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Quand Babelio rencontre Jim Fergus

Par Samy20002000fr

Lundi 26 septembre, une trentaine de lecteurs de Babelio a eu l’occasion de rencontrer Jim Fergus pour une discussion autour de son dernier roman, La Vengeance des mères, publié aux éditions du cherche midi. Cet ouvrage fait suite à Mille femmes blanches, premier roman de l’auteur. Très souriant et avec beaucoup d’humour, l’écrivain répond aux questions de ses lecteurs.

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1875. Dans le but de favoriser l’intégration, un chef cheyenne, Little Wolf, propose au président Grant d’échanger mille chevaux contre mille femmes blanches pour les marier à ses guerriers. Grant accepte et envoie dans les contrées reculées du Nebraska les premières femmes, pour la plupart « recrutées » de force dans les pénitenciers et les asiles du pays. En dépit de tous les traités, la tribu de Little Wolf ne tarde pas à être exterminée par l’armée américaine, et quelques femmes blanches seulement échappent à ce massacre.

Parmi elles, deux sœurs, Margaret et Susan Kelly, qui, traumatisées par la perte de leurs enfants et par le comportement sanguinaire de l’armée, refusent de rejoindre la  » civilisation « . Après avoir trouvé refuge dans la tribu de Sitting Bull, elles vont prendre le parti du peuple indien et se lancer, avec quelques prisonnières des Sioux, dans une lutte désespérée pour leur survie.


La suite d’un roman écrit dix-huit ans plus tôt

Les lecteurs font part à l’écrivain de leur étonnement de voir ce roman se situer dans le prolongement direct du premier récit, Mille femmes blanches, malgré les dix-huit années passées depuis la parution aux Etats-Unis du premier opus. Mieux, si certains lecteurs présents n’ont pas lu ce premier tome, cela ne les a pas empêché le moins du monde d’apprécier cet ouvrage.

Des commentaires qui ravissent Jim Fergus, heureux d’être parvenu à écrire son roman sans que la lecture de Mille femmes blanches ne soit indispensable aux lecteurs. Pour l’auteur, qui souhaitait simplement relier les deux livres par quelques éléments, l’objectif est donc atteint. Mais pourquoi avoir attendu si longtemps avant de donner une suite à son roman-phare ?  « Je ne suis pas un grand adepte des suites, explique-t-il. Elles sont trop souvent beaucoup moins bonnes que l’original. En fait, pour ne pas être tenté d’en écrire une, j’avais donné la mort à quasiment tous les personnages du premier volume, sauf quelques-uns ! Je crois que j’ai pris la décision de poursuivre cette histoire après m’être rendu dans certains des lieux où se déroulent les scènes de Mille femmes blanches. Je ne l’ai pas relu avant de commencer mon second tome, mais j’étais toujours aussi attaché aux personnages ». L’écrivain explique en effet qu’il ne parvient pas à relire ses anciens écrits : J’y trouve trop d’imperfections, « dit-il en riant.

Satisfaits de cette réponse, les lecteurs les plus friands de l’œuvre de l’auteur font part de leur ressenti à la fin du livre. Bon nombre d’entre eux semblent percevoir une suite se profiler à la fin de La Vengeance des mères. Une intuition confirmée par Jim Fergus qui avait déjà en tête le troisième tome en écrivant ce roman : « j’ai d’ailleurs déjà introduit les personnages du dernier tome de la trilogie. » L’auteur en profite pour parler de ses projets pour ce nouveau roman : « Dans le troisième opus, je souhaite exploiter davantage le Chamanisme des Amérindiens. Cela m’effraie un peu car je suis resté ancré dans une forme de réalisme de par mon métier de journaliste, mais j’ai envie d’essayer de faire quelque chose de différent. »

Une documentation riche pour un univers au réalisme poignant

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Pour des lecteurs français peu au fait de l’Histoire des Indiens d’Amérique, il a été difficile de mêler ce qui appartenait à la fiction et à la réalité dans le récit de Jim Fergus. Avec une pointe d’humour, l’auteur admet parfois ne plus le savoir non plus. Avec plus de sérieux, il poursuit : « J’ai essayé de construire une structure sur une base historique en me documentant sur les batailles qui ont déchiré les indigènes, je voulais à la fois de la fiction et de la réalité tout en évitant la leçon d’histoire, j’ai donc essayé d’insuffler une part d’imagination sur des faits réels. »

Les lecteurs rebondissent sur ces propos pour interroger l’auteur sur la manière dont il a procédé pour obtenir un livre aussi riche. Jim Fergus se remémore ses longs mois d’écriture et de recherche « J’ai passé plusieurs mois dans une réserve pour m’imprégner de cette culture. J’ai par ailleurs un ami cheyenne qui m’a présenté à des membres de sa communauté. De plus en plus d’histoires sur les Cheyennes et les Sioux mettent en avant l’absence d’intégration de ces communautés dans la société américaine en raison d’un mode de vie et d’une façon de penser trop différents des Américains. »

Séduit par la méticulosité avec laquelle l’auteur est parvenu à obtenir un si belle structure historique, les lecteurs soulignent que le réalisme poignant de ce livre est en partie dû à sa très dense documentation, mais aussi en raison de personnages attachants et réels. Au point où l’on peut se demander, en cours de lecture, s’ils ont réellement existé. « Je m’inspire souvent d’individus réels pour créer mes personnages, précise l’auteur. Une de mes autres sources d’inspiration majeures a été la photographie que vous pouvez voir en couverture du livre. Cette femme guerrière du nom de Pretty Nose a combattu lors de la bataille de Little Bighorn en 1876. J’ai insisté auprès de mon éditeur pour qu’il mette cette image en couverture car on décèle dans le visage de cette femme une véritable tragédie, une brisure poignante. » Ravis de cette petite histoire sur la couverture du roman, les lecteurs contemplent leur première de couverture, pensifs.

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Un roman assez bien reçu par la communauté amérindienne

Les romans de Jim Fergus rencontrent un succès considérable en France, mais la méconnaissance qu’ont les Américains de ce romancier peut laisser supposer que ses livres n’ont pas été reçus de la même manière chez les Américains que chez les Français. Jim Fergus rit en expliquant que cette question lui est sans cesse posée, mais qu’il n’en a toujours pas l’ombre d’une explication. Il peut en revanche s’exprimer sur la façon dont a été reçu Mille femmes blanches à sa sortie aux Etats-Unis, où la question des Amérindiens reste un sujet sensible : » J’ai été déçu de ne pas avoir beaucoup de retours de la part des Cheyennes, mais d’après le peu que j’en ai eu, ils ont apprécié que ce livre soit dénué de clichés. J’ai avant tout tenté de faire connaître l’humanité de cette tribu tout en mettant en lumière ses violences et le côté mystique de cette civilisation. J’ai essayé de montrer ces deux aspects représentatifs de l’ambivalence de l’Homme. »

Une lectrice adepte de la littérature américaine fait remarquer que beaucoup d’Amérindiens sont sur le devant de la scène littéraire aux Etats-Unis depuis quelques années. En tant qu’écrivain blanc, a-t-il une volonté de créer un dialogue en parlant dans son livre de métisses ?  » Je ne suis pas un Amérindien, et il est vrai que peu de romanciers blancs ont évoqué les sujets que j’aborde dans mes romans, comme celui de la mixité, de l’échange entre Amérindiens et Blancs américains. Je suis conscient d’avoir peut-être fait des erreurs dans mon récit concernant la représentation des Indiens, mais c’est le luxe d’être romancier : la capacité de refaire le monde ».

Les femmes combatives très présentes dans l’œuvre de Fergus

Si les lecteurs ont autant apprécié ce roman, c’est avant tout parce qu’ils ont aimé les personnages.  Certains remarquent d’ailleurs que les femmes combatives occupent une place prédominante dans ses récits, une place bien plus importante que celle attribuée aux hommes. Jim Fergus s’explique :  » J’ai toujours trouvé les femmes beaucoup plus intéressantes que les hommes ! Non, en réalité, ayant perdu ma mère à l’âge de seize ans, j’ai été très inspiré par le parcours de ma grand-mère, dont j’étais très proche. »

Une lectrice rebondit sur l’évocation de la maternité pour interroger l’auteur sur les similitudes qui existent dans son œuvre, notamment entre Mille femmes blanches et Marie-Blanche. Ces corrélations sont-elles volontaires ? « Oui, il y a le mot  » blanche  » dans chacun de ces titres, plaisante Jim Fergus. En les écrivant, je n’ai pas particulièrement cherché à créer une connexion, mais simplement à aborder des choses gaies et positives tout en gardant à l’esprit la dureté de la réalité ».

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Intrigués par le titre du livre, les lecteurs demandent à l’écrivain quel est pour lui le thème principal de son roman : la vengeance ou l’amour d’une mère ?  « Pour moi, malgré son titre, explique-t-il, La vengeance des Mères n’est pas un roman de vengeance mais un roman sur l’amour qui unit une mère à ses enfants. Le roman évoque avant tout une lutte de vivre, de se débattre et de procréer ».

Rites des personnages et de l’écrivain

La foi semble être une thématique importante de cet ouvrage. Jim Fergus admet pourtant ne pas être très religieux :  » J’apprécie les bonnes choses de la religion, précise-t-il. Mais malgré mon cynisme, je cherche avant tout à raconter une histoire émotionnelle, intéressante, et qui va plaire aux lecteurs ». Une lectrice profite de cette occasion pour faire part d’une observation. Elle a remarqué que dans le roman, l’aspect spirituel est très marqué chez les Cheyennes, tandis que du côté des catholiques c’est seulement la dimension de l’organisation religieuse qui est mise en avant.  Était-ce un choix conscient de la part de l’auteur ? L’écrivain américain n’est cependant pas tout à fait d’accord avec cette analyse et fait remarquer que le personnage le plus spirituel de son roman est sans doute le frère Anthony qui tente d’aider les personnages du roman. 

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Pour conclure la rencontre, une lectrice demande à l’auteur quel est son rythme d’écriture. Adepte de la régularité, Jim Fergus répond qu’il écrit sept jours sur sept  » Tous les jours sans journée de repos, même si ce n’est parfois que quelques heures lorsque je suis moins productif. Cette phase d’écriture est précédée de longs mois de documentation dont je m’extirpe à grande peine, étant un passionné d’histoire. Il m’est difficile de sortir complètement de mes romans, mes personnages sont toujours dans un coin de ma tête, même lorsque j’organise des dîners chez moi. Parfois, je me demande comment ma femme peut bien me supporter ! « 

Les lecteurs remercient l’écrivain pour son intervention et restent encore un long moment sur place pour faire dédicacer leur exemplaire du livre, échanger leurs impressions de lecture et, à défaut de fumer le calumet de la paix, boire le verre de l’amitié !

Retrouvez notre interview de l’auteur dans les locaux de Babelio et un aperçu de la rencontre en vidéo :


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