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Les femmes navrantes

Publié le 25 septembre 2016 par Morduedetheatre @_MDT_

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Critique des Femmes Savantes, de Molière, vues le 24 septembre 2016 au Théâtre de la Porte Saint-Martin
Avec Agnès Jaoui, Jean-Pierre Bacri, Evelyne Buyle, Philippe Duquesne, Julie-Marie Parmentier, Catherine Ferran, Benjamin Jungers, Chloé Berthier,René Turquois, Baptiste Roussillon, Chloé Lorphelin, Thomas Harel,Thomas Keller, Olivier Lugo, dans une mise en scène de Catherine Hiegel

Voilà quelque chose que je ne fais jamais, ou si rarement : partir avant la fin d’un spectacle. Je trouve cela irrespectueux envers le travail des comédiens, metteur en scène, techniciens lumières et autres costumiers qui ont passé tant de temps pour nous offrir cela. Mais devant un travail aussi bâclé, sans idée, sans but, je ne peux plus perdre mon temps qui se fait rare cette année. Je suis allée voir les Femmes Savantes de la grande Catherine Hiegel, et j’assiste à une représentation digne d’une fin de collège. Lorsqu’on ne trouve pas une nécessité dans un spectacle, mieux vaut ne pas le monter que d’ennuyer ainsi le public.

Je me souviens des Femmes Savantes d’Arnaud Denis, après lesquelles je m’étais dit qu’il serait difficile de faire mieux. Sa mise en scène, classique et brillante, était limpide et intelligente. Quel contraste avec ce que j’ai vu ce soir ! Avec 10 fois plus de moyen, Catherine Hiegel n’atteint pas le petit orteil de ce spectacle qui me laisse encore aujourd’hui un souvenir incroyable. Quel besoin de mettre tant d’argent dans des costumes – certes magnifiques – et dans un décor – tout aussi beau – si l’âme du spectacle est absente ? En est-on à un tel point qu’on privilégie la forme à la matière ? A quel moment est-on tombés si bas ?

40 secondes à peine que le spectacle a débuté et déjà je sens que quelque chose ne va pas. Les deux jeunes femmes qui s’affrontent sur la scène sonnent faux, mal, dépensent leur énergie en criant alors que le texte reste incompréhensible. On attendait mieux de Julie-Marie Parmentier, qui campe une Henriette bien fade. Mais je suis aussi là pour le duo Bacri et Jaoui, comme les 4/5e de la salle, alors je prends mon mal en patience. Je vois passer un Benjamin Jungers bien terne avant qu’entre enfin en scène Jean-Pierre Bacri. Ah, voilà un Chrysale de qualité, bien que par moments Bacri lui-même ne semble pas y croire. Mais lorsqu’entre face à lui Agnès Jaoui, ce qu’il avait commencé à construire s’effondre : où est la femme forte qu’est Philaminte ? Où est la terreur, l’agressivité, l’intelligence ? Je ne vois qu’insipidité et banalité. La voix mal posée, les répliques tombantes, le corps gênant, on se demande bien ce qu’Agnès Jaoui fait là.

Seule Evelyne Buyle semble dans son élément, en accord avec cette idée de Catherine Hiegel de faire des Femmes Savantes une pièce féministe : l’actrice, bien qu’interprétant Bélise, est d’une grande classe. Mais elle est bien la seule : à croire que Catherine Hiegel est partie d’une idée sans la creuser, sans chercher en profondeur un fil directeur dans cette mise en scène qui n’en ressort que profondément vide et dénuée de sens.

Allez, je reste encore un acte, pour la scène de Trissotin. Quand même, ça, c’est drôle. Mais non ! Catherine Hiegel a réussi l’exploit d’empoussiérer ces Femmes Savantes, de les rendre lentes et ennuyeuses, froides et mornes, inintéressantes, éteintes. Autour de moi, les enfants s’agitent, ne rient pas, s’ennuient. Comme je les comprends ! Mais j’ai la chance, contrairement à eux, de pouvoir prendre la décision de partir, et c’est ce que je fais. En moi la colère gronde : dire que des parents emmènent probablement pour la première fois leurs enfants au théâtre pour voir pareil spectacle, il y a de quoi les dégoûter ! Se jouer ainsi d’un public qui paie sa place plein pot, c’est indigne et je ne me tairai pas. Je ne me cacherai pas derrière « une mise en scène classique » sous prétexte que c’est Catherine Hiegel qui met en scène. Non, disons les choses clairement : Catherine Hiegel a fait une erreur. Elle ne voulait pas monter cette pièce et cela se sent. Il fallait penser au public avant de répondre au caprice d’acteurs incapable de se rendre compte que le rôle n’est pas pour eux. C’est fou, ça !

Indigne. Il y a tant de beaux spectacles en cette rentrée théâtrale qu’il ne faut pas perdre son temps avec celui-ci. 

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