Magazine Société

Mich-el-le, de Dunia Miralles

Publié le 18 novembre 2016 par Francisrichard @francisrichard
Mich-el-le, de Dunia Miralles

Les éditions de L'Âge d'Homme viennent de publier dans leur collection de poche, le Poche suisse, une pièce de Dunia Miralles qui vient d'être jouée au Théâtre ABC, à La Chaux-de-Fonds, entre le 28 octobre 2016 et le 5 novembre 2016.

Cette pièce, au titre ambigu, Mich-el-le, est un monologue. Les didascalies indiquent ce que fait Michelle, tandis que Michel Borel, à l'état civil, exprime tout haut ce qu'il ressent d'être une femme emprisonnée dans le sarcophage d'un corps d'homme.

C'est un soir d'orage qu'enfant, Michel découvre dans un coffre des vêtements de femme, parmi lesquels des soutiens-gorge, une gaine, des porte-jarretelles: C'est un éblouissement. Dès lors elle n'a cesse de se retrouver seule pour enfiler de la lingerie.

Sa famille est affligée que la grêle ait détruit blé et arbres fruitiers, mais elle peut enfin devenir elle-même, enfin être Michelle avec deux ailes pour s'envoler loin de [sa] réalité de Michel, avec son unique L final, comme un coup de bâton dans le dos.

Le personnage de la pièce est singulier. Aux yeux des femmes, Michelle n'est pas une femme et, aux yeux des hommes, s'ils connaissaient son secret, Michel ne serait pas un homme. Pour le définir, le mot consacré est, semble-t-il, trans-identitaire.

En effet Michelle n'a pas subi de transformation. Michel est maçon pendant la journée et ne veut pas perdre son travail, parce que c'est le seul qu'elle sait faire et qu'elle aime faire. Mais, rentrée chez elle, elle redevient elle-même:

En sortant du travail, j'aime me rechanger et aller boire un petit café seule pour lire le soir le journal du matin, et sentir le plaisir de sortir avec mes vêtements de femme, même si personne ne remarque que je suis en femme.

Cette femme d'un autre genre existe, même si elle est très minoritaire dans la société. Sa différence est mal acceptée par les femmes elles-mêmes, qui savent son secret et qui ne la reconnaissent pas comme l'une des leurs: l'habit ne fait pas la femme.

Michelle aime que les hommes s'intéressent à elle, mais ne veut surtout pas qu'ils pensent qu'elle est un travesti ou un homosexuel, puisqu'elle est femme: les cigognes se sont seulement trompées en mettant son âme dans un corps d'homme.

Michelle aime les vraies femmes, les ovariennes, sans être lesbienne pour autant. Si elle ne peut leur offrir son corps pour qu'elles l'étreignent, son corps d'homme ne réagissant pas, elle leur reconnaît un droit à exercer sur lui:

Parce qu'en désirant leur féminité, j'insulte leur perfection.

Ces états d'âme de fille, dans un corps d'homme qui lui est étranger, sont révélatrices d'une réalité qui gêne. Ils posent plus généralement la question du respect de la différence dont la réponse ne se trouve pas dans l'égalité-panacée:

Si j'étais l'égale d'une femme, je ne craindrais pas qu'une balle se perde sur mon stand de tir, si l'on venait à considérer que je suis efféminée, ou que l'un de mes amis chasseurs me prenne pour un chevreuil, s'il venait à apprendre qui je suis véritablement.

Francis Richard

Mich-el-le - Une femme d'un autre genre, Dunia Miralles, 76 pages L'Âge d'Homme

Livre précédent chez le même éditeur:

Inertie (2014)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Francisrichard 12008 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine