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[Portraits] – Mélissa

Publié le 11 août 2016 par Florent Kosmala @florentkosmala

Bonjour,
Je m’appelle Mélissa Mougenot, je suis atteinte du syndrome d’Ehlers-Danlos, maladie orpheline des tissus conjonctifs, notamment du collagène qui englobe environ 75% de notre corps.

Après 13 longues années d’errance médicale, j’ai été diagnostiquée en 2012…
Mais pendant ces 13 années, j’ai vécu un enfer.
J’ai eu beaucoup de diagnostics différentiels, et pour la plupart cela tenait du domaine de la psychiatrie.

J’ai été incomprise durant de longues années, et malgré un diagnostic, je souffre encore d’injustice, d’intolérance et de moqueries, car cette maladie fait partie des handicaps invisibles. C’est d’ailleurs à cause de l’intolérance et de moqueries que j’ai du partir en arrêt maladie au bout de neuf mois dans le service hospitalier en psychiatrie ou j’exerçais en tant que jeune infirmière et jeune diplômée. Mon premier poste a été comme qui dirait un ENFER.

Cependant, l’envie d’aider les autres, de poursuivre ce métier, qui me tient à la vie, qui me permet de m’accrocher et l’espace de quelques heures oublier mes douleurs pouvant être intolérables, d’une échelle de 14/10, même si cela n’existe pas.
Ce métier est ma vie, mon rêve, ma passion.
J’y investis mon âme, mon énergie, mon sourire et ma force.
Pour rien au monde je ne pourrais cesser ce métier. L’arrêter serait un motif pour ne plus me battre contre la maladie, et me laisser sombrer…

Durant cette errance médicale, une envie d’aider les autres, de les soigner ou du moins de participer à leurs soins, de les aider à faire face à la maladie, au handicap, avec empathie, en faisant preuve d’écoute et en faisant toujours passer les autres avant moi-même, s’est développée.
C’est devenu vital pour moi.

Aider l’autre.
Ce fut un moyen pour moi de diriger ma pensée vers les autres, de me focaliser sur les autres jusqu’à en oublier mes propres souffrances et de prendre en charge les différents symptômes que j’ai pu avoir au cours de mon adolescence.

C’est de là que m’est venue l’envie, le besoin de devenir infirmière diplômée d’état.
J’ai obtenu le concours de la fonction publique hospitalière de Paris en une seule fois, en passant le concours sans même croire à ma réussite.
En effet après tant de doutes sur ma personne durant cette errance, j’ai cessé de croire en moi. Toute confiance s’est évaporée…

J’ai débuté l’école d’infirmière en février 2012, à l’Institut de Formation en Soins Infirmiers plus communément appelé IFSI, à l’hôpital Raymond Poincaré, à Garches dans les Hauts de Seine.

J’ai quitté la Bretagne, ma maman, qui a toujours été la personne qui n’a jamais douté de moi, de ma douleur, ma personne « pilier », « mon roc », la raison de ma bataille pour ne pas sombrer totalement dans les idées noires qui me hantent depuis des années maintenant.

Durant cette année, j’ai consulté un orthopédiste très connu, exerçant à l’hôpital de la Pitié Salpétrière.
C’est alors que pour la première fois à été évoqué le syndrome d’Ehlers-Danlos, aussi appelé le SED.
Il m’a donc conseillé de prendre rendez-vous au sein du centre de référence des maladies du tissu conjonctif et du collagène, au centre hospitalier de Raymond Poincaré, à Garches.
Le hasard a bien fait les choses.

Après une journée de cours je m’y suis présentée. Étant donnée le nombre de demandes considérables, ils nous fournissent un questionnaire à renvoyer.
Après étude de ce questionnaire, les médecins décident ou non de nous convoquer, s’ils pensent que les personnes sont susceptibles d’être atteints d’une dès maladie du tissus conjonctif.

Une année après, le centre de référence me téléphone et me convoque le lundi suivant, soit dans 2 jours.
Étant financée par le pôle emploi durant ma formation, j’en parle à formatrice référente, qui ne semble pas saisir l’importance de cette consultation médicale.
Je décide de me présenter, ce lundi, en tout et pour tout la consultation aura duré 2 à 3 longues heures, où l’on vous demande de prendre des postures digne d’un spectacle de contorsionniste. J’ai l’air d’un clown.
L’interne examine de près ma peau, mes pieds, cuisines, colonne vertébrale.
Puis tout un tas de questions s’en suivent.
C’est alors que la partie drôle débute, je dois lui citer l’ensemble de mes entorses et luxations….
– une trentaine à la cheville droite,
– vingtaine à la gauche,
– une bonne vingtaine d’entorse aux deux mains,
– une dizaine de subluxation des hanches,
– douleur continuelle à la nuque et aux épaules,
– migraines quasi quotidienne,
– troubles importants du système digestif,
– de nombreux hématomes, parfois apparaissant sans connaissance de ma part,
– migraine quasi quotidienne
– perte de mémoire, trouble de l’élocution, avec difficulté de concentration parfois,
– fractures du tibia péroné, et des 5 doigts sur les 10 de la main,
– cycles menstruels hémorragiques, m’obligeant à rester chez moi le premier et parfois le deuxième jour d’apparition… Très douloureuses, légèrement atténuées en me mettant en position fœtale…..

Après 6 longues heures au total dans le service, l’évidence est là … : je suis atteinte du SED.
On me donne une multitude d’ordonnances.

Je repars chez moi, perdue, dépourvue, anéantie….
Vais je devoir arrêter mes études ?
C’est à cette période que je décide d’en finir avec ma vie, qui n’est que douleur et souffrance.
J’ai tenté de mettre à fin à mes jours.

Ce n’est finalement pas arrivé.
J’ai poursuivi mes études en y mettant toute mon énergie. Durant mes stages, je ne me décourageais pas devant le rythme effréné.
Parfois debout à 4h du matin, 3h de transport aller/retour, en rentrant, révisions pour les partiels, le week-end, aide soignante à domicile auprès d’une personne âgée.
J’y travaillais 3 samedis et dimanches par mois avec parfois des nuits, et pour m’aider financièrement, car 650€, était très juste pour payer mes factures, je faisais des vacations a l’hôpital Raymond Poincaré, souvent de nuit et en 12h.

Plus rien ne m’arrêtait, même les douleurs, les crises d’urticaire survenues au cours de ma deuxième année, qui m’ont valu un séjour aux urgences car je commençais à faire un œdème de Quincke.

Ma formatrice référente ne me croyant pas capable d’aller au bout avec une telle pathologie a commencé à me pousser au delà de mes limites, en me mettant chaque jour un peu plus à l’épreuve.

Mais elle n’aura pas réussi à me faire arrêter ce métier pour lequel je vis.

Le 25 mars 2015, obtention de mon diplôme.

Le lendemain je commence mon poste au sein d’un service d’admission psychiatrique, dans un
Hôpital psychiatrique de Paris.
Les mois s’enchaînent, avec deux passages à l’acte de patients sur ma personne.
Des mises en contention parfois assez violentes.
Une bataille pour empêcher une patiente de s’étrangler avec un drap.
Mais aussi les entretiens de soutien avec parfois des patients qui nous touchent très profondément.
Mais je suis heureuse, j’arrive à évacuer en dehors de mon travail, et je réalise que j’arrive à gérer la juste distance quant à mon métier.

Mais au fil des mois, mes collègues me tournent le dos, où me laissent en difficulté.
Il m’arrive parfois d’être seule pour 17 patients, sans
Aucune aide, en ne trouvant aucun des collègues au sein du service.
Ils vont pour certains me détester, car pour faire face au SED, j’investis toute mon énergie dans mon métier.
Ma cadre me surnomme d’hyperactive.

Je sens une tension palpable avec les autres collègues…. Ayant été deux fois en arrêt maladie suite au SED et à des douleurs chroniques et une fatigue ne pouvant plus gérer, ils me tournent le dos….

Je subis à force un épuisement professionnel, et le 17 novembre 2015, après une mise en contention très difficile, je me retrouve avec une fracture de la main, une entorse du poignet et plusieurs des doigts de la main.

C’est alors que je débute mon arrêt maladie.
Au fil du temps, je sors du déni du SED, et c’est alors que de nombreux autres signes du SED se manifestent.
Je commence donc à communiquer par le biais d’associations avec d’autre SEDistes, comme on se prénomme.
Je me fais des amis, qui sont devenus très chers.

Je rencontre un parcours spécifique, prenant en charge les SEDistes pour de la rééducation.
Je poursuis ma psychothérapie.

Alors que dans mon service les idées fausses me concernant circulent, certains collègues « espionnent » et fouinent sur mon Facebook pour se transmettre des informations.
C’est alors que je change de nom, débute une psychothérapie pour faire face au SED, à son évolution mais aussi à ma situation professionnelle.

En février, le médecin m’autorise à reprendre le travail mon état étant enfin stable.
Mais il est hors de question de retourner dans mon ancien service, pour entendre dire que j’ai « de l’air dans l’os », que je suis une hypocondriaque, hystérique et fainéante.

Je consulte aussi la médecine du travail. On procède à des restrictions de poste afin de préserver ma santé.
Mais aucun poste n’est disponible.

Arrive ensuite la décision de la MDPH de me reconnaître comme personne en situation de handicap.
Malgré cela, toujours aucun poste.
Mon état se dégrade, notamment à cause de mon moral.

Mon métier me manque, et devoir rester à la maison car aucun poste n’est adapté à ma situation physique me déprime.
On me met en place un traitement anti dépresseurs, et de lourds antalgiques.

Je décide de voir une conseillère en économie sociale et familiale, qui m’aide à faire de nombreuse démarches.
C’est grâce à elle que mon dossier MDPH a été traité rapidement.
Elle se démène pour moi.
On met en place un dossier de logement social, car il m’est devenu impossible de monter 2 étages, de vivre dans 15m2 devient impossible ayant de plus en plus de matériel médical nécessaire tel que des coussins orthopédiques, du nécessaire pour faire ma rééducation à domicile.
Mon oxygène, mes différentes orthèses….

Depuis ce jour, je me suis investie pour monter un dossier de dérogation afin de travailler en libéral pour me joindre à l’équipe du parcours Sed santé où  je suis suivie pour ma rééducation.
Je souhaite m’investir et partager mon expérience et mon savoir pour aider les patients atteint du SED, tout comme moi.
Je pense qu’il peut parfois être plus simple de se confier et de faire à une personne qui a vécu les mêmes choses, du moins concernant cette maladie qui peut parfois provoquer un renfermement sur soi, un isolement social, une incompréhension des autres, et surtout cette errance médicale qui nous fait perdre pied et provoque même une faute concernant notre santé psychique…..
Je souhaite mener des groupes de paroles, faites des soins appropriés aux particularités du SED.

Je veux faire de cette maladie ma force….
Tout en aidant les autres SEDistes.

Je suis déjà en contact avec plusieurs personnes atteintes du SED, que je conseille sur des soins, à qui j’explique certaines choses sur la maladie, que j’accompagne psychologiquement. Parfois si c’est possible je les rencontre, et nous échangeons, je les accompagne parfois à prendre des rendez vous médicaux dans certaines spécialités.

Mon métier est une vocation, je n’en doute plus, mais c’est aussi ma passion. Je ne peux vivre sans cela, et sans aider les personnes qui en ont besoin.

Hier, j’ai déposé mon dossier de dérogation ….. Je me suis retrouvée face à une personne n’étant sûrement pas en mesure de comprendre ce que je vis, et pourquoi je demande cette dérogation, afin de pouvoir poursuivre mon métier, mais en libéral pour gérer mon temps en fonction de mes rendez vous et bien sûr de mon état.

Je suis tout à fait capable d’exercer mon métier, mais tout le monde en doute…..

La CPAM ne m’accordera pas la dérogation…..
Mais mon dossier va être transmis à une commission… Laquelle ? Je ne sais pas .

Je dois donc fournir encore plus de documents qui parfois, sont impossible à obtenir…
Et lors de cette commission… Je ne serais pas convoquée…. Personne ne pourra entendre ce que j’ai à dire, je n’aurai pas l’occasion d’exprimer mes idées et d’exprimer ce que je ressens, ni même d’expliquer ce qu’est notre maladie….

Mes rêves et mes espoirs s’envolent petit à petit, et je me perds dans un nuage d’incompréhension et de solitude….

Voilà pourquoi, je décide enfin de m’exprimer, et de partager ma passion mais aussi mon désespoir.


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