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Ex-Région Poitou-Charentes : des dérapages organisés

Publié le 07 décembre 2016 par Blanchemanche
#PoitouCharentes

07/12/2016

Le dossier des impayés de la région Poitou-Charentes connaît un nouveau rebondissement, alors que le rapport de la chambre régionale des comptes est attendu dans les jours qui viennent. - Le dossier des impayés de la région Poitou-Charentes connaît un nouveau rebondissement, alors que le rapport de la chambre régionale des comptes est attendu dans les jours qui viennent. - (Photo d'illustration)
Le dossier des impayés de la région Poitou-Charentes connaît un nouveau rebondissement, alors que le rapport de la chambre régionale des comptes est attendu dans les jours qui viennent. - (Photo d'illustration)


La rédaction a eu accès à des notes internes et des courriers électroniques qui révèlent que les dérives financières s’inscrivaient dans un système de sous-budgétisation et de report des dépenses.

Tout l'indiquait depuis des mois. Les uns après les autres, les audits réalisés à la demande du conseil régional après la révélation des dérives financières de Poitou-Charentes établissaient que l'ardoise de 131,9 millions d'euros héritée de l'ex-Région n'était pas tout à fait due au hasard. Ni même à des négligences.
L'audit complémentaire sur les impayés réalisé par le cabinet Ernst & Young identifiait en particulier trois causes embarrassantes : une sous-budgétisation volontaire, un blocage des paiements au second semestre, le non-respect du principe de l'annualité des comptes des collectivités.Des notes internes et des courriers électroniques de 2014 et 2015 compilés par les services de la Région Nouvelle-Aquitaine, à Poitiers, attestent en effet du caractère organisé de ce système qui revenait à reporter une grande partie des dépenses annuelles sur l'exercice budgétaire suivant. L'équivalent d'un cinquième du budget l'an dernier.Il apparaît que plusieurs services avaient alerté leur direction générale. C'est le cas de la Direction du territoire et du vivre ensemble qui, dans une note du 30 mars 2015, faisait savoir que 99 % des crédits d'investissement votés avaient déjà été consommés pour la santé. « Malgré nos propositions, les crédits nécessaires au versement des acomptes intermédiaires pour la construction de l'hôpital Nord Deux-Sèvres n'ont pas été inscrits sur le budget primitif 2015 », déplorait le service en rappelant les sommes ainsi volontairement « oubliées » : 2,3 M€ au deuxième trimestre et 4,7 M€ au troisième. Même situation pour la commission " synthèse territoires ", toujours à fin mars : « A ce jour, 80 % des crédits d'investissement votés ont été consommés. »Le cas de la Direction de la formation figurait déjà dans le rapport d'E & Y. Il est éloquent dans la mesure où il met en évidence que 28,8 M€ de dépenses de 2014 ont été reportées sur 2015 en raison de « la régulation des paiements imposée par la direction du budget et des finances à compter de septembre 2014 » et non pas seulement à cause de la « sous-dotation budgétaire de 2014 ».Pire, cette note du 13 mai 2015 évoquait les conséquences d'un « arrêt ou retard de paiement », en fin d'année, au moment de la fusion avec l'Aquitaine et le Limousin. Demandeurs d'emplois, boursiers, apprentis et étudiants sont cités mais également les « organismes partenaires […] qui se trouvent dans des situations financières compliquées » « Tout retard de paiement pourrait leur être très préjudiciable », précise la direction du service.On se souvient que la Maison familiale et rurale de Bonneuil-Matours s'est effectivement retrouvée en cessation de paiement début 2016 au moment où éclatait le scandale des impayés de Poitou-Charentes." Solder le plus de dossiers possibles d'ici la fusion "Dans une note du 26 août 2015, également adressée au directeur général, le service de la culture écrit que « les crédits de paiement disponibles ne permettent pas de couvrir les besoins générés par les dossiers antérieurs et les affectations à venir ». Dès lors, « une priorisation des paiements s'impose », les Nuits romanes et les aides individuelles étant jugées prioritaires. « Le versement des subventions aux grands opérateurs et aux collectivités territoriales serait différé considérant que ces structures peuvent s'appuyer sur leur trésorerie », est-il même précisé.La fuite en avant de l'année passée est confirmée par « la forte hausse des engagements pris au titre du FRIL », le fonds régional destiné à accompagner les petites communes, évoquée dans un courriel adressé au directeur des finances le 29 juin 2015 : « Confrontés à l'absence de crédits disponibles et à l'injonction de solder le plus de dossiers possibles d'ici la fusion, nous nous trouvons dans une situation délicate. » Début juillet, 80 dossiers FRIL étaient complets pour 2,3 M€ d'aides à régler…Le cas du dispositif d'aide à l'isolation des toitures est comparable : « La situation budgétaire demande un arbitrage sur sa poursuite ou non », écrit la Direction de l'environnement le 15 juillet 2015, dans un courriel au directeur général des services, en préconisant « un arrêt courant août ». Sans suite. La Nouvelle-Aquitaine ne mettra fin au dispositif (prévu sans plafond ni condition de ressources) que début 2016.C'est dans ce contexte, avec des dépenses non-maîtrisées et des recettes que l'exécutif se refusait toujours à augmenter, que l'ex-Région a vécu ces derniers mois. D'où le système de blocage d'une partie des paiements instauré l'an dernier pour les mandats de plus de 100.000 euros à partir de juillet et de plus de 50.000 euros en octobre." Des éléments de langage "Un courriel du directeur des finances daté du 10 octobre 2014, révèle que ce procédé avait déjà été éprouvé un an plus tôt. « Je te communique le verdict de la réunion d'arbitrage avec le président sur les dossiers prioritaires », écrit-il à son interlocuteur. « Accord ou attente » : l'avis du président, Jean-François Macaire à l'époque, devait alors figurer sur les mandats de plus de 50.000 euros en souffrance. Sur un tableau, le directeur général adjoint précisait la priorité de paiement : « Moins prioritaire »« Prioritaire » ou « Très prioritaire ».Dans un autre courriel, daté du 3 décembre 2014, le directeur des finances adresse carrément des « éléments de langage concernant les paiements sur le mois de décembre ». Les services sont tenus d'expliquer qu'un « nombre très important des demandes […] entraîne un traitement plus complexe pour maintenir les délais ». Pas question de reconnaître que la Région vit au-dessus de ses moyens : « Évitez d'employer les termes et/ou expressions arrêt du mandatement, clôture de l'exercice. »Dès le 4 mars dernier, lors d'une conférence de presse après la révélation des dérives financières de l'ex-Région dont il était le président depuis mai 2014, Jean-François Macaire reconnaissait la réalité d'un système qu'il semblait alors découvrir : « En examinant les documents financiers, j'ai constaté que, dans les comptes présentés pour 2013 et 2014, les dépenses annuelles reportées d'une année sur l'autre n'avaient pas été comptabilisées à part », expliquait-il. « Cela a faussé la lecture de la situation financière. » Les notes internes et les courriels découverts depuis confirment que c'était même le but recherché.Baptiste Bizehttp://www.lanouvellerepublique.fr/Vienne/Actualite/Politique/n/Contenus/Articles/2016/12/07/Ex-Region-Poitou-Charentes-des-derapages-organises-2928550

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