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Almaz Ayana dépoussière le record du 10000 m

Publié le 13 août 2016 par Tanialoue
Les courbes de vitesse des records du monde du 10000 m féminin

Les courbes de vitesse des records du monde du 10000 m féminin

Le record du monde de l’Ethiopienne Almaz Ayana au premier jour de l’athlétisme à Rio a d’autant plus surpris que les 29 min 31 s 78 de la Chinoise Wang Junxia semblaient inaccessibles. Une analyse s’impose.

Aussi impressionnante qu’elle paraisse, la marque de Wang ne reflétait pas le potentiel de son auteure. La jeune femme de 20 ans avait pourtant amélioré le précédent record d’Ingrid Kristiansen de 42 secondes en 1993 à Pékin lors des Jeux Nationaux, et depuis, personne ne s’en était approché à moins de 22 secondes. Néanmoins, l’exploit avait été réalisé au terme d’une course tactique ! Le graphique est éloquent : la courbe de vitesse de la Chinoise (en rouge) marque une nette progression après 7 km. C’est à ce moment qu’elle avait décidé de se débarrasser de son inutile lièvre Zhong Huandi. Wang avait alors couvert les derniers 3000 m en 8 min 17 s 34, soit 5 sec plus vite que le record du monde de la distance d’alors !

En finale des Jeux de Rio, Almaz Ayana vient de courir cette dernière portion, au train, en 8 min 47 s 47. Même si elle ne paraissait pas particulièrement éprouvée à l’issu de son effort, la nouvelle détentrice du record du 10000 m est peut-être plus proche de ses limites que ne l’était son aînée, qui aurait pu passer sous les 29 min s’il lui en avait été donné l’ordre… Les méthodes de coaching des Chinoises dirigées par Ma Junren, basées sur le harcèlement, le surentraînement et sans doute déjà sur des cures hormonales et d’EPO (Wang, qui reconnait les sévices, a toujours nié avoir été dopée), avaient produit d’éphémères miracles en 1993 et 1997, le temps de quelques records qui s’effacent les uns après les autres. En 2004, Elvan Abeylegesse améliorait celui du 5000 m détenu par Jiang Bo ; c’était quelques années avant que l’Éthiopienne naturalisée Turque ne soit contrôlée positive. Il appartient depuis 2008 à son ancienne compatriote Tirunesh Dibaba. L’an dernier, la sœur cadette de cette dernière, Genzebe, avait remisé le 1500 m de Qu Yunxia aux archives. Cette année, sa préparation a été fortement perturbée par l’arrestation de son entraîneur dans une affaire de détention et d’administration de produits dopants en Espagne, et l’Éthiopie comme le Kenya sont dans le collimateur des agences antidopage.

Ayana n’est pas la seule à s’être surpassée à Rio: les 13 premières de la course y ont battu leurs meilleures marques personnelles. Elles peuvent remercier Alice Nawowuna d’avoir dynamité la course dès le départ, sur des bases totalement inconnues pour elle puisque ses temps de passages au 3000 m en 8 min 52 s 70 et au 5000 m en 14 min 46 s 81 étaient inférieurs à ses références sur ces distances (8 min 53 s 55 et 15 min 16 s 74). Si la Kényane a payé cette allure folle en terminant au pied du podium, personne à part Wang à Pékin n’avait fait mieux que son temps final, 29 min 53 s 51 !

Il faut dire qu’enfin, les conditions étaient réunies pour qu’un 10000 m féminin aboutisse à des chronos rapides. Course rarement organisée en meetings, ses listes mondiales sont principalement constituées de performances réalisées aux Jeux olympiques ou aux Championnats du monde. Les courses tactiques, la chaleur ou bien la pluie battante comme lors du record d’Europe de Paula Radcliffe (30 min 01 s 09 à Munich en 2002) ont toujours plombé les aiguilles du chronomètre.

2016 World records pourcentage

La Britannique s’est dite impressionnée par la démonstration de l’Éthiopienne, surtout parce qu’elle n’a jamais cru à la probité des prouesses Chinoises. Pourtant, si l’on excepte le record mondial du 100 m de Florence Griffith-Joyner (10 s 49 en 1988), homologué malgré une panne de l’anémomètre, c’est le sien sur marathon (2 h 15 min 25 en 2003) qui est le plus proche de celui de la gent masculine, avec une différence de seulement 9,21 %. Elle devance en outre de 3 minutes la 2ème marathonienne de l’histoire… Sous les 10 %, on retrouve aussi le 3000 m de Wang (8 min 06 s 11, la même semaine que son historique 10000 m) et Marita Koch qui a fêté l’an passé les 30 ans de ses 47 s 60 sur 400 m. Si l’on en croit le graphique, les prochaines barres à tomber pourraient être les 1 min 53 s 28 de Jarmila Kratochvilova si Caster Semenya le veut bien, et les 14 min 11 s 15 au 5000 m, à moins que Genzebe Dibaba et Almaz Ayana ne continuent de préférer chasser la place plutôt que le temps.

Temps intermédiaires par kilomètres des deux derniers records du monde du 10000 m :

Almaz Ayana (Rio, 2016)
1000 m 3:02.0
2000 m 5:56.0
3000 m 8:53.0
4000 m 11:50.0
5000 m 14:47.1
6000 m 17:36.74
7000 m 20:29.98
8000 m 23:25.37
9000 m 26:22.88
10000 m 29:17.45
(Derniers 5000 m : 14:30.4, derniers 3000 m : 8:47.47)

Wang Junxia (Pékin, 1993)
1000 m 2:54.88
2000 m 5:56.72
3000 m 8:59.33
4000 m 12:02.90
5000 m 15:05.90
6000 m 18:10.19
7000 m 21:14.44
8000 m 23:59.88
9000 m 26:44.80
10000 m 29:31.78
(Derniers 5000 m : 14:25.88, derniers 3000m : 8:17.34)

Sources :

Chen Dunshou, Guo Junren : Analyse biomécanique du record du monde du 10000 m de Wang Junxia, Journal de l’Institut d’éducation physique de Xi’an, 03/1996.

Omega : Analyse de la course, Rapport du 10 000 m femmes, finale. Rio 2016.


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