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[critique] Legend : conte intemporel

Par Vance @Great_Wenceslas
[critique] Legend : conte intemporel

Ciné-club particulier puisque tout le monde connaissait déjà Legend. L'occasion de revoir un film que beaucoup n'avaient pas revu depuis longtemps, profitant de l'actualité (un nouveau Scott prometteur !) et de la récente sortie en HD du conte qui date de 1985.

Il a tout d'abord fallu s'entendre sur la version à regarder. A l'instar de Blade Runner ou d' Alien, Legend a lui aussi été modifié et peut être vu dans 3 montages différents. Nous avons préféré voir la version Director's cut, la plus récente.

Pour situer le contexte :

- Le film sorti au cinéma aux Etats-Unis est le plus étrange : suite à des projections test, Scott décide de couper son film, de le simplifier, et de changer la musique de Jerry Goldsmith (qu'il avait mis 6 mois à composer) en la remplaçant par celle du groupe allemand Tangerine Dream, aux accents électroniques. Le film dure 89 minutes et retire une grosse partie de son mystère en présentant dès le début son méchant ultra-charismatique Darkness, dans une scène aux couleurs criardes et fluo qui ne correspond pas du tout à l'ambiance voulue par le metteur en scène (ni probablement par le directeur photo Alex Thomson, qui a notamment travaillé sur et ).

Le film en devient un peu kitsch, mais sa réputation peu flatteuse en a fait pendant longtemps une source d'intérêt pour les fans européens qui avaient eu droit à une version bien différente. La sortie de l'édition spéciale américaine en DVD avait permis de voir enfin ce fameux montage, une vraie curiosité, et de finalement se rendre compte que la BO électronique colle plutôt bien à ce film (toutes proportions gardées, le véritable score de Goldsmith lui étant largement supérieur bien entendu).

- Le film sorti en Europe et à l'international est celui qui se rapproche le plus de la version director's cut que nous avons vu lors du Ciné-club. Dès sa sortie en salles, nous avions pu avoir droit à la musique de Goldsmith et à un montage approchant les 94 minutes. Il s'agit de la version sortie en France en 2002 en DVD, très recommandable (et la seule à avoir été doublée en VF).

- Un autre montage, proche de celui de la version européenne de 94 minutes mais toujours avec la musique de Tangerine Dream (sauf sur deux séquences où celle de Goldsmith est réintégrée) a pu être vu à la télévision aux Etats-Unis.

- Enfin, et c'est celui qui nous intéresse, le Director's cut propose un montage long de 114 minutes, avec la musique de Goldsmith et des séquences inédites, rendant le film bien plus fluide et cohérent.

Le Director's cut avait été jusqu'à présent uniquement visible sur l'édition spéciale DVD américaine. Il est maintenant bien inclus dans toutes les versions HD, américaine (avec en plus la version de 1985 de 89 minutes avec la musique électronique de Tangerine Dream) et française (avec en plus la version de 1985 de 94 minutes avec la musique de Goldsmith).

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Globalement - à l'exception d'un participant en fait - tout le monde a aimé. On pouvait se demander si le film n'avait pas un peu trop vieilli, mais grâce à sa direction artistique et à son monde totalement imaginaire, on a vite constaté qu'il était toujours aussi splendide.

Pour appréhender Legend aujourd'hui, il faut cependant savoir que chaque étape de la fabrication du film (pré-production, tournage, post-production) a été très difficile à gérer pour Ridley Scott. Connaître quelques anecdotes sur la genèse du film permet d'être d'avantage conciliant devant certaines erreurs de raccord et certains effets visuels moins réussis.

L'idée de réaliser un conte de fées a très vite germée dans l'esprit de Scott, qui voulait s'y atteler de suite après son méga succès Alien. Mais le scénario jugé trop coûteux de ce qui s'appelait "Legend of Darkness" connut tellement de réécritures, que Scott ne put envisager de le tourner qu'après Blade Runner, un bide au cinéma à l'époque. Il démontra néanmoins avec ses deux films de Science-Fiction (et avec les Duellistes aussi) qu'il était un grand créateur d'univers, et qu'il avait un sens artistique bien prononcé. Voulant réaliser le conte de fées ultime, il décida de simplifier à l'extrême son scénario afin de transposer à l'écran des archétypes de héros et un récit les plus purs possible. "Legend of Darkness" devint "Legend".

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Comme tous les classiques de contes de fées, Legend possède une noirceur assez perturbante derrière son apparente naïveté. Encore faut-il avoir envie de s'y intéresser, car l'on peut très vite décréter que le film n'est qu'un récit manichéen sans autre ambition que d'être visuellement épatant. Par exemple, on peut facilement trouver Jack agaçant, car il incarne (d'une manière absolument géniale grâce à Tom Cruise) le héros le plus pur, le plus désintéressé, donc probablement le plus lisse, le plus fade. Son adversaire, Darkness (impressionnant acteur que Tim Curry, déjà repoussant et tentateur dans le cultissime Rocky Horror Picture Show, qui fera l'objet d'un article une autre fois, car nous l'avons vu lors d'un Ciné-club également) est l'exact opposé : terrifiant, sans une once de bonté. Deux extrêmes, dont le traitement volontairement non nuancé pourra peut-être déplaire.

Pourtant entre eux deux, se trouvent deux personnages pas si simples à envisager : d'un côté la princesse - modèle de générosité et d'innocence en général -, jouée par une Mia Sara très juste, qui ici se trouve être légèrement égoïste et manipulatrice, et de l'autre Honeythorn Gump, un elfe de la forêt, bienveillant mais dont les accès de violence et de colère étonnent un peu. Gump possède en lui une force mystérieuse que seuls quelques plans mettront en avant (ce regard terrifiant lorsqu'il pointe son archer vers Jack) et Lili la princesse deviendra le temps d'une séquence envoûtante de danse une sorte de double maléfique, révélateur de la part de noirceur en chacun des personnages, y compris des plus purs.

Plus si manichéen que ça, ce film finalement ? Car si le charismatique Darkness arrive à révéler le côté obscur de la princesse, aucun héros du film ne parvient à son tour à déceler une quelconque part de bonté dans ce personnage. C'est en apprenant à vivre avec ces deux facettes, ces deux côtés de la personnalité, que Jack, Lili et leurs amis arrivent à vaincre Darkness, qui refuse la notion de dualité. La preuve : eux arrivent à survivre dans son château au cœur des ténèbres, alors que lui est vaincu par la lumière du jour.

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Mais Legend, c'est avant tout un film esthétiquement très réussi. On pourrait bien entendu revenir sur le maquillage délirant de Darkness, l'un des plus grands méchants vu au cinéma. On pourrait parler de ces images tout droit sorties d'un livre de conte, des licornes (un animal que semble vénérer Scott). Les décors ont été intelligemment filmés en studio, afin de recréer une atmosphère un peu étrange, onirique, à la fois très crédible et très artificielle. Chaque cadre renferme des milliers de détails, des animaux, des fleurs, des bulles, des pétales, de la neige, du vent, des poussières, du pollen... Tout est en mouvement, comme si l'on avait remué une de ces boules à neige, cloisonnant le récit dans un décor étouffant et représentant pourtant superbement bien l'idée d'une forêt immense. Legend devient une histoire intemporelle. Le travail sur le son, très saturé en informations, bruits, dialogues et musique, renforce la sensation presque claustrophobe et paradoxale d'être au cœur de la nature mystérieuse et vaste.

Ce n'est pas pour rien qu'il est souvent cité comme une source de référence.

Pour l'anecdote, il a apparemment inspiré le couple Johnny Depp et Vanessa Paradis pour le choix des prénoms de leurs enfants.

Miyamoto (le génie qui a créé Mario) aurait affirmé s'être inspiré de Legend pour sa saga culte The Legend of Zelda, d'après l'excellent livre "Zelda, chronique d'une saga légendaire".

Outre le trio représenté lui aussi par un héros habitant la forêt, une princesse intrépide et un méchant à la forme bestiale, on peut remarquer une étonnante ressemblance dans la représentation de l'univers, semblant de prime abord très vaste mais cloisonné par des barrières virtuelles guidant les personnages en les ramenant sans cesse dans l'histoire.

Christophe Gans cite également le film dans son commentaire audio du Pacte des Loups, l'esthétique de la forêt de Legend ayant eu un impact sur sa vision de réalisateur.

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Peter Jackson a toujours voulu que son Seigneur des Anneaux ressemble à Legend. Certains de ses plans renvoient directement au film de Ridley Scott, comme celui que vous verrez en comparaison (même s'il n'apparaît pas dans le film, juste dans la bande annonce de la Communauté de l'Anneau), qui montre une elfe courant dans la forêt,

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ou comme les nombreux plans de transition du prologue notamment, qui illustrent les rayons du soleil passant à travers les branches des arbres, ou les cours d'eau et autres éléments de la nature.

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Le film ne fait pas l'unanimité mais pour peu que l'on accroche à son ambiance tout droit sortie d'un conte, il fait partie de ces œuvres vraiment signifiantes.

Lili, jeune et jolie princesse, est convoitée à la fois par Jack, jeune homme proche de la nature, et par Darkness, véritable incarnation du mal, qui ne rêve que de plonger le monde dans une nuit éternelle en tuant les deux licornes protectrices. Avec l'aide du lutin Gump et de ses acolytes Screwball et Tom Brown, Jack se lance dans une quête désespérée pour mettre fin aux agissements du démon et empêcher la transformation de Lili en créature perverse.


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