire ou d’une maternité, ou à une vie sociale retrouvée quand la lumière s’installe sur la place du village. Elle ne permet pas non plus l’accès à une eau de qualité, qu’il faut aller puiser désormais dans des nappes de plus en plus profondes. Se contenter de distribuer des lampes solaires ne permet pas d’accéder aux outils de la connaissance, ni d’accéder aux moyens de communication, sans lesquels des millions de villages resteront coupés du monde.Je n’oublierai jamais le visage de ce vieux monsieur penché sur une photocopieuse, et qui m’a montré, rayonnant de fierté: « Ce sont des faire-part, je marie mon fils à la prochaine lune ». C’était à Boukargou, un petit village au cœur de la savane, et le soir nous étions quelques dizaines à regarder à la télévision la finale de la Coupe d’Afrique des Nations. Nous étions ce soir-là quelques dizaines à penser que, par les vertus de quelques panneaux solaires, la fin de l’isolement ouvrait durablement la route au développement.Electrifier un village, à notre sens, c’est mettre en place une installation de production communautaire, une ferme solaire répondant à des besoins partagés et complémentaires, collectifs et individuels, et couvrant à la fois des usages fondamentaux (l’éducation, la santé, l’accès à l’eau, la vie sociale), des usages commerciaux, et des usages domestiques. Avec comme objectif l’amorce d’un modèle de développement d’activités fondé sur l’accès à des services énergétiques modernes.Au centre de ce modèle, une cheville ouvrière : un opérateur pour entretenir les installations, assurer les services attendus, et  être en capacité de répondre aux besoins présents et à venir des populations. Il n’y a pas d’électricité sans électricien.

La formation pour électrifier durablement

Au cœur de la réussite durable de tout projet d’électrification, il y a une condition incontournable : la formation. Car là où il n’y a pas d’électricité il n’y a pas d’électriciens. Il ne peut donc y avoir de projets pérennes, sans transfert de compétences et partage du savoir.C’est la condition pour que les acteurs locaux s’approprient les projets, maîtrisent leur mise en œuvre, et veillent à une utilisation rationnelle des équipements.  Et c’est aussi le seul moyen de faire émerger et d’accompagner des opérateurs  qui auront la charge de faire vivre les installations, de les développer, de les dupliquer, et d’offrir de nouveaux services.

Les leçons de l’expérience

Avec d’autres ONG, Electriciens sans frontières a fait, des années durant, la démonstration de solutions locales éprouvées, fondées sur le recours aux énergies renouvelables, au premier rang desquelles l’énergie solaire.Mais la technologie ne suffit pas. Pour répondre durablement aux besoins énergétiques de populations isolées et démunies, les leçons apprises au cours des centaines de projets réalisés depuis une trentaine d’années font apparaitre quelques clés majeures de réussite :
  • la prise en compte du contexte local, et une analyse partagée, avec les acteurs présents, des ressources et des besoins prioritaires
  • l’appropriation par les communautés des finalités du projet, leur implication dans sa mise en œuvre et la prise en main des installations à travers un accompagnement adapté
  • la formation d’un opérateur de proximité pour assurer l’entretien des équipements (cf ci-dessus)
  • la mise en place d’un comité de gestion légitime et compétent, pour veiller à la bonne utilisation des installations et à la maitrise des consommations, et pour prendre en charge la collecte et la gestion des ressources destinées à couvrir les dépenses d’entretien et maintenance.

Pour des projets pérennes

Pour inscrire dans la durée les impacts d’un projet, il est un préalable : la prise en compte, dès sa conception, des conditions nécessaires à sa pérennisation. Robustesse des solutions retenues, qualité et longévité des équipements, et transfert de compétences doivent y concourir. Mais il est essentiel d’anticiper les couts qui seront induits par le renouvellement inévitable de composants (tels que les batteries) après quelques années de fonctionnement. Pour les projets dédiés à la couverture de services de base (l’électrification d’une école ou d’un dispensaire) il faut prévoir et mettre en place les dispositions qui permettront à des communautés, souvent très pauvres, de pouvoir y faire face. Lorsqu’elle est pertinente, la mise en place d’activités complémentaires génératrices de revenus est presque toujours nécessaire. Et lorsque ce n’est pas le cas, les couts de maintenance seront provisionnés et intégrés au budget des projets.

Le bout de la route ?

L’électricité est aujourd’hui reconnue comme un levier incontournable pour le développement des populations les plus pauvres. Cette évidence est désormais inscrite à l’agenda des institutions internationales, et n’attend plus qu’une mobilisation des moyens nécessaires, qui soit à la hauteur des enjeux et des besoins. Pour que les populations rurales ne restent pas au bord du chemin, il convient de déployer des solutions adaptées à leurs contextes, des solutions tirant tout le parti d’une technologie éprouvée : l’énergie solaire. Son coût désormais accessible, sa facilité de mise en œuvre, et sa capacité à répondre à une large échelle de besoins, en font une arme d’électrification massive pour les  pays en développement.Les opinions exprimées dans ce blog sont celles des auteurs et ne reflètent pas forcément la position officielle de leur institution ni celle de l’AFD.
[1] René Massé, Histoire de l’électrification rurale en France, Édition « Études et travaux en ligne » du Gret – N°03, 2005 (étude réalisée en décembre 2002)
[2] « Le pompage solaire, Options techniques et retours d’expérience – Des repères pour l’action », pS-Eau, 2015

http://ideas4development.org/solaire-arme-delectrification-massive-zones-rurales-isolees-pays-developpement/
Publié le 17 mai 2016Le solaire, une arme d’électrification massive pour les zones rurales isolées des pays en développementJean-Pierre Cerdan
Secrétaire général d’Electriciens sans frontières
Le solaire, une arme d’électrification massive pour les zones rurales isolées des pays en développement

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