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La Tapisserie se déroule à Aubusson, au fil des siècles

Publié le 04 août 2016 par Aude Mathey @Culturecomblog

Alors que depuis quelques années, 13 musées ont fermé leurs portes au cœur de la toute récente région Nouvelle Aquitaine, celle-ci tente de redonner une impulsion culturelle par l’inauguration le 10 Juillet dernier de la Cité Internationale de la Tapisserie, répondant ainsi à un besoin en matière de tourisme local, à travers un parcours mêlant interactivité et éléments de scénographie particulièrement étudiés pour une mise en lumière sur cet Art ancestral de la Tisse, à travers notamment la Cité Internationale de la Tapisserie, fraîchement inaugurée le 10 juillet 2016 et nichée dans ce département de la Creuse empreint ça et là des fresques tout droit sorties des métiers-à-tisser.

La Cité Internationale de la Tapisserie, un lieu d’expression dédié à la transmission d’un Savoir-Faire
Depuis l’Antiquité, la tapisserie fut employée par de nombreux peuples pour différentes utilités: tapis, couvertures de chevaux, vêtements…
Dans l’Europe médiévale apparaît l’usage de tapisseries médiévales murales décoratives et narratives. La tapisserie se fait à la main avec des fils colorés (fils de trame) qui recouvrent totalement des fils le plus souvent unis constituant l’ossature du textile (les fils de chaîne). À la différence d’un tissage classique, les fils de trame sont interrompus à chaque changement de couleur.
Le plus souvent fruit d’un « travail à 4 mains », selon les termes de l’UNESCO et l’avènement dans les années 60 du mouvement des lissiers—créateurs.
Depuis 5 siècles et demi, on tisse et on restaure à Aubusson où aujourd’hui résident 3 teintureries, 5 cartonniers indépendants, 2 filatures, 8 ateliers artisanaux et 3 manufactures, ce qui fait de la ville le pôle de la tapisserie en Europe; offrant à l’emploi local, une filière représentant 150 personnes.
La nouvelle Cité Internationale de la Tapisserie est la conséquence de 3 ans de travaux de rénovation sur les fondations de l’ancienne École des Arts Décoratifs, conçue jadis en 1967 par l’architecte Robert Danis en Croix Latine.
Une des seules écoles détenues par l’État et disposant de moyens en conséquence plus importants contrairement aux autres reliées aux collectivités locales.

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Un projet de rénovation initié sur ces anciens murs en 2011, qui ne formait plus de lissiers depuis le milieu des années 90, pour un coût d’une enveloppe de 8 millions d’euros, au prix de 1 200 euros/m2, soit un ensemble mettant l’accent sur une palette de couleurs utilisées dans les métiers à tisser qui sont venues habiller la façade, imaginé par la graphiste Margaret Gray dont le travail s’exprime également par la structure textile ornant l’escalier menant à la mezzanine (Crédits photo: Alexandre Plateaux).
Au final, un résultat plutôt dépouillé en éléments comme des faux plafonds ainsi qu’un bardage mixte avec toile en fibre de verre pour dissimuler l’isolation des lieux.

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Un jardin composé de sedum, nécessitant peu d’arrosage, en gardant quelques éléments de l’ancien jardin du couvent des Recollets / Une entrée lumineuse conservant du mobilier d’origine (Crédits photo: Alexandre Plateaux).

3 espaces de réserve avec 200 œuvres stockées selon leur taille sur les 340 dont dispose le musée, protégées des 2 plus grands ennemis d’une tapisseries à savoir la lumière et de la chaleur (Crédits photo: Alexandre Plateaux).
Une collection qui s’enrichira l’année prochaine puisque la veuve de Jean Lurçat a légué à la Cité près de 1 000 cartons à la taille de ses réalisations.

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La réserve de la Cité / Broderie sarrasine, avec technique de couchure réalisé sur un tampon de brodeuse. À droite, en points noués, façon savonnerie (Crédits photo: Alexandre Plateaux).

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Une bibliothèque centre de ressources de 12 000 ouvrages, un atelier de restauration (en photos) ainsi qu’un centre de formation propose un BMA en « Arts et techniques du tapis et de la tapisserie de lisse » sied dans les locaux et diplômant 10 personnes par an, un cursus centré sur le tissage d’interprétation, travaillant de consort avec un appel à projets artistiques ouvert annuellement par le concours décernant 5 lauréats (Crédits photo: Alexandre Plateaux).
L’Atelier du Mobilier National, issu de la politique de délocalisation d’Édith Cresson, est une duplication de l’Atelier des Gobelins et ouverte en 1994, doté d’un recrutement local avec une équipe de 20 ouvriers qui se partagent les restaurations (à la fois des pièces patrimoniales, du Mobilier National ou encore d’Ambassades).
Par ailleurs, 3 ateliers de la Cité sont mis à disposition des maîtres tisserands dont un avec un loyer en nature moyennant une prestation d’accueil du public. En effet, de nombreuses prestations lui sont proposées pour le sensibiliser au maximum à cette technique artistique toujours ouverte à des vocations de nouveaux talents.

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Actuellement, Patrick Guillot, accompagné de 2 ouvriers, tisse l’œuvre intitulée « Pietà for the First World War » d’une taille de 4,50m x 4,50m, de Thomas Bayrle, soutenu par le groupe Würth qui a mécèné l’acquisition de la maquette pour 20 000€ et pour un coût total de la production de 140 000€, en guise de commémoration de la guerre de 14—18, qui sera dévoilée au public, après 2 ans de travail, en novembre 2017 au mémorial franco-allemand Hartmannswillerkopf basé à Wattwiller (Crédits photo: Alexandre Plateaux). Ainsi, un nouveau marché public de tissage se dessine…

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Un espace présentant les représentations du tapis suivant toutes les provenances / Une approche plus tactile des styles de tissage (Crédits photo: Alexandre Plateaux).

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Dans le parcours du musée, 4 plateformes de savoir-faire digital permettent au visiteur de rentrer dans le processus de fabrication, comme l’atteste ce parcours d’exposition mêlant modernisme et traditions ainsi que ces installations de exposées à la Plateforme de Création Contemporaine à l’étage, de gauche à droite: « La rivière au bord de l’eau », Olivier Nottellet / « Blink#O », Benjamin Hochart / « Confluentia », Bina Baitel (Crédits photo: Alexandre Plateaux).
Un parcours sensoriel destiné au public non voyant est en préparation pour l’année 2017 avec le concours de l’association Braille et Culture.

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« Les 3P » de Mario Prassinos (1970), dans l’entrée de la Cité, librement inspiré des traits de son grand-père (Crédits photo: Alexandre Plateaux).

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Autre élément phare, la « Nef des tentures » où est mis à disposition du visiteur un guide illustré, des tablettes et les « trous du souffleur »; dispositif audiovisuel, autre rappel à la mise en scène théâtrale de la salle.
Résultat d’une installation réalisée par Rouland et Paoletti et des peintures en trompe l’œil provenant de l’Atelier Antoine Fontaine (Crédits photo: Alexandre Plateaux).

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Sur la droite, la mythique « Millefleurs à la licorne » (XVème siècle) (Crédits photo: Alexandre Plateaux).

L’installation montre l’évolution de la Tapisserie à travers les Âges et les styles, néanmoins l’époque XIXème reste à compléter du fait d’un état général de conservation moindre pour cette époque, elles se font plus rares…
Des nuances apparaissent au fur et à mesure entre les techniques de fabrication entre Beauvais où le prix de revient au m2 fut de 4 000 euros contre 500 euros pour Aubusson qui se distingue par sa simplicité et ses marges de manœuvre plus importantes pour davantage coller aux moyens du temps, rendant possible à davantage d’artistes de se faire produire.
Avec l’objectif de la direction de changer annuellement dans la Nef (de 600m2 sur 1 200m2 de surface) la moitié de la collection, et des prêts notamment de fonds contemporain seront possibles grâce à la mise prochaine sur internet du fonds.

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« Sans titre », Mathieu Mercier (2011) / « Shadows », Man Ray en collaboration avec l’éditrice Marie Cuttoli (1938) (Crédits photo: Alexandre Plateaux).

Un point de départ incontournable de chaque tapisserie, le carton…
En parallèle d’un recours massif au papier de Jouy entre 1780 et 1820, les premiers cartons apparaissent au XIXème siècle, grâce à l’apparition de la gouache, les nouvelles couleurs arrivent. Ils sont d’ailleurs mis en valeur par le travail accompli par les créateurs du Musée des Cartons de Tapisserie d’Aubusson jouxtant l’Atelier de Chantal Chirac ainsi que son Espace Contemporain présentant jusqu’au 30 Juillet 2016 le travail mêlant peinture et tapisserie de Mireille Veauvy.

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Vues de l’intérieur du musée des Cartons (Crédits photo: Alexandre Plateaux).

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Ensuite, un petit détour par le Vieux-Centre d’Aubusson et ses quais de la Creuse s’impose… (Crédits photo: Alexandre Plateaux).

Le Centre Jean Lurçat, le parent de la Cité de la Tapisserie
À l’origine, le Musée départemental de la tapisserie d’Aubusson inauguré en 1982 avait pour vocation de présenter l’histoire et les collections de tapisseries d’Aubusson et de Felletin situés dans le département de la Creuse et la région Limousin.
En 2011, motivé par l’inscription de la tapisserie d’Aubusson au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO en 2009, le coup de départ du projet d’agrandissement de ce lieu, dédié aujourd’hui à un des maîtres de la Tapisserie Jean Lurçat, donnera lieu au transfert de l’essentiel des réserves en lieu et place de la nouvelle Cité Internationale de la Tapisserie.
Aujourd’hui, ce centre comporte un espace encore suffisamment significatif pour présenter au public des pièces maîtresses et d’envergure de l’artiste.

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Entrée du Centre Jean Lurçat et « Le Conscrit des 100 villages » (Jean Lurçat, 1947).

Le visiteur pourra ainsi retenir deux périodes marquantes de la carrière Jean Lurçat, une première en 1937 et 1942 où il s’approprie Aubusson, pour « créer une nouvelle tapisserie pour notre temps » selon les mots du conservateur de la Cité de la Tapisserie, Bruno Ythier qui déclare également: « Sans l’école des Arts Décoratifs, il n’y aurait pas eu Jean Lurçat et sa production pléthorique. Sans Jean Lurçat, il n’y aurait pas eu le redémarrage d’Aubusson à l’après—guerre grâce à une production de masse et une baisse des coûts. » Par ailleurs, il opérera localement en finançant des artistes locaux.
La deuxième période se déroule de 1944 jusqu’à sa mort en 1966 où il connaîtra l’apogée de son Art, notamment en ayant recours à des gammes restreintes en couleurs et un univers symbolique composé de bestiaires, et ce sans maquette préalable (dessin en miniature) mais une création directe de carton (souvent à l’échelle 1).
Il fut très influencé par la poésie, et il a travaillé à les mettre en tissage dont « Liberté » d’Éluard où ironie de l’Histoire, en 1943, la Gestapo descendit dans son atelier clandestin et voyant l’œuvre tissée à l’envers, n’en comprit pas le sens.

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Quelques prouesses de Jean Lurçat souvent réalisées par l’Atelier Tabard d’Aubusson: « Le Temps » (1958), Autoportrait de l’artiste (Crédits photo: Alexandre Plateaux).

Château de Boussac
À quelques encablures d’Aubusson s’étend le domaine de Boussac.
Site ayant eu de nombreux propriétaires au fil des âges et subi plusieurs métamorphoses, servant comme ancienne gendarmerie de la plus petite sous-préfecture de France en 1926.
À cela s’ajoute, un donjon détruit à la Révolution, avec des révolutionnaires ayant eu pour volonté d’en finir avec tout signe de féodalité.

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Une exposition annuelle de tapisserie avec cette année, de mai à septembre, des œuvres de Georges Chazaud (en photos) tissées dans l’antre de l’Atelier de Raymond Picaud ainsi que des sculptures à l’effigie de chiens réalisées par Françoise Meneveux (Crédits photo: Alexandre Plateaux).

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La propriétaire des lieux, Mme Bernadette Blondeau, expose sa collection personnelle de près de 350 cannes et ses créations personnelles à partir d’éléments de nature avoisinante voire une remise en scène d’époque au détail près (Crédits photo: Alexandre Plateaux).

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La rénovation de ce lieu d’exception est incontestablement une implication passionnée de toute une vie puisqu’elle s’y emploie depuis 50 ans avec son époux Lucien Blondeau, avec une attention particulière pour aménager chaque espace du château au plus près de son contexte historique à l’aide d’éléments de mobilier d’époque chinés auprès des meilleurs spécialistes. Ci-dessus, la chambre dite de « l’Archévêque » ainsi qu’une impressionnante collection de cristallerie (Crédits photo: Alexandre Plateaux).

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C’est ainsi qu’une partie Renaissance y est prépondérante avec une immense salle des gardes, bardée de poutres d’origine et de tapisseries d’Aubusson d’époque Louis XIV représentant notamment Soliman le magnifique et où trône une cheminée monumentale ornée de symboles d’hermines et des genêts de la famille Labrousse (Crédits photo: Alexandre Plateaux).

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Ainsi que le Salon Zizim, symbole du soin particulier porté sur une scénographie d’origine sans fausse note, nous sommes loin d’imaginer la présence récente d’une gendarmerie dans les locaux!
En effet, le prince turc Djem fut envoyé en exil à Malte puis atterrit en Creuse et fit prétendument un passage dans cette prison dorée du fait du conflit avec son frère aîné régnant à Constantinople (Crédits photo: Alexandre Plateaux).

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Le château porte la trace du passage de George Sand qui y séjourna plusieurs années, ayant eu notamment une chambre attitrée dont certains éléments subsistent encore de nos jours (Crédits photo: Alexandre Plateaux).

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(Crédits photo: Alexandre Plateaux).
Fuyant son fief de Nohant pendant la guerre de 1870 et suite à une épidémie de choléra entre 1860 et 1880, George Sand y retrouvait son amant de l’époque Prospère Mérimée, dans ce salon qu’elle trouvait « rempli de méchants meubles de l’Empire », et qu’elle agrémenta de son empreinte romantique en lui apportant des touches pastels et des pendules également retrouvés au château de Schönbrunn. Dans sa chambre avoisinante, elle a écrit sa première œuvre champêtre « Journal d un voyageur pendant la guerre » ou encore se situe l’action de son roman « Jeanne » où elle décrit ce qu’elle voyait de son balcon.

Le village sculpté de Masgot dans l’ombre de François Michaud
Sur les routes tapissées du département, pourquoi ne pas faire un arrêt par le village de sculpté, situé sur la commune de Fransèches? Un village entier orné de sculptures en granite taillées par François Michaud, un travail initié en 1850 et ce jusqu’à sa mort en 1890. Plusieurs thèmes de représentation comme des animaux et autres créatures fantasmagoriques se sont diffusés à l’entrée des maisons qui sillonnent ce bourg, dont celle de l’artiste visitable actuellement et reconstituant un intérieur limousin du XIXème siècle.
Par ailleurs, le Centre de la Pierre propose aux enfants comme aux adultes des stages d’initiation et de perfectionnement à la sculpture sur pierre.

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Masgot, une visite à son rythme… (Crédits photo: Alexandre Plateaux).

L’Histoire se conte à La Fresque Historique de Bridiers
Un des 5 événements majeurs de ce type en France, avec Castillon-la-Bataille en Nouvelle Aquitaine.
Pour la 11ème édition, sur un site médiéval entièrement rénové de 5 hectares, avec un amphithéâtre de 2000 places.
400 bénévoles reproduiront notamment sur scène la tapisserie en projet à Aubusson de la « Pietà for the First World War », pour célébrer le centenaire de Verdun.
Avec cette année ce spectacle intitulé la « fiancée de Verdun » narrant l’histoire entre un jeune poilu creusois rencontrant une infirmière parisienne.
Le tout narré, tout en émotions, par Pierre Bellemarre, et pour un coût de 200 000 euros sur 4 jours afin de pouvoir puiser parmi une réserve de milliers de costumes historiques.
L’édition 2017 s’inscrira dans la célébration du Millénaire de la ville de la Souterraine, et prendra pour nom « Alberric, l’enfant du Millénaire ».
Le jour de la tombée de métiers de la tapisserie de la « Pietà for the First World War », en juillet 2017, une délégation des figurants sera également présente à la Cité Internationale.

La Fresque Historique de Bridiers: les 5, 6, 7 et 8 Août 2016 au site de Bridiers (23).


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