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Les demoiselles déformées de Jessica Harrison

Publié le 13 août 2016 par Efflorescenceculturelle
Les demoiselles déformées de Jessica HarrisonLe cœur arraché, les reins dans la main, les danseuses modelées d'un autre temps, tatouées et parfois morbides choquent et impressionnent. Fin juillet 2016, Jessica Harrison exposait ses œuvres dans la galerie parisienne L.J. sous le nom de Pink, Green, Blue and Black. Cet arc-en-ciel reflète son oeuvre complet qui explore le corps en le déformant à souhaits.

Née à St Bees en 1982, Jessica Harrison quitte l'Angleterre à 18 ans pour étudier la sculpture au sein du College of Art d'Edimbourg en Ecosse. Elle fait un master des Beaux-Arts sur le sujet de la mort et de la dissection dans l'art contemporain britannique. Puis elle perfectionne ses connaissances en obtenant un doctorat en 2013. Élue académicienne à la Royal Scottish Academy puis membre de la Société royale britannique des sculpteurs, Jessica Harrison impressionne les amateurs d'art dans les galeries européennes entre Édimbourg et Paris.

On ne peut pas parler des figurines de Jessica Harrison sans évoquer ses princesses de l'horreur. C'est comme si les héroïnes de Disney étaient atteintes de folie, désirant se défaire de leur cœur, de leur rein, juste pour le plaisir de choquer? Cette impression est strictement personnelle, chacun peut voir la beauté comme la laideur. Tout ce qui est sûr, c'est que ces formes fabuleuses reflètent parfaitement le goût de l'artiste pour la mort. Originellement, elles reprennent en céramique ces visions enfantines de l'artiste. Enfant, elle observait les figurines de sa mère en les imaginant se faire écraser les membres. C'est aussi un reflet de son master sur le corps mort et disséqué dans l'art contemporain britannique. En définitive, Jessica Harrison s'approprie ce thème pour proposer une version moderne, celle d'une transition entre la mort et la vie, d'une beauté nouvelle et dérangeante.

A contre courant, il existe des princesses moins provocantes et suicidaires. L'exemple de Fleur et de Marilyn HN3002 démontrent que la sculptrice joue sur le corps humain à travers différents matériaux et couleurs. La première présente plus de délicatesse de la céramique, tandis que la seconde est plus brute et qui, quand on prend de la distance, permet de faire appel à une perception rétinienne pour constituer une image simple et reconnaissable de cette danseuse difforme. Même si les deux figurines sont différentes par leurs matériaux, elles traduisent toujours ce même désir de modeler le mouvement du corps et les caractères humains. On pense percevoir l'amusement, la joie et la séduction.

Ce pouvoir de séduction est assez palpable dans l'oeuvre de Harrison. Il est encore plus puissant quand il est façonné sur tous les matériaux et illuminé par une myriade de couleurs. Cette impression fait écho à son exposition parisienne dans la galerie L.J. Pink, Green, Blue and Black est le fruit de trois mois de travail au EKWC, centre d'art néerlandais de la céramique. Son vœu est de traduire les désordres du corps humain, de ses imperfections, afin de s'éloigner de sa représentation académique et idéale. La séduction féminine est donc le fruit de l'imperfection ?

Bien que pour certains Jessica Harrison possède un style particulier, l'artiste ne s'accorde pas avec cet avis. Je ne crois pas avoir un style donc je ne peux pas le définir. Si vous regardez l'exposition, je façonne à travers divers matériaux, ce n'est pas vraiment ressemblant, c'est fait par la même personne. Je ne me sens pas à l'aise pour être définie comme ayant un style particulier, j'aimerais plutôt être ouverte aux idées et aux nouvelles manières de travailler.

Même si la sculptrice propose aussi une nouvelle version de vases du Victoria and Albert Museum, c'est l'image de la femme qui définit son oeuvre. On voit à travers ce corpus de figurine féminine que leur forme change. L'artiste: Je ne pense pas que ma vision de la femme a évolué avec la nouvelle exposition - c'est ma compréhension et ma connaissance de l'argile qui a évolué. Mon travail n'est pas au sujet des femmes ou de figure, c'est plus une idée de corps sensoriel, explorant l'impression que produisent les choses, plutôt qu'elles doivent ressembler.

Pour clore ce voyage en céramique, passons par le chemin de croix pour observer un Christ agonisant. Cette autre version du messie n'est pas différente des demoiselles déformées de l'artiste britannique. On retrouve ces défauts chers à sa dernière exposition. Ils ont ici une autre définition, peut-être pour cacher l'horreur de sa crucifixion, ou a contrario pour embellir son sacrifice. Bien que le pouvoir de séduction puisse paraître condamnable par l'Eglise, ce Jésus Christ le possède. Ainsi, le style particulier de Jessica Harrison est pluriel, voire indéfinissable, sinon perturbant.

JessicaHarrison.co.uk

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