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Max | Juste l'humanité

Publié le 04 octobre 2016 par Aragon

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Aucune différence entre Hushpuppy et Louis, ils savent tous deux écouter les cœurs battre. Ça a l'air simple, rien de plus difficile pourtant, quasi impossible, écouter un cœur battre. Tant qu'il est temps.

Ils entendent le signal, le son. Tout meurt autour d'eux, l'ouragan arrive, les eaux vont monter, tout emporter, la Grande Maladie moissonne à coups de faux impitoyables, reste quoi, restera quoi ?

Ça n’a aucune importance. Le regard, la capacité à porter un juste regard sur cadavre de chien au ventre béant, poissons, poulets, crabes, sœur, frère, belle-sœur, mère, dérive, le monde est à la dérive, tout est à la dérive. Le monde vit et dérive. Seule l’oreille posée sur l’autre pour entendre battre le cœur, seuls l’oreille et l’œil.

Croire que le monde est stable, ferme, immuable, pérenne, comme croire en Dieu... folie... par contre croire parce qu'on l'entend, parce qu'on le voit, à l'autre, croire à un cœur qui bat, tant qu'il est temps. Parce qu'un cœur qui bat submerge, dépasse par sa beauté toutes les horreurs du monde, toutes les déchéances sordides et sales dues à folie, maladie, forces démentielles de la nature. Tout le réel d'un monde tient à ça : à un simple cœur qui bat.

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Hushpuppy et Louis ne sont plus alors que regard, regards fulgurants et bouleversants. Les deux films viennent du théâtre, une fois de plus le théâtre donne le meilleur de lui-même, son essence, son plus qu'aboutit, la pièce de Lucy Alibar, celle de Jean-Luc Lagarce sont substantifique moelle pour le spectateur qui peut se rendre disponible, qui saura s’ouvrir en grand pour recevoir l’incomparable, l'incroyable.

Recevoir l’incroyable message partage compassionnel, émotionnel, l’incroyable proposition d'écoute empathique du monde, des êtres, de la nature. Tout meurt ou va mourir, il faut savoir alors écouter battre le cœur de l’autre, le cœur du monde tant qu’il est temps, sans jérémiade, sans pathos, avec naturel, avec lucidité savoir regarder les eaux monter, les poissons flotter sur le ventre, cadavres d’animaux que nous sommes aussi dans l’eau ou sur les berges, savoir regarder un corps sur un lit d’hôpital, savoir porter un regard juste sur l'autre, savoir écouter le chant du monde contenu dans un simple cœur, tout petit cœur, qui bat. Pouvoir l'envisager. Pour ne plus avoir peur, même si le monde voudrait et sait se rendre effrayant, pour ne plus avoir peur de la montée des eaux, de la Grande Maladie...

Chefs d'œuvres purs et absolus que "Ces bêtes du Sud sauvage" (Beasts of the Southern Wild) et "Juste la fin du monde", chefs d'œuvres, oui.


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