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Locarno 2016 : roman porno (soft) du matin

Publié le 05 août 2016 par Stenograf

Tatsuku Nagaoka et Yuki Mamiya dans «Kaze ni nureta onna», du Japonais Akihiko Shiota © FESTIVAL DE LOCARNO

Même à Cannes, festival d’une légendaire frénésie, on ne s’est jamais assis devant un écran avant 8 h 30. Locarno, d’ordinaire plus languide, a décidé – peut-être parce que les Suisses aiment à jouer avec le temps – de briser le record du monde de la projection la plus matutinale en proposant aux journalistes de voir Kaze ni nureta onna (« Une femme mouillée sous le vent ») à 8 heures, vendredi 5 août. Produit par la Nikkatsu, firme qui promut au siècle dernier des Roman Porno (« pornos romantiques »), le film d’Akihiko Shiota perpétue, sur un mode ludique et résolument machiste, cette tradition japonaise. On y voit un dramaturge retiré du monde devenir la proie d’une jeune fille aux appétits aussi imprévisibles qu’insatiables. Comme le faisait remarquer une consœur japonaise qui, elle aussi, prenait un café à l’issue de la projection pour recouvrer des forces entamées de si bon matin, « ça ne correspond en rien à l’expérience féminine ».

Cette fantaisie érotique était si brève qu’à 11 heures, le journaliste consciencieux que je suis avait déjà vu deux films, puisque cinq minutes seulement séparaient cette « femme mouillée sous le vent » de La Prunelle de mes yeux, d’Axelle Ropert, qui concourt également pour le 69e Léopard d’or. La réalisatrice française de Tirez la langue, mademoiselle fait partie des noms les plus connus parmi les réalisateurs de la compétition internationale, avec Yousry Nasrallah, qui présentera Al Ma’ wal Khodra wal Wajh El Hassan, titre traduit par les programmateurs en « Ruisseaux, prairies et visages aimables », l’Allemande Angela Schanelec qui revient, six ans après Orly avec Der Traumhafte Weg (« Le chemin rêvé ») ou le Portugais Joao Pedro Rodriguez, dont on découvrira O ornitologo.

On le constate sans surprise, la renommée de ces vétérans dont les films coexistent avec une douzaine de premiers ou deuxièmes films s’étend dans une contrée cinéphile à la fois très vaste (par son étendue géographique, par la diversité de ses produits) et très exiguë (par le nombre de sa population). C’est le mérite de Locarno que de déplacer les foules à la rencontre de ces films qui, pour la plupart (ce n’est pas être un prophète de malheur que de le pronostiquer), peineront à trouver les écrans nécessaires à la rencontre avec le public.

Locarno 2016 : roman porno (soft) du matin

Une image du documentaire de Valeria Bruni Tedeschi et Yann Coridian, « Une jeune fille de 90 ans » © FESTIVAL DE LOCARNO

Car si les projections de presse ont lieu dans le théâtre du casino de la station balnéaire, les projections publiques sont organisées dans de grandes salles à vocation plus ou moins sportive qui sont souvent pleines à craquer. C’était le cas, le 4 août, pour la projection d’Une jeune fille de 90 ans, un documentaire de Valeria Bruni Tedeschi et Yann Coridian, qui suit le travail du chorégraphe et danseur Thierry Thieû Niang dans un établissement accueillant des patients atteints de démence. Une fois faite la part de la bienveillance habituelle des publics de festivals, je suis resté confondu par la vigueur avec lequel ce film a établi son emprise sur la foule, la conduisant délicatement des rires qui accompagnent, pendant les premières séquences les déraisons des vieillards que Thierry Thieû Niang fait danser, au partage de la douleur de ces hommes et de ces femmes qui tentent de retenir la vie qui les fuit.


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