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Bourgogne et Bordeaux : tellement de différences !

Par Mauss

Il est des évidences dont on n'ose pas toujours parler ou dont on discute mezzo voce, mais là, avec cette huitième édition du Villa d'Este Wine Symposium, on ne peut plus cacher les choses.

Oui, il y a bien des différences fondamentales dans les comportements entre propriétaires/vignerons bordelais et bourguignons.

Que les choses soient absolument claires : on ne parle pas ici de la qualité des vins ou mêmes des RQP. Chaque région a ses ténors justifiés, ses seconds couteaux qui se croient arrivés, et ceux qui méritent et dont on ne connaît pas encore bien les noms.

Le sujet n'est donc pas ici de dire si oui ou non un Haut-Brion 89 ou un Ausone 2000 sont autant estimables qu'un La Tâche 90 ou un Chambertin 85 de Rousseau. Le goût est avant tout une estimation personnelle résultat de son propre palais, de son éducation et de sa connaissance du grand vin. Et les vins cités, pour les amateurs éclectiques, sont d'immenses réussites.

On va évoquer autre chose.

Ce n'est pas moi qui le dit, c'est un grand bordelais qui était des nôtres à Villa d'Este et qui a été totalement bluffé par la générosité exceptionnelle à la fois du Domaine Coche-Dury et du Domaine de la Romanée-Conti, en présence de leurs propriétaires réciproques. La variété des vins proposés - et non point des "seconds" vins comme on aime les "monter" à Bordeaux avec des prix à 3 chiffres - est tout simplement quelque chose d'inimaginable en bordelais : que ce soit sur place ou à Singapore ou Dallas.

Le côté "vigneron" de ces producteurs ayant toujours un peu de terre sous les ongles est limite incompréhensible pour les nobliaux historiques bordelais.

Les échanges entre amateurs et vignerons bourguignons n'ont rien à voir avec le type de discussions qu'on peut entendre - avec autant de franchise et d'honnêteté - entre un oenophile et un châtelain bordelais.

Cette différence était criarde à pleurer !

Qui n'a pu assister à de tels échanges n'a simplement rien compris au fait qu'en Bourgogne on aime le vin et qu'en Bordelais on respecte le vin.

En fait, un bordelais aura toujours un mal fou à intégrer dans son schéma cervical ce minimum de passion qui est quasi majoritaire chez un grand bourguignon. Il y aura toujours à Bordeaux ce néfaste concept d'argent avant tout, ce seul respect pour les fortunés et ce quasi dédain pour les sans-grades pourtant amateurs inconditionnels des beaux et vrais vins.

Une preuve ? Une seule : mais dieu sait que ce négociant bordelais - il fait partie des 5 plus importants, donc ce n'est pas n'importe qui - m'a écrit ce mail alors que je voulais savoir s'il pouvait venir cette année à Villa d'Este et participer aux dégustations de prestige; il est vrai que le coût par poste était de € 1.000 (pour Coche-Dury) et de € 1.200 pour celle de la Romanée-Conti dont on dégustait une verticale comparative (12 verres en tout) entre La Tâche et Grands Echézeaux allant jusqu'en 1964.

Je le cite in extenso :

"Je dois te dire en outre que le prix des dégustations devient hors de portée pour des Européens comme nous"

Qu'un grand nom de Bordeaux dont le chiffre d'affaires est allègrement supérieur à € 100 M et qui vend sans état d'âme des premiers et équivalents à plus de € 1.000 la topette ose m'écrire une telle phrase m'avait laissé sans voix. Etrangement, je me suis senti insulté mais bon, j'ai préféré ne pas lui donner mon sentiment de honte à l'époque. Là où n'importe quelle belle Maison bourguignonne n'hésite jamais à ouvrir de vieux millésimes, de faire connaître tel ou tel premier ou grand cru, de voir qu'un richissime bordelais dont le business est de vendre des quilles à prix supérieur, se dise incapable de mettre € 1.200 pour déguster des vins sublimes et surtout bien plus rares que les premiers qu'il vante à qui mieux mieux, cela montre tout simplement ce gouffre énorme entre Bordeaux et Bourgogne.

Faut-il préciser que plus de 90 % des amateurs qui se sont inscrits à cette dégustation sont très, très loin de la fortune de ce négociant bordelais ? Pas un seul qui ne se soit senti floué !

A moins de s'appeler Parker ou Suckling, quelles sont les propriétés bordelaises ayant cette générosité d'offrir - même à un prix modique de "participation" - les fleurs de leurs plus beaux millésimes ?

Arrêtons là ce coup de gueule bien tardif, j'en conviens, et qui a été aussi suscité par un des derniers n° du Figaro Magazine où, au lieu de nous présenter de jeunes vignerons méritant d'être connus, ce numéro a si bêtement fait la sempiternelle revue de presse des grandes familles dont on sait qu'elles vivent bien et n'ont nul besoin d'un tel support médiatique qui n'est que répétitif, lassant et d'une terrible tristesse pour des egos d'une autre époque.

Essayez de leur dire que ce serait bien que ces historiques du 1855 ou équivalents mettent quelques sous sur la table pour vanter et faire connaître les nouveaux venus faisant plus que bons mais n'ayant pas eu la chance de bénéficier d'un classement dont eux ont hérité comme cuillère en argent ! Je passerai pour un dangereux gauchiste à bannir de toute cour bordelaise !

… sans oublier pour autant que plus d'un domaine finance des instituts locaux de recherche ou de formation comme le DUAD.

Il n'est que temps pour les bordelais d'aller à Canossa, c'est à dire en Bourgogne pour enfin comprendre ce qu'est une vraie passion du vin. Mais ont-ils, ces bordelais en costume trois-pièces, ont-ils encore assez de place pour intégrer dans leur tête autre chose que des chiffres en euros ?

Bon : restons francs : il y a aussi à Bordeaux quelques bons négociants ! Durs à trouver ? Certes, mais si, je vous le dis il y en a au moins 1 :-)

Va savoir Charles ! 


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