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Peut-on désirer sans souffrir ?

Publié le 20 juin 2008 par Jcgbb

Peut-on ne pas souffrir en désirant ? Soit parce qu’on désire ce qu’on n’a pas, soit parce qu’on n’obtient jamais exactement ce qu’on désire ? Le désir n’est-il pas manque, et le plaisir toujours en-deçà de la satisfaction souhaitée ? Souffrir est-il toujours soit la condition, soit la conséquence du désir ? Faut-il alors supprimer les désirs ou accepter qu’il n’y a pas de plaisir sans souffrance ? L’enjeu de cette question est le bonheur, car il nous semble toujours que nous serions plus heureux si nous pouvions moins souffrir. Mais cet idéal est-il souhaitable ?

Il est rare de se satisfaire de ce qu’on a et de ne pas sans cesse tourner nos regards au-delà. L’habitude, l’usage, la durée font perdre aux choses ce qu’elles ont de « distinguant », comme dit Leibniz, et celles-ci, perdant « l’attrait de la nouveauté », cessent d’être des objets de désir. Le désir est alors envie, attente, inquiétude. A l’inverse, dans l’amour, on n’en a jamais assez, le désir ne s’épuise pas et reste toujours insatisfait : on aime toujours en languissant, disait Platon… Peut-être, enfin, nos désirs nous condamnent-ils à l’insatisfaction, non parce que nous sommes imparfaits, mais parce qu’autrefois nous avons connu la perfection : l’homme est un être déchu, d’après Pascal, et ne peut désirer en cette vie que des choses décevantes, à jamais inégalables à Dieu.

Tous les désirs pourtant n’ont pas la même intensité, et il est rare d’être triste en désirant. Désirer n’est ni vouloir, ni ressentir un besoin, et on se remet vite de ce qu’on a seulement souhaité, sans s’engager en entier. Et puis, nos désirs, souvent promesses de plaisir, nous font rêver en attendant. Désirer, comme remarquait Freud, c’est rêver. Enfin, outre les désirs imaginatifs et capricieux, il y a les désirs qui font agir, ceux qui viennent d’une plénitude et non d’un vide et qui pour cette raison sont créateurs et pas seulement demandeurs. Tous les êtres sont gros de quelque chose, disait Platon, d’une passion, d’une mission, et enfantent au gré des rencontres et des occasions : le désir est alors action, plutôt que passion.

Cette dernière situation signale que ni le plaisir, ni l’absence de souffrance ne sont les buts de nos désirs. Sans doute désirons-nous toujours au-delà de ce que nous sommes ou avons, mais nos buts ne nous rendent-ils pas indifférents à ces questions de plaisir et de souffrance ? Peut-être même est-ce cette tension du désir qui est bonne : seul est vraiment bon ce qui est difficile (Nietzsche), et il n’y a pas de plaisir sans peine (Leibniz).

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