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Max | Merci

Publié le 11 novembre 2016 par Aragon

"...Marianne, le temps où nous sommes si vieux et où nos corps s’effondrent est venu, et je pense que je vais te suivre très bientôt. Sache que je suis si près derrière toi que si tu tends la main, je pense que tu pourras atteindre la mienne. Tu sais que je t’ai toujours aimée pour ta beauté et ta sagesse, je n’ai pas besoin d’en dire plus à ce sujet car tu sais déjà tout cela. Maintenant, je veux seulement te souhaiter un très bon voyage. Adieu, ma vieille amie. Mon amour éternel, nous nous reverrons”

Lettre d'adieu de Leonard à Marianne

Gracias a la vida / Merci à la vie
Que me ha dado tanto / Qui m'a tant donné


Violeta Parra

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Ce matin, je sentais que ça allait être un foutu matin "sans". Mais je me dis, pensant à la chance énorme que j’ai - que nous avons tous - d’être en vie, que ça vaut la peine, que ça en vaut sacrément la peine. On peut faire le plein de choses. Avoir des projets créatifs, des relations, des désirs, des envies, on peut dire merci à la vie.

Je lui dis merci, d’aussi loin que je me retourne et me penche sur mon passé. Je lui dis merci de m'avoir donné le Schwarzwald, la neige de Baden-Baden et les bras de ma mère. Je lui dis merci de m’avoir donné les grandes forêts de pins de Castel-Sarrazin, refuges de mon enfance. Je lui dis merci de m’avoir donné Jean-Michel Théodore, l’ami de ma sœur, qui m’avait prêté une pile de 33 tours, j’avais 12 ans, je crois, Félix Leclerc, Woody Guthrie, Leonard Cohen, Maître Zim, d’autres, merci Jean-Michel, où que tu sois. Je lui dis merci de m'avoir donné Roger Gonot qui m'a présenté personnellement René-Guy et Hélène Cadou.

Je lui dis merci de m’avoir donné à voir tant de belles choses, des départs, découverte de mon Amérique mettant le pied dans l’esprit de Cartier sur le tarmac de La Guardia, à vingt ans, d’avoir ensuite remonté le chemin du Roy, Nouvelle-France mon pays. Je lui dis merci pour les aurores boréales du lac Saint-Jean. Je lui dis merci de m’avoir donné une vie, des amis, une merveilleuse famille, mes enfants.

Je lui dis merci de m’avoir donné la maladie de 2004 à 2009, avec sa douleur absolue qui a failli me faire mourir avant qu’elle ne soit opérée et que je sois ramené ensuite sur la grève des reconstructions, des résurrections, ses écumes apaisantes, de tous les possibles. Je lui dis merci pour tout, pour la peinture et la musique, je lui dis merci pour Nice en 2008, une semaine entière de rémission alors que j’étais au plein cœur de ma souffrance à proximité immédiate des souffles vivants de Bashung, Barbara Hendricks, Diana Krall, Georges Benson, Hubert-Felix Thiefaine & Paul Personne, Ibrahim Maalouf, Jean-Luc Ponty, Joan Baez, John Mayall, Leonard Cohen, Macéo Parker, Nigel Kennedy, Pink Martini, Rufus Wainwright, Sanseverino, Stacey Kent, Stefano Di Battista, Yael Naïm. Je lui dis merci pour les musiques, toutes les musiques qu’elle a données à mon cœur et mes oreilles, pour les Suites de Bach, pour tous les musées visités, pour tous les films visionnés, pour la lecture, pour Bartabas, pour le théâtre, pour mon chat Titi qui était une chatte, merci.

Je lui dis merci de m’avoir fait nager sur toutes les mers du globe. Je lui dis merci de m’avoir permis de me glisser parmi les dauphins, d’avoir vu l’œil souriant de cette baleine à quelques mètres. Je lui dis merci de m’avoir fait gravir les pentes douces à mon cœur de Montségur, du Mont Choungui, de la Soufrière. Je lui dis merci pour mes émois mécaniques : locomotives emmenées en gare de Pontigny, monomoteur survolant la "Poule" de Hienghène ou les plages des Landes, vraie Jeep USWW2 pilotée dans les boues du chablisien, mon Harley, mon VTT, l'aventure au bout de tous les chemins. Je lui dis merci pour tous mes amis. Pour Alain de Carcassonne, pour Pierre de Saint-Jean-sur-Richelieu, Daniel de Saint-Perdon, pour tous les autres. Je lui dis merci pour mon sensei aujourd’hui, sur le tatami de Pomarez. Je lui dis merci pour mes rencontres aimées, précieuses, toutes si belles. Je lui dis merci pour ma sister. Je lui dis merci pour la peau, pour la douceur, pour les vraies couleurs, celles du ciel, des sentiments.

Ce matin, je sentais que ça allait être un foutu matin "sans" mais ça ne peut l’être. Le bouffon étasunien ne pèse rien s’il nous éclabousse un brin en ce moment ; le départ de Leonard, s’il me touche au plus profond du cœur ne me pèsera jamais car il n’aura donné que du beau, du fort et du vivant avant de tirer sa révérence la nuit dernière. Il est là. Sa voix, son cœur sont là.

Ce matin, je veux particulièrement dire merci à  Graeme Allwright, qui vient d'avoir 90 piges il y a 4 jours, notre ami Graeme qui nous a apporté sur un plateau d'argent, en français, les textes de Dylan et Leonard. Je te dis merci, toi la vie, ma belle, toi qui fait la nique à ce novembre merdique.

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traduction :

http://www.lacoccinelle.net/259727.html

http://www.lesinrocks.com/2016/08/07/musique/lettre-dadie...


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