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Dans un an, le monde aura oublié la blockchain

Publié le 14 octobre 2016 par Patriceb @cestpasmonidee
Blockchain Trop, c'est trop ! À force de dénaturation du concept de « blockchain », il est temps de dire stop ! Hélas, comme la surenchère va certainement se prolonger encore quelques mois, je prédis ici que les désillusions approchent et que les mythes vont bientôt s'effondrer, enterrant enfin les promesses absurdes entendues ces derniers temps.
De nouveaux sommets sont en effet atteints en la matière, quand ANZ et Wells Fargo annoncent conjointement, à la suite d'une expérience pilote, qu'elles sont prêtes à révolutionner le système des correspondants bancaires régissant aujourd'hui les transferts internationaux. Et ce n'est pas en invoquant la mise en œuvre d'une « technologie de livre de compte distribué » (« DLT », pour Distributed Ledger Technology), expression apparemment plus sexy que le terme « blockchain », que l'idée est meilleure.
Je ne reviendrai pas sur les reproches génériques qui peuvent être faits à la plupart des initiatives récentes (voir, par exemple, ce billet sur l'utopie des économies possibles). Celle d'ANZ et Wells Fargo dépasse les bornes en proposant d'utiliser la « blockchain », en parallèle des moyens de transfert d'argent existants (via Swift, en l'occurrence), dans le seul but de faciliter la réconciliation des comptes entre correspondants. Comme s'il était impensable de mettre en place un registre partagé avec des solutions classiques…
Certes, le problème ciblé est bien réel : les établissements prenant en charge les échanges transfrontaliers doivent depuis toujours synchroniser les visions « en miroir » de leurs comptes, ce qui requiert des efforts conséquents. Pour autant, la difficulté est-elle technique ? Clairement pas. La communication des deux partenaires est d'ailleurs explicite sur ce point : au-delà de l'expérimentation qu'elles ont réalisée, elles admettent qu'une collaboration étroite entre tous les acteurs concernés est la clé de la réussite. De toute évidence, ce n'est pas l'adoption d'une « blockchain » qui peut la lever…
Évolution des recherches Google sur le terme « blockchain » entre 2012 et 2016
En réalité, le symptôme est toujours le même, à chaque apparition d'une technologie, et il est d'autant plus prononcé que le potentiel de disruption de l'innovation en question est élevé. Sous l'effet de l'emballement médiatique, ses « victimes » se mettent à prendre ce qui n'est qu'un outil pour une solution miraculeuse à leur (ancien) problème. Or, non seulement une technologie ne constitue-t-elle quasiment jamais « la » réponse, mais, en outre, sa contribution est inversement proportionnelle à l'ambition visée.
Génération après génération, le mirage technologique continue à faire oublier que les plus grandes sources d'inefficacité sont généralement liées à des contingences d'organisation, de décisions, de politique… que des outils sont naturellement incapables de résorber. Le plus triste est que, lorsque la réalité reprend le dessus et que les espérances excessives sont déçues, la faute en incombe à la technologie mise en œuvre, qui devient alors la cause de tous les maux de l'entreprise et se voit rejetée en bloc.
Il ne fait désormais plus de doute que c'est aussi le destin qui attend la « blockchain » à relativement court terme. Les expériences farfelues se multiplient, les promesses invraisemblables s'accumulent (essayez de faire le total des milliards d'économies annoncées par les gourous, la planète ne devrait plus avoir besoin d'argent), les déploiements opérationnels sont invisibles (ou presque)… Tout est donc réuni pour la chute finale. Heureusement, il restera le bitcoin et son infrastructure, qui permettront au concept de survivre et à ses applications « raisonnables » de prospérer.

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